César Giron, PDG du cognac Martell : «Notre métier est aussi de vendre du temps, le vrai marqueur du luxe»
Le PDG de Martell Mumm Perrier-Jouët, filiale prestige de Pernod Ricard, numéro 2 mondial sur le marché des vins et spiritueux, analyse la situation actuelle.
Le Figaro -. Les ventes de spiritueux sont à la baisse, sur les marchés asiatiques notamment. Comment l’expliquez-vous ?
César Giron -. On se réfère surtout aux niveaux très élevés enregistrés après le Covid alors que l’on revient à la tendance qui régnait avant la crise sanitaire. Les États-Unis et la Chine sont parmi les deux principaux marchés qui tirent la croissance des spiritueux. Le premier souffre de l’inflation et de l’arrêt des chèques de soutien aux familles. Pour la Chine, la Bourse n’a jamais été aussi basse depuis trente ans et l’immobilier a chuté. Est-ce que cette situation va durer ? Si l’on considère que l’immobilier a entraîné cet état de fait, une crise de ce genre dure en moyenne entre six et huit ans. Les Chinois sont donc à la moitié du chemin.
Le cognac est-il durablement affecté ?
Le cognac comme le champagne ont toujours été des produits très cycliques. Il faut donc savoir prendre du recul et être très résilient. Il faut aussi être agile quand les choses se compliquent, en sachant s’adapter en termes de géographie et de produits.
De nouveaux marchés vont-ils s’ouvrir au cognac ?
Les principaux marchés étaient alimentés, mais pas les autres en raison d’un problème de quantité de stocks disponibles. Si les principaux marchés sont moins demandeurs, les maisons vont se retourner vers d’autres marchés comme l’Afrique, le Sud-Est asiatique, l’Amérique du Sud ou l’Europe centrale. Martell démarre très fort en Afrique, au Nigeria et en Afrique du Sud notamment.
Comment se comportent les autres grandes familles comme le whisky et le rhum ?
Le whisky reste toujours important en termes de volumétrie, bien plus que le cognac. Le consommateur s’intéresse désormais au rhum parce que de très beaux produits sont sortis. Chacun a ses spécificités et ils sont souvent moins chers que le whisky. En règle générale, les gens ont soif de découvertes.
Quelles sont les recettes pour obtenir une grande eau-de-vie ?
Elles exigent un long vieillissement. Il faut beaucoup de patience ; le temps est une chose que l’on ne peut pas acheter. Quelque part, notre métier est aussi de vendre du temps, le vrai marqueur du luxe.
La mixologie est-elle devenue essentielle pour le monde des spiritueux ?
Elle a toujours été importante, mais je pense qu’il faut aussi faire connaître les produits purs aux amateurs.
Comment tenez-vous compte des préoccupations environnementales, la nouvelle exigence du consommateur ?
Pour nous, l’environnement n’est pas un projet mais une obsession. Je le dis tout le temps à nos équipes : lorsque le consommateur dégustera nos produits dans 14 ans, l’âge de la plus jeune eau-de-vie qui entre dans la composition d’un cognac XXO, il jugera nos pratiques d’aujourd’hui avec sa sensibilité exacerbée de demain. C’est pourquoi nous pratiquons l’agriculture régénératrice sur tous nos domaines à Cognac, nous travaillons sur la distillation bas carbone, le verre des bouteilles est allégé, le transport s’opère en camions qui roulent au bioéthanol ou en train une première livraison destinée aux États-Unis est partie du Havre en cargo à voile de l’entreprise TOWT. Une pratique qui sera bientôt généralisée. Nous prenons le sujet de l’environnement très au sérieux même si nous n’en parlons pas encore beaucoup car certains jugeraient le verre à moitié plein, d’autres à moitié vide…
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