« Les salariés reviennent moins souvent au bureau mais quand ils y sont, ils veulent se faire plaisir à table », observe le patron de Compass France.« Après cinquante ans de restauration industrielle, nous entrons dans l’ère de l’expérience culinaire », estime le patron de Compass France

Si elle n’avait pu anticiper l’épidémie de Covid-19, la filiale française du groupe britannique, numéro un mondial de la restauration collective, a entamé depuis plusieurs années un programme de transformation de son modèle. Dans les entreprises, les hôpitaux et cliniques, les établissements scolaires, Compass France adapte son offre.

L’épidémie de Covid-19 a bouleversé l’univers de la restauration collective. Comment avez-vous fait face ?

Cette transformation en gestation, nous l’avions perçue et entamée, bien avant la crise. Les mutations structurelles de notre marché étaient perceptibles depuis plusieurs années : la digitalisation, le nomadisme, une consommation plus responsable, un approvisionnement plus local, la fin du modèle traditionnel de la pause déjeuner, les propositions à tout moment de la journée et par différents canaux… La crise sanitaire nous a donc permis d’accélérer le déploiement de solutions longuement mûries en amont.

Quelle a été votre stratégie ?

D’abord, nous avons changé de culture d’entreprise et d’organisation. Lorsque je suis arrivé en 2015, il y avait cinq niveaux hiérarchiques. Nous sommes redescendus à trois, avec un organigramme plus court, une organisation flexible et autonome. Le Comex a été renouvelé, avec un mix de promotions internes et de recrutements extérieurs. Près de 40 % des postes sont désormais occupés par des femmes et la moyenne d’âge de l’équipe est passée sous la barre des 45 ans. Cela a renforcé notre capacité de transformation et notre vitesse d’exécution quand il a fallu affronter la tempête.

Etre un pure player de la restauration n’a-t-il pas été un handicap ?

Au contraire, nous avons mis en avant notre expertise de restaurateur. Il y a trois ans, j’ai constitué des entités dédiées à chaque secteur de clientèle : Eurest pour les entreprises, Medirest pour la santé, Scolarest pour l’éducation. Des chefs exécutifs ont été nommés en région. Plus qu’une multinationale, nous sommes une fédération d’activités locales avec des décisions décentralisées. Notre rôle de restaurateur s’étend aujourd’hui au-delà de la pause méridienne, avec des plats à emporter, à partager, livrés, etc.

Comment vous êtes vous adaptés à l’évolution des pratiques de télétravail ?

Il s’agit d’une tendance de fond, qui se vérifie partout en France, même si elle est plus accentuée dans les métropoles. Les salariés reviennent moins souvent au bureau mais quand ils y sont, ils veulent se faire plaisir à table. Nous remettons la cuisine à l’honneur en travaillant des produits frais. L’offre est moins pléthorique mais plus responsable et qualitative. Proportionnellement, le pourcentage de convives par rapport au nombre de collaborateurs sur site s’est accru.

Quand les gens sont en télétravail, nous leur proposons des plats à emporter à partir du bureau, avec une durée de vie de deux à trois jours. C’est le modèle le plus efficace. Notre marque Exalt propose, par exemple, des sacs isothermes pour emporter son dîner, sa recette pour six personnes ou son gâteau d’anniversaire préparé sur place par le chef pâtissier. Le champ des possibles s’élargit. Après cinquante années de modèle de restauration industrielle, nous entrons de plain-pied dans une ère axée sur la valeur, l’émotion et l’expérience culinaire.

Malgré une activité très touchée par les confinements, vous avez évité tout plan social. Comment ?

Nous n’avons pas recouru à un PSE. Le dialogue social en interne nous a permis de travailler sur la mobilité et la flexibilité en sécurisant, notamment, un accord d’activité partielle de longue durée (APLD) pour nos 15.000 salariés. Des passerelles ont été créées entre secteurs d’activité, le médical et l’éducation étant en pénurie de main-d’oeuvre : des transferts temporaires ou pérennes.

Et les innovations se sont diffusées rapidement à l’instar de Popote, des petits plats frais cuisinés tous les matins et livrés dans les entreprises. Nous avons aussi mutualisé les expéditions pendant les confinements, livrant au domicile des salariés leurs repas de la semaine, un savoir-faire que nous maîtrisions déjà grâce aux activités de portage à domicile pour les personnes âgées.

Irez-vous jusqu’à ouvrir des « dark kitchens » pour servir les particuliers ?

On pourrait, car nous aurions une légitimité : nous, nous partons vraiment du food, pas de la bicyclette ! Mais la priorité est de fidéliser nos clients traditionnels, en les accompagnant dans la gestion de cette crise.

Parmi toutes vos activités de restauration, celle dans les loisirs et la culture a été particulièrement touchée. Pourriez-vous en sortir ?

Ces activités, très emblématiques pour nous, pèsent relativement peu dans notre chiffre d’affaires total. Le Puy du Fou, la Philharmonie ou l’AccorArena ont évidemment été très impactés. Mais ce segment n’est pas remis en cause. A moyen terme, les perspectives de rebond sont réelles.

Comment voyez-vous se profiler l’année prochaine ?

Nous anticipons dès 2022 un retour à notre performance pré-Covid.

Article de Martine Robert – A retrouver en cliquant sur Source

Source : « Après cinquante ans de restauration industrielle, nous entrons dans l’ère de l’expérience culinaire », estime le patron de Compass France | Les Echos