Boissons alcoolisées : la revanche de la canette
Parfois associé à la bière bue dans la rue par les plus démunis, ce contenant tend à se généraliser dans les microbrasseries artisanales. De son côté, la canette de vin, encore largement minoritaire, tente de se faire une place dans les habitudes de consommation des Français.
Dans quelques années, prendra-t-on l’apéro en dégustant des canettes de vin blanc et des bières artisanales, proposées dans le même contenant ? Si l’image paraît un peu contre intuitive pour les Français attachés à la bouteille en verre et au bouchon en liège, la canette commence timidement à s’imposer dans les usages avec des ventes en croissance de 3,2 % en volume en 2022 par rapport à 2021, selon le groupement d’intérêt économique (GIE) La Boîte Boisson.
Et certains y croient dur comme fer. C’est le cas de Christian Maviel, PDG de l’entreprise bordelaise Cacolac, qui vient d’investir 10 millions d’euros pour faire sortir de terre une nouvelle usine à Léognan, en Gironde, consacrée au conditionnement en canette de vin et autres boissons. Cette nouvelle structure de 5.000 m² permettra de produire entre 20 et 40 millions de canettes de vin par an, contre 5 à 6 millions dans l’usine actuelle de l’entreprise.
« La première usine était saturée. On croit énormément en ce concept de canette pour les alcools, et on commençait à dire ‘non’ à des demandes. Cela devenait illogique, donc nous avons décidé d’investir dans une nouvelle usine », explique Christian Maviel. Il estime qu’après quelques années où « le concept était un peu décrié », la période est mûre pour que « la mayonnaise puisse prendre ».
Canette et bouteille, des formats « complémentaires »
Il n’est pas le seul à le penser. Depuis plusieurs années, des entreprises françaises se lancent dans la commercialisation du vin en canette, en s’inspirant des pays du nord de l’Europe et des Etats-Unis, où la pratique est déjà bien implantée. Ouverte en juin 2022, l’entreprise française Canetta a fait le pari de proposer du vin nature en canette, avec un packaging coloré.
Le produit, vendu autour de 5 euros pièce pour 18,5 cl, est plutôt haut de gamme. Pour son cofondateur, Luca Pronzato, « la canette et la bouteille sont des formats complémentaires ». « La bouteille permet au vin de vieillir et de se complexifier, par l’action de l’oxygène, tandis que la canette va permettre au vin de conserver sa fraîcheur, son acidité, sa gourmandise. Elle est davantage destinée aux vins qui seront bus dans les deux ans », explique-t-il. Il précise par ailleurs que les matériaux utilisés dans la conception de la canette sont conçus pour protéger le vin, aucun risque donc de retrouver un « goût de métal » dans son verre.
Une fois passées ces premières réticences, la canette présente de nombreux avantages pour la conservation du vin, estiment ces deux acteurs du secteur. Plus nomade, plus légère, facilement entreposable, plus rapide au refroidissement, plus recyclable et enfin, moins chère à produire depuis l’envolée du prix du verre… A tel point, que certains y voient une solution pour enrayer la baisse de la consommation qui affole les vignerons – le nombre de litres de vin bus par habitant a chuté de 70 % depuis les années 1960 et les jeunes, en particulier, boudent le vin, lui préférant la bière ou les boissons sans alcool.
« Cela peut parler plus facilement à la jeune génération qui veut consommer de manière raisonnable. Une canette de vin peut faire parfaitement l’affaire pour un apéritif, sans avoir à ouvrir une bouteille entière », estime Christian Maviel, de Cacolac. « Cela permet de boire du vin par exemple avec un burger, dans un festival de musique… », détaille Luca Pronzato. Les canettes pourraient aussi jouer en faveur du vin en le rendant davantage accessible alors que certains jeunes hésitent à acheter du vin parce que l’univers du produit leur paraît trop complexe.
Mais malgré ces signaux encourageants, le produit reste encore très largement minoritaire dans les usages en France. Canetta vend, pour l’instant, surtout à l’export. Un constat qui pourrait changer, puisque 72 % des Français seraient prêts à boire du vin en canette, selon un sondage OpinionWay de février 2022.
Retour de la canette de bière
De son côté, la bière tente aussi d’imposer le retour de ce contenant. Longtemps associées aux bières de mauvaise qualité bues dans la rue, les brasseries artisanales essaient de faire changer cette image, attirées, elles aussi, par les avantages pratiques qu’offre ce conditionnement. « Contrairement aux idées reçues, la canette est un meilleur contenant que le verre pour la bière, parce que c’est plus opaque et plus hermétique », explique Luc Viguié, l’un des fondateurs de la microbrasserie Noiseless, située à Antibes. Avec ses associés, ils ont décidé, dès le départ, de commercialiser exclusivement leur bière dans ce contenant. Un choix qui a pu paraître risqué il y a trois ans, mais qu’ils ne regrettent pas. « Maintenant c’est assez répandu dans les cavistes spécialisés dans les bières artisanales. Les gens commencent à associer les bonnes bières aux canettes », estime-t-il.
De son côté, Magali Filhue, déléguée générale de la fédération Brasseurs de France, constate aussi cette tendance, qu’elle tempère tout de même : « Il n’y a pas d’explosion, le nombre de bières produites en canettes a grimpé de 1 % entre 2019 (année de référence avant le Covid) et 2022 ». Elle y voit aussi un autre intérêt : la canette permet un design à 360 degrés. Luc Viguié confirme : « on trouvait que c’était un objet assez esthétique avec une place importante laissée au décor et à l’étiquette ». De quoi faire oublier la canette de bière avalée en vitesse sur un trottoir ?
Par Sarah Dumeau – A retrouver en cliquant sur Source