Biocoop célèbre son cinq-centième magasin rue de Lancry, au coeur du très « bobo » Xe arrondissement de Paris. Le magasin appartient à une coopérative de salariés (Scop). Tout un symbole. La première enseigne française spécialisée dans le bio qui regroupe des indépendants, avec 1,1 milliard d’euros de chiffre d’affaires, mène « un projet politique », selon l’expression de son président Claude Gruffat, aussi social que commercial. Elle campe sur ce positionnement qui la distingue des grands groupes, lesquels s’engouffrent dans ce marché en progression de 20 % en 2017. Chez Biocoop on fait « de la bio », pas « du bio ». Les militants saisissent la nuance.

La qualité de l’agriculture biologique

L’enseigne a été en avance sur son temps. Le projet est né en 1986 de la volonté de consommateurs d’établir une relation juste entre producteurs et distributeurs. Le même objectif que celui des Etats généraux de l’alimentation tenus fin… 2017. Vingt groupements de producteurs (2.700 au total) sont représentés au conseil d’administration de Biocoop, ainsi que des associations de consommateurs.

OEcuménique, Claude Gruffat se réjouit du développement du marché bio. Même si l’an passé, pour la première fois, Carrefour et Leclerc ont progressé plus vite que Biocoop et La Vie Claire. Malgré l’ouverture de 75 nouveaux points de vente, l’activité du réseau n’a grimpé que de 15 %, et de 3 % seulement à périmètre constant de l’aveu du directeur général, Orion Porta.

Les dirigeants de la coopérative s’érigent en gardiens du temple. « Nous veillons à la qualité de l’agriculture biologique », résume le président qui rappelle que son réseau ne vend pas de produits transportés par avion ou, sauf exceptions, cultivés dans l’hémisphère sud, ni dans des fermes mixtes, c’est-à-dire à quelques arpents d’une agriculture conventionnelle dopée aux OGM et aux pesticides. A l’inverse, comprend-on, des grands distributeurs. « La surface agricole dédiée au bio a progressé de 15 %, à 1,77 million d’hectares, soit 6,5 % de la surface agricole française » se réjouit encore Claude Gruffat. « Mais la France reste le troisième pays européen bio [derrière l’Espagne et l’Italie, NDLR]. »

60.000 producteurs de plus

« Nous sommes heureux  que la FNSEA, qui a géré l’agriculture française ces 50 dernières années, commence à faire évoluer son modèle, poursuit le président de Biocoop. Nous verrons si dans les chambres d’agriculture, les techniciens conseilleront moins de produits chimiques. Pour l’heure, l’agriculture française est en train de rater le train du bio. Elle pourrait économiser un milliard d’euros d’importations d’intrants comme le soja et réaliser deux à trois milliards de ventes aux pays d’Europe du Nord qui veulent du bio mais manquent de surface pour en cultiver ».

Selon le dirigeant, « il faudrait installer 60.000 producteurs de plus rien que pour satisfaire la demande en produits bio de proximité ». En attendant le grand soir de la paysannerie responsable, Biocoop va continuer à dispenser la bonne parole en ouvrant une soixantaine de nouveaux magasins mais aussi des boulangeries ou des boucheries labellisées, des petits points de vente satellites des gros dans les bourgs ruraux, et des corners chez les producteurs qui vendent à la ferme. Soucieux d’inscrire le bio dans la modernité, ses responsables commencent aussi à plancher sur l’e-commerce.