Beurre, sucre, café… Risque-t-on de voir les prix flamber dans les rayons ?

Le cours de plusieurs matières premières agricoles s’affole, et pourrait bien tirer à la hausse les prix à la consommation.

En a-t-on vraiment fini avec l’inflation ? Si l’heure est au pessimisme économique, entre hausse de la dette et du déficit, le ralentissement de la flambée des prix était au moins une perspective rassurante. La hausse des prix est retombée sous le seuil symbolique des 2% en août, et a même atteint son niveau le plus bas depuis juillet 2021 en septembre. Pourtant, depuis quelques mois, le cours de plusieurs matières premières agricoles affiche une augmentation record… De quoi inquiéter de nouveau le porte-monnaie des Français ?

C’est au rayon petit-déjeuner que les hausses pourraient être les plus fortes. La tonne de beurre culminait à 8200 euros fin septembre, soit une augmentation de 92% en un an. Le sucre s’affichait à 23,3 cents la livre, son prix le plus haut depuis six mois, tandis que le prix du café a augmenté de 147% en moyenne cette année. Les cours mondiaux du cacao ont aussi flambé sur un an, dépassant les 10.000 dollars la tonne à New York en début d’année, tandis que le cours pour livraison explosait d’environ 170% sur un an à Londres en septembre. Enfin, la livre de concentré de jus d’orange congelé a franchi la barre des 5,50 dollars à New York, soit une hausse de 175% par rapport à janvier 2023, alors que le cours de l’huile de l’olive a bondi de 300 % sur trois ans.

Des conditions climatiques défavorables

Si l’inflation de 2022 était due à la flambée des prix de l’énergie, c’est cette fois les perturbations climatiques qui sont à blâmer. Le Brésil, premier producteur mondial de sucre et de café, a ainsi été affecté par de fortes sécheresses et des incendies, tandis que le phénomène El Niño a perturbé la production dans l’ensemble de l’Amérique latine. La sécheresse n’a pas non plus épargné la Côte d’Ivoire et le Ghana, responsables de la moitié de l’offre mondiale de cacao, qui ont respectivement augmenté leurs prix de 20% en septembre et de 45% sur la saison 2024-2025. Des records de chaleur et une baisse des pluies ont aussi perturbé les cultures de café en Asie du Sud-Est, sans compter le typhon Yagi qui a partiellement détruit la production au Vietnam. Enfin, la maladie du dragon jaune a ravagé les cultures d’orange au Brésil et en Floride, tandis que l’État du Sud des États-Unis était frappé par l’Ouragan Ian et des vagues de froid.

La production de beurre fait ici office d’exception, car c’est bien la production européenne qui a marqué le pas. En cause : la fièvre catarrhale ovine, ou FCO, qui se propage dans les élevages et fait chuter la production de lait, couplée à la sécheresse estivale. De plus en plus d’éleveurs optent aussi pour la production de crème, considérée comme plus rentable que celle de beurre. Enfin, le géant laitier Lactalis a baissé sa collecte annuelle de l’ordre de 450 millions de litres sur les 5,2 milliards récoltés en moyenne chaque année. Le géant laitier prévoit ainsi de baisser progressivement ses achats pour atteindre 9% de la récolte totale d’ici 2030, en réponse à la revalorisation des prix des éleveurs en avril dernier. Lactalis exporte aussi pas moins de 20% du beurre collecté aux États-Unis, en Chine et dans certains pays d’Asie du Sud-Est, ce qui fait baisser l’offre en France et tire les prix à la hausse.

Vers des hausses de prix dans les rayons

Ces mutations ne seront pas sans conséquence pour le portefeuille des ménages. «Il y aura forcément une répercussion sur les prix à la consommation, car ce sont des hausses conséquentes et durables, explique Madrigale Darpas, directrice analytique chez NielsenIQ. Pour des produits comme le café, le sucre ou le cacao, la production est largement concentrée dans quelques pays, qui risquent d’être touchés de plus en plus fréquemment par des aléas climatiques». La hausse des prix est d’autant plus inévitable qu’il n’y a pas d’autres pays vers lesquels se tourner pour importer à moindre coût. Ce sont aussi des produits dont la demande augmente fortement dans le monde, notamment en Asie, ce qui tire encore les prix à la hausse. La demande mondiale de cacao a ainsi augmenté de 4,5% cette année, et celle d’huile d’olive de 3%. Et la hausse des prix pourrait être d’autant plus forte que le blé, le sucre, l’huile d’olive ou le cacao interviennent dans la fabrication de nombreux produits dérivés, entraînant une potentielle cascade d’augmentation.

Les premiers effets commencent d’ailleurs à se faire sentir : le prix de la tablette de chocolat a augmenté de 3,8% en moyenne cet été. «Ça n’est que le début, assure Madrigale Darpas. Il y a toujours un temps de latence avant que les prix augmentent, car les géants de l’agroalimentaire peuvent amortir un temps la hausse de leurs coûts». La plupart des hausses de prix devraient ainsi intervenir début 2025, après la renégociation des prix par les distributeurs. Les artisans devraient aussi être particulièrement touchés, notamment les boulangers, pâtissiers ou chocolatiers, dont l’activité repose largement sur une ou plusieurs de ces matières premières. «Ils disposent d’un pouvoir de négociation moindre vis-à-vis de leurs fournisseurs, et fixent librement leurs prix», explique Madrigale Darpas.

Une hausse des prix limitée

Les géants de l’agroalimentaire font toutefois face à certaines limites. Ainsi, ils ne veulent pas augmenter trop fortement le prix de marqueurs tarifaires, comme le beurre, qui risquent de repousser la clientèle. Pour ce type de produits de base, il est souvent plus rentable de vendre en grandes quantités que de vendre cher, ce qui joue en faveur des consommateurs. En outre, «la part représentée par les matières premières agricoles dans le prix d’un produit alimentaire est souvent faible : c’est l’emballage, l’énergie et le travail qui occupent la part la plus importante», détaille Madrigale Darpas. «De plus, le prix global des matières premières est en baisse de 10% en moyenne sur l’année : c’est donc une hausse ponctuelle de certains produits, qui ne devrait pas tirer l’ensemble des prix à la hausse.»

Enfin, pour ce qui est du beurre, les répercussions pourraient être maîtrisées. Les industriels peuvent en effet importer en partie des États-Unis ou de Nouvelle-Zélande, d’importants producteurs de beurre où le prix de la tonne est sous les 6000 euros. Une campagne de vaccination contre la FCO comprenant 5,3 millions de doses pour les bovins a aussi démarré le 12 août, tandis que la vaccination vient d’être rendue gratuite sur l’ensemble du territoire, ce qui va sans doute améliorer la situation des élevages français. Enfin l’arrivée de l’automne pourrait aussi aider à endiguer l’épidémie, car les moucherons responsables de la propagation de la FCO ne survivent pas aux températures fraîches. «Dans le cas du beurre, une hausse des prix semble moins probable, dans la mesure où des hausses ponctuelles des coûts pourront être absorbées à court terme», assure Madrigale Darpas. Rien d’alarmant, en somme… même si la page de l’inflation ne semble pas entièrement tournée.

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