Les deux premiers magasins « Jack’s » ouvrent ce jeudi en Angleterre. L’ambition de Tesco est d’en lancer 10 à 15 dans les six prochains mois.

La résistance des géants de la distribution s’organise, au Royaume-Uni, contre l’offensive des hard-discounters. Après l’annonce du projet de fusion entre les numéros deux et trois du secteur, Sainsbury’s et Asda, c’est le leader Tesco qui dégaine son arme secrète contre les allemands Lidl et Aldi. Le groupe a annoncé mercredi l’ouverture outre-Manche d’une nouvelle chaîne de magasins discount, baptisée « Jack’s » (en référence au fondateur du groupe, Jack Cohen, à qui l’on doit déjà le « co » de Tesco).

Une réaction devenait urgente face à l’insolente percée d’Aldi et Lidl,  respectivement cinquième et septième enseignes du pays,  dont la part de marché cumulée atteignait selon Kantar 13,1 % début septembre, dans un pays où le pouvoir d’achat est sous pression, les salaires réels n’augmentant pas alors que les prix ont grimpé l’an dernier, les incertitudes sur le Brexit ayant fait chuter la livre et ainsi renchéri les produits importées. De quoi bousculer Tesco, dont le poids (27,4 %) s’est érodé de cinq points ces dernières années.

Alors que deux premiers magasins seront ouverts au public à partir de ce jeudi à Immingham (sur la côte est) et à Chatteris (au Nord de Cambridge), l’ambition de Tesco est d’en lancer 10 à 15 d’ici à fin 2019. Cinq seront d’actuels magasins Tesco reconvertis, d’autres ouvrant sur de nouveaux sites ou à proximité de points de vente existants, avec à chaque fois 20 à 25 employés. L’investissement de départ est de 20 à 25 millions de livres. A titre de comparaison, Aldi et Lidl ouvrent chacun 50 à 60 boutiques par an et en ont 1.300 dans le pays.

« Être les moins chers en ville »

Le but est clair : prendre les Lidl et autres Aldi à leur propre jeu, en faisant tout simplement comme eux. « Notre but est d’être les moins chers en ville », a prévenu le PDG, Dave Lewis, qui a promis un ajustement des prix au niveau local en fonction de ceux des concurrents. Les magasins ressemblent à s’y méprendre à ceux des hard-discounters. Et Tesco n’a pas hésité à recruter Lawrence Harvey, l’ex-patron d’Aldi, pour prendre les rênes de sa nouvelle enseigne.

En contrepartie, ni marque de luxe, ni vente en ligne. Jack’s se concentrera sur quelque 2.600 produits – bien moins que les 35.000 vendus par les supermarchés Tesco – dont plus de la moitié (1.800) seront sous sa propre marque. Mais la nouvelle chaîne compte aussi se différencier avec des produits fabriqués dans 8 cas sur 10 au Royaume-Uni (100% du lait par exemple). Un pari qui pourrait s’avérer payant, au moment où le Brexit pourrait pousser les consommateurs britanniques à un réflexe nationaliste d’achat « made in UK ». Autre nouveauté : les clients pourront scanner leurs produits avec leur smartphone et payer la note via une application.

Pression sur les marges de Tesco

L’initiative de Tesco n’est pas une première. Asda avait testé une enseigne Asda Essentials en 2006 avant de couper court, Tesco lui-même lancé il y a dix ans une série de marques à bas coût avant d’y renoncer, et Sainsbury’s avait ouvert une série de magasins Netto en partenariat avec la chaîne danoise en 2014 avant de les fermer deux ans plus tard.

Pour éviter de connaître le même sort, le numéro un du secteur devra échapper à deux écueils. D’abord, éviter que les Jack’s ne viennent cannibaliser ses 3.000 magasins traditionnels. La meilleure défense étant l’attaque, le groupe cherche aussi à réduire ses prix dans ces derniers. Et les cartes de fidélité Tesco ne seront pas acceptées chez Jack’s

Ensuite, éviter que l’accent mis sur le discount n’accroisse la pression sur les marges du groupe, au moment où il est en passe de réussir le redressement engagé depuis 2016, après des années de vaches maigres et un scandale comptable. Tesco bataille pour  porter sa marge opérationnelle de 2,9% sur l’exercice achevé en février dernier à 3,5 % voire 4% d’ici à février 2020.