Les enseignes spécialisées ouvrent toujours plus de boutiques. Mais ce sont les hypers et les supers qui tirent aujourd’hui le marché.

Carrefour et Leclerc se disputent la place de premier « grand » distributeur de bio en France. « Nos hypers sont les premiers vendeurs de bio français derrière Biocoop, avec 22 % de part de marché » affirmait  Michel-Edouard Leclerc aux « Echos » en février. Chez Carrefour, qui exploite des hypers et de nombreux supermarchés, on avance un chiffre d’affaires de 1,3 milliard d’euros qui garantit un véritable leadership.

Le premier réseau spécialisé,  Biocoop , affiche 1,1 milliard de ventes. L’ensemble du marché pèse 8 milliards. La niche devient chaque année plus grande. Dans un marché de l’alimentation atone ou presque, les 20 % de progression des produits biologiques représentent l’une des rares poches de croissance. Les grandes enseignes mettent tout en oeuvre pour la siphonner.

Shop-in-the-shop

Elles trempent leurs doigts de pieds dans cette réserve de marges depuis près de dix ans. Carrefour a testé Carrefour Bio et Auchan Coeur de Nature. Elles y plongent désormais sans états d’âme et suivent l’exemple de Monoprix qui a acheté Naturalia en 2008, un réseau qui atteindra bientôt les 200 unités au rythme de plus de vingt ouvertures par an.

Alexandre Bompard transforme Carrefour en champion de la transition alimentaire. Il a fixé un objectif de 5 milliards de chiffre d’affaires dans le bio en 2022. Ce sont d’abord les rayons des hypers et supers qui vont être développés, avec un accent mis sur la marque propre Carrefour Bio (la chaîne éponyme est, elle, en stand-by). Le distributeur privilégie les « shop-in-the shop » pour rendre son offre plus visible, même si les références les plus courantes comme le lait trouvent aussi leur place dans les rayons traditionnels.

Quelque 90 magasins ont été rééquipés. Soixante-dix supplémentaires le seront cette année, indique aux « Echos » Laurent Vallée, le secrétaire général du groupe. Un contrat de trois ans vient d’être signé pour 220 millions d’oeufs bio Carrefour. L’enseigne multiplie également les contrats de conversion avec les agriculteurs afin de les aider pendant les trois ans durant lesquels ils arrêtent les pesticides mais ne peuvent pas afficher le label. Carrefour leur offre des espaces pour écouler leur production pendant ce délicat entre-deux.

Leclerc développe de la même façon les rayons bio de ses hypers. Mais la coopérative va ouvrir parallèlement 200 magasins spécialisés en cinq ans. « Avec une centrale d’achat spécifique, la Scabio, des vendeurs spécialement formés et des engagements à long terme avec les producteurs » explique Michel-Edouard Leclerc. Les grands distributeurs veulent ratisser large.

Auchanbio

Auchan Retail France a ouvert il y a quelques semaines à Marquette-lez-Lille, dans la proche périphérie lilloise, son premier  Auchanbio . Sur 450 mètres carrés, ce magasin propose 4.200 références dont plus de 10 % sous la marque Auchan, au même prix que celui des mêmes produits à la marque du distributeur vendus dans ses hypermarchés. Les dirigeants pensent qu’il y a la place pour une centaine d’Auchanbio en France.

Les 1.100 magasins spécialisés déjà implantés en France (Biocoop, Naturalia, Les Nouveaux Robinson) sentent souffler le vent de cette puissante concurrence. Cette année, ils ont ouvert 250 boutiques, contre 200 pour 2016. Malgré cela, les distributeurs généralistes ont progressé plus vite.

Il faut dire que selon l’Agence Bio, 65 % des Français veulent accéder à plus de produits bio en grande distribution et 37 % dans les supérettes, contre seulement 26 % pour les magasins spécialisés. Les hypers et supers constituent le premier circuit d’achat de produits bio pour 80 % consommateurs. C’est désormais la grande surface alimentaire qui tire le marché (+20,5 % de ventes en 2017, contre 15 % pour les spécialistes).

La société se donne dix-huit mois pour valider le modèle économique avant de décider de le déployer, que ce soit en propre ou en franchise.