Les deux distributeurs ont signé un partenariat stratégique pour mutualiser leurs achats de produits à marques propres. Ils proposent aussi des partenariats commerciaux aux grandes marques.Philippe Bertrand avec Alexandre Counis (à Londres)

Le chantier de transformation de Carrefour  initié au début de l’année par Alexandre Bompard se poursuit . Lundi, le distributeur français et Tesco, le numéro un britannique des supermarchés, ont annoncé leur intention de signer « un partenariat stratégique à long terme ». L’accord sera conclu dans les deux mois. Il porte sur les achats en commun de produits pour leurs marques propres (MDD ou marque de distributeur) et de biens non marchands.

Opérations commerciales

Il couvrira également « les relations stratégiques avec les fournisseurs ». Carrefour et Tesco n’achèteront pas ensemble les produits de grandes marques. Le Français le fera à l’échelle de l’Hexagone avec son partenaire Système U. L’entente cordiale de la distribution porte sur des contrats de promotion, de publicité sur le lieu de vente, d’animation commerciale. « Une marque qui lance un produit sera intéressée par des opérations dans une quarantaine de pays et près de 20.000 magasins », analyse un observateur. La Chine et la Pologne, où les deux distributeurs sont présents, sont exclues de l’accord.

Casino et Auchan ont annoncé vendredi un partenariat du même type avec l’allemand Metro qui exploite des cash and carry et des hypermarchés Real, par le biais de la centrale « Horizon – International Services ». Casino opère en France et en Amérique latine. Auchan possède des magasins dans 17 pays, dont la Chine et la Russie. Metro revendique 35 géographies. L’addition des chiffres d’affaires des trois distributeurs atteint 127 milliards d’euros. Pour les achats non marchands et les marques de distributeurs, l’association ne vaut que pour Casino et Auchan. Les achats des produits des grands fournisseurs seront eux réalisés sur le plan français en commun par Casino, Auchan, le petit groupe régional Schiever, déjà partenaire d’Auchan, et la seule filiale française de Metro.

Marques propres

L’accord entre Carrefour et Tesco permettra « d’améliorer l’assortiment et la qualité des produits à des prix encore plus bas au bénéfice des clients », ont assuré les deux entreprises dans un communiqué. Un analyste de Jefferies, cité par Bloomberg, estime que le partenariat générera environ 430 millions d’euros sur un total d’achats aux alentours de 90 milliards d’euros. Une somme qui baissera le montant des étiquettes. Le volume d’activité cumulé de Carrefour et de Tesco se monte à 146 milliards.

Pour Carrefour, dont l’assortiment comporte environ 25 % de produits à marques propres, travailler avec son partenaire anglais permettra de monter à 33 %. Tesco a lancé 2.850 nouveaux produits sous son nom et son offre est constituée à 50 % de marques de distributeurs.

Il s’agit du troisième partenariat d’ampleur signé par l’enseigne française en six mois, après ceux  avec le géant chinois Tencent et l’Américain Google pour développer l’e-commerce de l’enseigne . Casino a pour sa part acheté la technologie de préparation de commandes à l’anglais Ocado pour sa filiale Monoprix.

Deux groupes « complémentaires »

Selon Alexandre Bompard, cité dans le communiqué , cet accord « allie l’expertise d’achat de deux leaders mondiaux de la distribution, complémentaires dans leurs géographies et partageant des stratégies communes ». Pour sa part, le directeur général du groupe Tesco, Dave Lewis, estime qu’« en travaillant ensemble et en tirant le meilleur parti de nos expertises produits respectives et de nos capacités de ‘sourcing’, nous serons en mesure de servir encore mieux nos clients, en améliorant davantage le choix, la qualité et la valeur de notre offre ».

Marché difficile

« C’est un mouvement défensif », décryptait lundi Charles Allen, un analyste de Bloomberg Intelligence. Outre-Manche, le marché est difficile. En pesant sur le cours de la livre sterling, les incertitudes liées au Brexit ont réduit le pouvoir d’achat des ménages, qui ont dû faire des arbitrages dans leurs dépenses. Ce qui a fait les beaux jours des hard discounters allemands Aldi et Lidl. « L’alliance Tesco-Carrefour, si elle fonctionne, devrait être négative pour Sainsbury-Asda, juge David McCarthy, responsable mondial de la recherche commerce de détail chez HSBC. Si Tesco parvient à améliorer dès maintenant ses conditions d’approvisionnement, cela veut dire qu’il y aura moins à gagner de la fusion Sainsbury-Asda ».