
Cognac, whisky, vodka… la dégringolade se poursuit pour les spiritueux en 2025
Les maisons de cognac ne sont pas les seules à souffrir des barrières douanières et de la déconsommation. Tous les alcools français sont à la peine et la fenêtre est étroite pour trouver de nouveaux débouchés. Le secteur espère trouver des accords avec la Chine et les Etats-Unis avant début juillet.
Comme la part des anges, les consommateurs de spiritueux continuent de s’évaporer. Aussi bien en France qu’à l’export, qui représente la moitié des 16 milliards d’euros de chiffre d’affaires de la filière. « 2025 redémarre sur les mêmes bases baissières que 2023 et 2024 », alerte la Fédération française des spiritueux.
Les deux années précédentes ont vu les revenus à l’international reculer de 12 puis de 6 %, et les quatre premiers mois de cette année prennent la même trajectoire avec une baisse en valeur de 7,4 %.
La crise du cognac en Chine, son premier marché, est pour beaucoup dans les mauvais chiffres du secteur : l’alcool charentais pèse 66 % des exportations françaises. Mais hormis les liqueurs et les vodkas qui affichent des progressions positives, les rhums, calvados, armagnacs, gins et autres brandies reculent aussi, pénalisés notamment sur le marché américain – leur premier débouché, 35 % – par le climat douanier hostile de Donald Trump.
En France, la situation n’est pas meilleure. Le marché des spiritueux en grande distribution a reculé pour la première fois en valeur depuis 2018 : -3,6 %. Cela touche les trois produits les plus populaires : le whisky (rarement français cependant), les anisés et les rhums, et tous les autres à l’exception des amers – une petite production mais dynamique avec la mode des Spritz.
Marges en baisse de 54 %
Or jusque-là, malgré la déconsommation d’alcool structurelle en France (moins 60 % en 60 ans), « la qualité remplaçait la quantité », pointe Guillaume Girard-Reydet, président de la Fédération française des spiritueux (FFS). « La valorisation des produits avait permis d’entretenir la croissance tout en gagnant le combat de la modération », se réjouissait-il.
Mais aujourd’hui le consommateur décroche. La part des non-acheteurs d’alcool (pour la maison) a progressé de 50 % chez les 18-24 ans entre 2020 et 2024. Et les abstinents ont progressé de 16 % en France ces dix dernières années, presque deux fois plus vite que dans le reste de l’Europe.
La FFS pointe les conséquences sur « nos 250 entreprises, à 90 % des PME : la dégradation des trésoreries, le poids des stocks et les marges diminuées de 54 % ». Elle souligne une hausse des coûts de production de près de 10 % depuis le Covid, due au renchérissement du verre et des matières premières agricoles – le secteur consomme quatre millions de tonnes de raisins, cannes à sucre, blé, pommes et betteraves.
Un « accord de moindre mal »
« On a des sujets défensifs en Chine et aux Etats-Unis mais également des sujets offensifs pour ouvrir de nouveaux marchés », assure Gabriel Picard, président de la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux (FEVS).
Avec la Chine, les négociants de cognac espèrent « une conclusion heureuse des discussions bilatérales », entamées à l’issue du voyage du ministre de l’Economie mi-mars, indépendamment du dossier européen des voitures électriques.
Un « accord de moindre mal » sur des prix minimum reviendrait à fixer « des taxes à 16 % », mais les Cognaçais réclament deux conditions dans ce « réchauffement par petits pas » : le remboursement des cautions déjà engagées et la réouverture du canal du duty free, toujours bloqué malgré des annonces favorables. Aux Etats-Unis, les producteurs de spiritueux s’attendent « à un accord avant le 9 juillet et au maintien des droits additionnels de 10 % », également « un moindre mal ».
Chercher de nouveaux relais
Ces deux destinations représentent 63 % du marché export. La FFS cherche des relais au Canada, « un pays ami, respectueux des normes, et déjà notre quatrième partenaire commercial ». Gabriel Picard regrette donc « l’échec de l’accord CETA ». « Avec le Mercosur, c’est plus compliqué, le traité n’était pas acceptable mais cela n’empêche pas de trouver un accord sectoriel », dit-il, les yeux rivés sur le Brésil. L’Inde est une troisième piste, « un marché immense mais un pays très protectionniste », où il veut « pousser les feux » à la manière des Britanniques, qui ont obtenu des baisses de taxes très significatives.
En France, les spiritueux veulent retrouver de la compétitivité en gelant la fiscalité qui engloutit « 72 % du prix de la bouteille », rappelle la fédération, en faisant « évoluer le cadre réglementaire extrêmement contraignant » et en développant le spiritourisme, source de valeur ajoutée importante pour les petites entreprises. Surtout, la FFS demande aux pouvoirs publics de cesser leur « double discours incohérent » sur l’économie et la santé publique : « On serait la plus belle filière du monde tant qu’on exporte, mais des irresponsables quand on vend en France ».
Par Léa Delpont – A retrouver en cliquant sur Source
Source : https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/cognac-whisky-vodka-la-degringolade-se-poursuit-pour-les-spiritueux-en-2025-2170436