
Alimentation : où sont les « profiteurs d’inflation » ?
A l’approche de la fin des négociations commerciales, mercredi soir, la grande distribution, les agriculteurs, les industriels et le gouvernement se renvoient la balle sur une hausse à venir de 10 % des prix alimentaires. Dans le viseur : Nestlé, qui voulait imposer un +25 % pour ses boîtes de Nesquik et Coca Cola, qui a proposé un +17 % pour sa bouteille phare.
Le rendez-vous revient chaque année : le premier jour de mars à minuit, échéance pour la fin des négociations commerciales entre fournisseurs et grande distribution . Mais on avait rarement entendu autant de noms d’oiseaux entre tous les acteurs de la filière agroalimentaire qu’à l’approche de ce cru 2023 ! Hasard cruel du calendrier, ce mardi, on a aussi connu l’inflation alimentaire de février (sur un an) : +14,5 %.
Lundi, c’est le patron de Systèmes U, Dominique Schelcher, qui a reconnu une hausse à venir de 10 % environ des prix alimentaires pour les prochains mois – tout en ne reprenant pas le terme « mars rouge ». « Les industriels manquent de transparence », a-t-il attaqué sur France Inter. « Les industriels demandent des hausses de tarifs délirantes de 20 % », s’énervait lui aussi, quelques jours plus tôt, Alexandre Bompard (Carrefour).
+25 % en dix-huit mois ?
On dira que chacun se renvoie classiquement la balle : les distributeurs accusent les industriels transformateurs, lesquels montrent du doigt les hausses des prix des matières premières et les agriculteurs, le gouvernement demandant aux grandes surfaces de « comprimer les marges ». Oui, c’est classique, mais les consommateurs ont bien envie de savoir ce qui se passe : 14,5 % d’inflation passés +10 % à venir = 25 % !
L’année dernière, la guerre en Ukraine, la hausse des prix de l’énergie et des matières premières, des transports et de produits manufacturés (le carton par exemple), rendaient compréhensibles l’inflation alimentaire. Mais en 2023 ? Le cours du blé était de 430 dollars la tonne il y a six mois, c’est 280 dollars aujourd’hui, un conteneur coûtait 11.000 dollars, il est à 2.000 dollars, pointait Alexandre Bompard il y a quinze jours (dans « Le Figaro »).
Dominique Schelcher a détaillé et complété lundi : « Le blé est en baisse de 23 %, l’huile de 40 % sur ces derniers mois, le beurre, le maïs, l’acier, l’aluminium, les emballages, les transports sont à la baisse. D’ailleurs les PME, avec qui nous avons plus facilement conclu nos accords, demandent moins de hausses avec les mêmes matières, les mêmes emballages que les grandes marques. »
Nestlé, Coca Cola, Unilever
Les grandes marques, surtout internationales, voilà la cible montrée du doigt depuis plusieurs jours, et encore ce mardi par Jacques Creyssel, le président de la Fédération du commerce (FCD) qui a cité Nestlé, Coca Cola et Unilever. La FCD regroupe les grandes enseignes de la distribution, à l’exception de Leclerc et d’Intermarché. Et de fait, la lecture des tarifs demandés par ces marques mérite attention.
« Les Echos » ont pu consulter les grilles de prix demandés par Nestlé et Coca Cola aux distributeurs pour certains de leurs produits. Les paquets de poudre pour lait chocolaté Nesquik sont annoncés à +25 % entre septembre 2022 et mars 2023 (+24,98 % pour le paquet d’1 kg, pour être précis !). La bouteille de 1,75 litre de Coca augmenterait de 17,10 %. Celle de Capri Sun Tropical de 23,20 %. Et celle de thé noir glacé saveur pêche de 18,20 %.
En six mois, le prix du cacao n’a augmenté que de 13 %, et on ne voit pas pourquoi les coûts de fabrication du coca auraient grimpé autant ! Alors, les grandes marques internationales « poussent-elles » l’inflation à leur avantage, au-delà de ce dont elles sont victimes ( les résultats de Nestlé ont déçu les investisseurs il y a quelques jours ) ? C’est bien possible, mais ce qui est sûr est qu’elles n’expliquent pas vraiment leurs politiques.
Leur avantage est que leurs produits phares sont suffisamment attractifs pour que les distributeurs ne puissent s’en passer en les déréférençant. Ce sera aux clients de voter avec leurs portefeuilles et cartes bancaires ! Et en attendant, la bataille de communication va bel et bien continuer.
Par Dominique Seux – A retrouver en cliquant sur Source
Source : Alimentation : où sont les « profiteurs d’inflation » ?
https://www.lesechos.fr/