
Avec son « deal » majeur sur Yoplait, Lactalis confirme son rêve américain
General Mills et Lactalis ont bouclé la cession des activités dans l’ultra-frais – yaourts et desserts laitiers – du géant américain au mastodonte français. Une acquisition stratégique pour le numéro un mondial du lait, qui veut se renforcer aux Etats-Unis.
C’est un « deal » majeur pour Lactalis. Ce lundi, le géant américain General Mills et le numéro un mondial des produits laitiers ont annoncé la conclusion de la cession des activités aux Etats-Unis dans l’ultra-frais – yaourts et desserts lactés – du premier au second. Une étape importante dans le développement international du groupe originaire de Laval, en Mayenne.
« Les Etats-Unis sont le premier pays étranger dans lequel nous avons investi en 1981, rappelle Emmanuel Besnier, PDG du groupe, aux ‘Echos’. Cette acquisition nous renforce sur ce marché, qui est le deuxième après la France pour Lactalis. » Deux nouvelles usines vont s’ajouter au 11 déjà détenues par le groupe sur place. L’entreprise est notamment leader du marché du skyr, avec la marque Siggy’s.
Un marché dynamique
En s’emparant de la licence Yoplait dans ce pays, mais aussi des yaourts Mountain High et Ratio, ainsi que d’autres marques sous licence comme Go-Gurt ou Oui, Lactalis met la main sur un chiffre d’affaires de 1,2 milliard de dollars. « Les Etats-Unis vont représenter autour de 15 % du chiffre d’affaires du groupe, avec plus de 4 milliards d’euros au total », précise Emmanuel Besnier.
Grâce à la vente de ces activités aux Etats-Unis, mais également de leur pendant canadien, racheté par la coopérative française Sodiaal, General Mills va, de son côté, empocher 2,1 milliards de dollars.
Alors que Lactalis n’était pas présent sur le marché de l’ultra-frais en 2006, il devient par cette acquisition numéro trois du secteur aux Etats-Unis – derrière Danone et Chobani – et renforce sa position de numéro deux mondial. Le segment de l’ultra-frais va désormais représenter environ 17 % du chiffre d’affaires de Lactalis, contre 15 % actuellement. Il devient ainsi la deuxième activité du groupe, derrière le fromage mais devant le lait de consommation.
Ce marché est particulièrement dynamique aux Etats-Unis. Il devrait passer de 9,38 milliards de dollars en 2023 à 10,45 milliards d’ici à 2028. Selon Circana, 104 millions de personnes aux Etats-Unis consomment des yaourts. Elles dépensent 6,27 dollars par panier dans cette catégorie. Une bonne nouvelle pour l’entreprise laitière, puisque la catégorie est plus rentable que d’autres, comme les ingrédients.
La politique actuelle de Donald Trump n’y change rien. « Les Etats-Unis restent un pays dynamique, en croissance, où il y a des opportunités à saisir, beaucoup d’innovation et de croissance interne possibles. Nous y sommes implantés depuis quarante ans, et nous nous y développons depuis lors, donc il n’y a pas de bouleversement », confirme Emmanuel Besnier. Grandir est aussi un gage de confiance dans les relations avec la grande distribution : « Les distributeurs américains veulent des partenaires qui peuvent les suivre aussi dans leur propre développement. »
L’heure est plutôt à la digestion
Lactalis restera donc aux aguets et pourrait s’attaquer à de nouvelles catégories, notamment dans le fromage. Le groupe est déjà présent sur les fromages italiens (avec la marque Galbani), sur ceux de type européen (avec la marque Président) ainsi que sur les fromages naturels (comme le cheddar) depuis le rachat des activités de Kraft Heinz en 2020. A l’époque, ce dernier n’avait pas cédé Philadelphia, la marque phare de « cream cheese », un secteur que Lactalis pourrait développer.
Le groupe de Laval assure toutefois que l’heure est plutôt à la digestion de sa nouvelle acquisition. Outre le traditionnel passage en revue des forces et faiblesses du nouveau business, ce travail est rendu plus complexe par le contexte de l’achat.
« Nous sommes sur des séparations d’actifs, alors que les grandes sociétés américaines sont plutôt très intégrées. Notre priorité du moment est de constituer une nouvelle entité, avec le millier de salariés de General Mills qui vont nous rejoindre », explique le PDG de Lactalis.
Taxes Trump : un coup dur pour les AOP
Si Lactalis confirme rester peu concerné par les taxes douanières imposées par Donald Trump, puisque le groupe produit la quasi-totalité de ses produits sur place, il reconnaît des conséquences sur ses ventes d’AOP françaises et italiennes. « Nous sommes sur des produits du quotidien, vendus autour de 3 euros. Une hausse de 10 % est vite ressentie : les consommateurs connaissent les prix, les regardent et les challengent », justifie Emmanuel Besnier.
Par Paul Turban