Comment Lavazza tente de faire revivre le café à Cuba
Le réchauffement de la planète menace la production de café. Le groupe italien Lavazza a mis sur pied une trentaine de projets de développement durable du café dans 20 pays. Dont le dernier à Cuba, où la production s’est effondrée après avoir été la première dans le monde.
Bananiers, caroubiers, orangers, caramboliers, patates douces….Le sud de Cuba a tout d’un genre d’Eden où rien ne semble freiner la luxuriance de la nature, ni la quiétude des vaches créoles. Pourtant, le pays importe 50 % de sa nourriture. Certaines sources évoquent le chiffre de 70 %.
C’est dans ce contexte que le groupe italien Lavazza , qui achetait du café à Cuba il y a encore 30 ans, a entrepris depuis peu de relancer la production dans l’île. L’époque où Cuba était le plus gros producteur dans le monde n’est plus qu’un très lointain souvenir. Avant la révolution dans les années 1950, le pays affichait des volumes de 40.000 tonnes des précieux grains, selon Maury Hechavarria Bermudez, vice-ministre de l’Agriculture. Aujourd’hui, il estime la production à 8.000 tonnes.
Succession de calamités
Une succession d’événements malheureux explique cet effondrement. Un mode d’exploitation trop intensif, la déforestation entamée au 19ème siècle, des conditions de vie difficiles pour les agriculteurs, une offensive de rouille dans les plantations en 1986 puis l’arrêt dans les années 1990 de la manne russe (6 milliards de dollars et 10 millions de tonnes de pétrole par an) ont anéanti la production de café.
A cela il faut ajouter l’embargo américain, renforcé par Donald Trump, qui menace d’asphyxier Cuba. Faute d’argent et de carburant, les tracteurs ont disparu. Les boeufs et les ânes ont repris le travail dans les champs il y a trente ans. Ils sont toujours là.
Aujourd’hui c’est toute la production mondiale qui est menacée par le changement climatique , alors que le café est la deuxième boisson la plus consommée après l’eau. L’industrie du café doit trouver les moyens de répondre à une demande, tirée par l’Asie , en progrès de 2 à 3 % par an, face à une offre qui n’augmente pas et une qualité qui tend à se dégrader. La concurrence entre grands du café est exacerbée et le besoin de se distinguer par des variétés différentes devient vital.
Améliorer le sort des planteurs
Afin de recréer des conditions favorables à la culture du café, Lavazza a mis sur pied par l’intermédiaire de sa fondation une trentaine de projets de développement durable du café dans 20 pays, dont Cuba depuis 2018 avec le ministère cubain de l’Agriculture, le Groupe d’Entreprises agroforestières (GAF) et l’Agence de coopération économique et culturelle avec Cuba (AICEC).
« Cela suppose d’améliorer le sort des planteurs et d’attirer des jeunes », explique Mario Cerutti, secrétaire général de la Fondation. La vie est difficile dans la montagne où pousse le café. L’isolement, l’absence de transport motorisé, l’état catastrophique des routes, le manque d’équipements…
Lavazza compte beaucoup sur une rémunération en monnaie convertible pour relancer l’intérêt pour la culture du café. Aujourd’hui, les planteurs sont payés en pesos cubains, qui ne leur donnent aucune chance d’acheter les biens de consommation courante – hors la nourriture proposée par l’état moyennant tickets de rationnement. Le revenu moyen d’un agriculteur est de 200 à 300 peso (10 à 15 dollars).
La production, entièrement bio, est destinée à l’exportation mais aussi au marché national largement déficitaire. Les Cubains ont gardé leurs habitudes de consommation du café et « complètent » leur breuvage avec des grains de haricots jaunes importés de Russie, qu’ils font griller.
Indispensable reforestation et technologie
Le programme est ambitieux, tant les plants de café souffrent de la chaleur. « La température idéale se situe entre 19 et 24 degrés, ce qui explique que la culture du café se pratique en altitude autour de 1.000 mètres et qu’il faille la maintenir à l’abri des rayons du soleil », explique Ramon Ramas, chercheur au Centre de recherche de Tercer Frente dans la région de Santiago.
Pour protéger le café , on replante à Cuba de grands arbres, comme les caroubiers. Leurs larges ramures dispensent l’ombrage nécessaire aux caféiers, qu’ils arrosent de l’humidité de leurs feuilles la nuit. Le ministère de l’Agriculture a ouvert une ligne budgétaire spécifiquement dédiée à la reforestation.
Le projet de Lavazza vient en appui de la démarche publique, qui a permis de porter la forêt de 13 % de la surface agricole dans les années 1950 à 32 % en 2023. Des technologies nouvelles ont été introduites dans les plantations permettant de contrôler la température, les quantités d’eau, la température de l’air, via un système de capteurs dans les plantations.
Une dizaine de centres de production de café ont été ouverts dans la région Est de Cuba auxquels plus de 6 millions de plants de café ont été fournis, qui doivent permettre d’augmenter le rendement et d’améliorer la qualité.
Bio à 100 %
La Fondation Lavazza, avec la collaboration de l’ONG Oxfam, a ouvert plus d’une trentaine d’écoles enseignant les pratiques agricoles durables débouchant sur la certification bio du café, ont été ouvertes. Elles ont accueilli et formé 2.900 planteurs et 500 techniciens. La fondation a investi 1,5 million d’euros dans son projet de café durable à Cuba entre 2018 et 2021.
« L’objectif est de couvrir 5 % des besoins d’ici 2030, sachant que Cuba importe aujourd’hui la moitié du café qu’il consomme », précise Mario Cerutti. Le café produit par les 170 planteurs avec lesquels travaille la Fondation est 100 % bio et traçable. Commercialisés sous la marque La Reserva de ¡Tierra ! Cuba, les volumes destinés à l’exportation bénéficient d’un tri manuel final par 90 femmes, éliminant les grains défectueux que les machines n’ont pas détectés.
Par Marie-Josée Cougard (de Santiago de Cuba) – A retrouver en cliquant sur Source
Source : Comment Lavazza tente de faire revivre le café à Cuba