Comment le propriétaire de Smirnoff ou Guinness va chasser sur les terres de Pernod Ricard
Diageo, numéro un mondial des spiritueux, se lance à la conquête du marché français. Le groupe britannique a repris en direct la commercialisation de la majorité de ses marques distribuées par la coentreprise formée avec Moët Hennessy (LVMH) depuis vingt-six ans.
Diageo fourbit ses armes. Peu connu en France malgré une large présence de marques comme Johnny Walker Smirnoff ou Guinness, le numéro un mondial des spiritueux a la ferme intention de se faire une plus grande place au soleil hexagonal. En mordant sur le territoire du haut de gamme défendu par Pernod Ricard, son challenger historique .
Le groupe britannique lance son offensive maintenant qu’il a repris en direct la commercialisation de la majorité des marques (37) distribuées par la coentreprise créée en 1998 avec Moët Hennessy (LVMH, propriétaire des « Echos »). Il a ouvert une filiale à Paris il y a quatre mois et précise ses ambitions.
Sa part de marché en France (7,9 % en valeur) est bien trop modeste au regard de l’importance du marché national et surtout compte tenu de son poids dans les autres pays du sud de l’Europe, comme l’Espagne (24,4 %), l’Italie (13,7 %) et la Grèce (47 %). Son chiffre d’affaires (70 millions d’euros) est 10 fois inférieur dans l’Hexagone à celui de Pernod Ricard (plus de 600 millions d’euros), alors que, mondialement, ses ventes atteignent 18,4 milliards d’euros quand celles de son rival français sont à 12,4 milliards d’euros.
Bars de luxe
Pour s’arroger 10 % de parts de marché dans un premier temps, Diageo veut muscler sa présence dans les bars et hôtels de luxe, mais aussi auprès des cavistes, qui sont « les vrais prescripteurs auprès des consommateurs ». Pour cela, Diageo passera du modèle de distribution directe, qui était celui de la coentreprise avec Moët Hennessy, à un système reposant sur des distributeurs grossistes.
Côté GMS, l’idée est de se faire connaître des consommateurs « en créant des événements » et de gagner en visibilité dans les linéaires. Parallèlement, le groupe investira dans la formation des cavistes et des tenanciers de bar pour développer les cocktails à base de ses marques.
Concurrence directe sur le whisky
Au global, «Diageo s’appuiera sur cinq de ses marques iconiques », explique Patrick Gantier, directeur général de l’Europe du Sud pour le groupe. La tequila mexicaine Don Julio, « le spiritueux qui a la plus forte croissance au monde ». Une catégorie « sous-développée en France », où le leader britannique entend développer le segment premium. La marque sera lancée cet été en GMS au prix de 49 euros la bouteille. Une référence plus haut de gamme, Don Julio 1942, sera vendue par les cavistes et dans les hôtels de luxe.
Sur le marché du whisky, dont les Français sont parmi les tout premiers consommateurs dans le monde, Diageo entrera directement en concurrence avec Pernod Ricard, leader en France. Pour gagner des parts de marché, il parie sur deux single malt écossais, le Taslisker et le Singleton. Pari audacieux, alors que le groupe connaît des difficultés d’approvisionnement sur ce créneau et se trouve contraint de fonctionner par allocations.
Au rayon du rhum, Diageo dit viser tous les circuits de distribution avec la marque guatémaltèque Zacapa. Le leader mondial affiche aussi des ambitions fortes avec le gin Tanqueray, qui connaît une croissance à deux chiffres dans le monde et le lancement, cet été, d’une référence sans alcool avec le Tanqueray 0.0. Une première pour Diageo, qui n’avait aucune référence de sans-alcool en France. « C’est un premier pas vers d’autres produits 0.0 », a précisé Patrick Gantier. « Cette référence représente déjà 22 % des volumes de Tanqueray en Espagne. Le champ des possibles est large. »
Marie-Josée Cougard