
Alimentation vegan : la France fait encore la fine bouche
Le marché vegan est aujourd’hui surtout américain et asiatique. La part des produits de substitution aux oeufs, lait et viandes dans le panier des Français est encore extrêmement modeste. Elle se limite à 0,6 % des dépenses alimentaires, selon Kantar Worldpanel.
Il ne se passe pas de mois sans qu’un grand groupe alimentaire n’annonce en grande pompe le lancement d’une saucisse végétale ou le rachat d’une start-up de la « FoodTech » spécialisée dans cette nouvelle cuisine. Nestlé, le numéro un mondial, est à cet égard très représentatif.
Ses toutes dernières innovations, dévoilées jeudi, sont des substituts végétaux des oeufs et des crevettes. Les premiers peuvent se cuisiner en omelettes ou servir d’ingrédients dans la pâtisserie. Les deuxièmes, baptisées « Vrimp », doivent venir enrichir les salades ou les pâtes des amateurs. Elles sont le fruit d’un mélange d’algues, de pois et de racines de konjac – une plante japonaise connue pour ses vertus thérapeutiques, notamment digestives.
Explosion des levées de fonds
Les groupes les plus liés à la viande ou au lait, comme le charcutier Fleury Michon, le leader mondial du yaourt Danone et le fromager Bel participent au même mouvement. Les start-up fleurissent dans le secteur, dont certaines, comme l’américaine Beyond Meat, ont battu des records de valorisation en Bourse il y a trois ans. Quant à leurs levées de fonds (hors viandes cellulaires), elles ont littéralement explosé, approchant les 3 milliards en 2020, contre 200 millions d’euros en 2017, selon Matteo Neri, directeur des études agroalimentaires du cabinet Xerfi.
Les estimations du marché mondial d’ici à 2050 sont toutes plus vertigineuses les unes que les autres, dans un contexte de bouleversements climatiques et de montée en puissance d’une conscience écologique planétaire. Toute cette effervescence donne à croire qu’une révolution alimentaire est en marche, qui va voir disparaître ou au moins considérablement reculer les protéines animales, viande, oeufs et lait.
Etats-Unis et Asie mènent la danse
Pour l’heure, La réalité du moment varie considérablement d’un marché à l’autre. A en juger par les chiffres, le phénomène est surtout américain et asiatique. Ce qui suffit à expliquer les investissements des majors dans les substituts aux protéines animales. Le marché mondial est estimé à 18,5 milliards d’euros par Xerfi en 2020. Il a progressé de 7,1 % en un an.
La très grosse part de ce marché (15 milliards d’euros) est occupée par des alternatives végétales au lait (surtout du fait de l’Asie), tandis que les substituts à la viande totalisent les 3,5 milliards restants et concernent plus le marché américain, souligne Matteo Neri. Les Etats-Unis, qui représentent le tiers des ventes mondiales totales à 6 milliards d’euros, affichent une croissance du marché vegan de 27 % en 2020, selon l’étude de Xerfi.
L’Europe arrive loin derrière, même si la hausse des ventes vegan est impressionnante dans quelques pays, comme l’Allemagne, le Royaume-Uni et les Pays-Bas. En Allemagne, leader de l’UE en la matière, elles ont doublé en deux ans, pour atteindre 817 millions d’euros l’an dernier.
La France et l’Italie réticentes
En France, il en va tout autrement. « Le marché des substituts aux protéines animales recrute mais reste un marché de niche », commente Gaëlle Le Floch, directrice marketing de Kantar Worldpanel. Certes, on voit s’opérer une sensibilité au discours ambiant. Ainsi le pourcentage de foyers comptant au moins un végétarien est passé de 1,5 % en 2015 à 2,8 % cette année.
Dans le même esprit, « le nombre de foyers comptant au moins une personne qui souhaite réduire sa consommation de viande a doublé de 25 % à 49 % ». Mais dans les dépenses alimentaires des ménages français, les alternatives aux oeufs, lait et viande pèsent 0,6 %, précise Gaëlle Le Floch.
Au terme d’une très vaste enquête menée auprès de 15.000 personnes, France Agrimer estime à 2 % des 15-75 ans les végétariens, soit 1 million de personnes. Pour Matteo Neri, « cette catégorie de consommateurs qui mangent moins de viande, est très floue. En outre tous n’achètent pas des substituts à la viande ».
Malgré une offre plus abondante de produits, « les ventes vegan n’ont progressé que de 28 millions d’euros en 2020 quand le biscuit Kindercards de Ferrero atteignait 14 millions d’euros de recettes en trois mois », fait encore valoir Matteo Neri. De fait, la France se distingue par « un certain conservatisme alimentaire. Comme l’Italie d’ailleurs, où les ventes vegan ont commencé à baisser », conclut le directeur des études alimentaires de Xerfi.
Article de Marie-Josée Cougard – A retrouver en cliquant sur Source
Source : Alimentation vegan : la France fait encore la fine bouche | Les Echos