
Champagne : les vignerons s’inquiètent pour la suite
Le syndicat des vignerons en Champagne (SVC) réclame le droit à l’Union européenne de pouvoir continuer à réguler la production de vin. Faute de quoi le risque encouru est l’effondrement des prix du champagne sur un marché qu’ils estiment aujourd’hui « fragile ». Les ventes ont baissé en volume (-1,4 %) sur un an. Le chiffre d’affaires a progressé de (+2,5 %) à 4,9 milliards d’euros.
La vendange 2019 a été exceptionnelle en Champagne malgré la perte de 10 % des raisins grillés par des épisodes de canicule extrême et un pic jamais vu de température à 43 degrés le 25 juillet.
Les vendanges ont été « exceptionnelles » en Champagne. Malgré une forte hétérogénéité de la récolte 2019, la Champagne devrait dépasser 10.000 kg de raisin à l’hectare en moyenne, « un volume proche du rendement économique nécessaire pour alimenter la demande des marchés », constate le Syndicat général des Vignerons (SGV).
Pourtant, l’horizon des vignerons n’est pas sans nuages. Les effets du réchauffement climatique sont bien là, avec un gain de 1,1 degré de la température moyenne en trente ans, un record absolu du mercure le 25 juillet à 43 degrés et la perte de 10 % du potentiel de récolte cette année. Les vignerons préparent d’ailleurs la suite en testant sous la houlette de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) de nouveaux cépages plus adaptés à la chaleur.
Un marché fragile
En attendant, les vignerons doivent faire face à des conditions de marché incertaines. A commencer par le prochain Brexit, qui a valu à la Champagne la perte de 20 % de ses ventes en Angleterre en raison de la dévaluation de la livre sterling − le Royaume-Uni est le premier marché étranger du champagne. La guerre commerciale engagée par Donald Trump contre l’Union européenne l’a pour l’instant épargnée, mais la nature fantasque du leader américain n’incite guère aux certitudes.
Le marché français, lui, continue de reculer malgré un goût avéré pour les bulles. En 2018, il ne représentait plus que 41,7 % du chiffre d’affaires total du champagne (4,89 milliards d’euros) avec des expéditions en retrait de près de 4 %. Dans l’Hexagone, l’encadrement des promotions a réduit les ventes mais stoppé les abus, reconnaissent les professionnels. Les exportations dans les pays européens (une bouteille sur quatre) étaient aussi à la baisse en volume (-1,3 %). Le champagne se vend désormais plus hors Europe, avec des exportations lointaines en hausse de 2,4 %, à 79 millions de bouteilles (contre 76 millions sur le Vieux Continent).
Risque d’effondrement des prix
Dans ce contexte, les vignerons demandent à la Commission européenne de renoncer à la libéralisation totale des droits de plantation de la vigne, prévue en 2030. Celle-ci aboutirait pour le SGV à « une surproduction et à l’effondrement des marchés. Regardez ce qui s’est passé lorsque l’Europe a mis fin aux quotas laitiers puis aux quotas sucriers. Dans les deux cas, il s’en est suivi des crises dramatiques », souligne Max Toubart, le président du SGV. « Pourquoi un tel acharnement à casser ce qui marche ? » s’interroge-t-il.
Les vignerons voudraient profiter de la réforme en cours de discussion de la Politique agricole commune (PAC), applicable en 2021, pour rouvrir le débat sur les droits de plantation des vignes. S’ils étaient, comme cela est prévu dans dix ans, entièrement libéralisés, n’importe qui pourrait planter du raisin n’importe où sans avoir de compte à rendre à quiconque. Une perspective qui n’est pas du tout au goût des Champenois.
Leur crainte est liée au travail de révision de l’aire d’appellation champagne qu’ils mènent depuis 2008 et qui pourrait l’élargir de quelques milliers d’hectares . « Si chacun plante selon son gré sur cette nouvelle surface, c’est tout le marché du champagne qui pourrait s’en trouver déséquilibré », explique le directeur général du SGV, Pascal Bobillier-Monnot. A ce jour, l’aire d’appellation couvre 34.272 hectares de vignes. Si leur demande restait sans suite, la filière champenoise et le SGV menacent de « suspendre le travail de révision de l’aire d’appellation ».
Source : Champagne : les vignerons s’inquiètent pour la suite | Les Echos