Comment l’Inde devient le paradis du whisky chez Pernod Ricard 

Le groupe français veut asseoir sa domination sur le marché du whisky en Inde et vise le triplement de son chiffre d’affaires d’ici 10 ans. Les ventes sont portées par la croissance du revenu disponible par habitant des Indiens.

Pernod Ricard veut assurer une croissance à deux chiffres de son chiffre d'affaires à court terme en Inde
Pernod Ricard veut assurer une croissance à deux chiffres de son chiffre d’affaires à court terme en Inde (Shutterstock)

Pernod Ricard veut accélérer en Inde. Le géant français, qui occupe une position de leader dans le sous-continent, espère récolter les fruits de la forte croissance du marché indien du whisky .

« Dans les dix ans à venir, nous voulons multiplier notre chiffre d’affaires par trois », explique aux « Echos » Jean Touboul, le PDG de Pernod Ricard India. « Le groupe est bien positionné car nous sommes leaders sur tous les segments. »

Dans l’entrée de gamme des whiskys, le goupe possède Royal Stag et Imperial Blue – deux marques produites en Inde qui se placent dans le top 5 des whiskies les plus vendus dans le pays. Il a aussi plusieurs marques haut de gamme : Chiva’s Regal, Ballantine’s et Glenlivet – des whiskies importés et frappés par une surtaxe de 150 %.

Marché atypique

L’Inde représente 10 % du chiffre d’affaires global du groupe , soit environ 1,2 milliard d’euros. Cela fait du géant asiatique un marché majeur derrière les Etats-Unis.

« C’est est un marché atypique. Car l’immense majorité de la consommation est tournée vers des whiskies bas de gamme produits localement. Mais nous observons des tendances de premiumisation », ajoute Jean Touboul.

Les Indiens sont de plus en plus nombreux à délaisser les « country liquors » – des tord-boyaux très bon marché faits à partir de mélasse – pour se tourner vers des whiskies locaux. Une clientèle que Pernod Ricard capte avec ses marques d’entrée de gamme (Imperial Blue, Royal Stag et Blenders Pride).

Les whiskys premium en plein essor

La consommation de whiskies importés ainsi que de single malts indiens haut de gamme est elle aussi en plein essor. Les importations de scotch ont ainsi doublé entre 2020 et 2022, faisant de l’Inde le premier marché à l’export pour les marques écossaises. Les ventes de single malt indien ont quant à elles progressé de 144 % entre 2021 et 2022.

« Le revenu par habitant est faible, mais il progresse vite. Par ailleurs, 25 millions de personnes atteignent l’âge légal pour boire tous les ans », explique Jean Touboul, qui voit dans ces paramètres de signaux très positifs pour l’entreprise.

Les marques locales détenues par le géant français représentent 85 % des ventes en valeur. Les importations de marques étrangères, elles, représentent les 15 % restants. Mais elles assurent 30 % de la croissance. L’engouement pour les produits importés est réel.

L’accord de libre-échange en cours de négociation entre le Royaume-Uni et l’Inde devrait donner un coup de pouce supplémentaire aux whiskies écossais.

Innover pour se démarquer

Pernod vise une croissance supérieure à 10 % à court terme. « C’est la capacité à innover qui fera la différence », veut croire Jean Touboul. Le géant français a récemment lancé le « Longitude 77 », son premier single malt « made in India », destiné aux consommateurs de luxe qui sont de plus en plus nombreux à préférer les whiskies locaux aux bouteilles importées.

En 2022, c’est Diageo, principal concurrent au niveau mondial, qui avait lancé son premier single malt indien, baptisé « Godawan ». « Avoir de bons concurrents nous pousse à innover », reconnaît Jean Touboul. Le groupe français est également concurrencé par des groupes locaux sur l’entrée de gamme.

Casse-tête

En Inde, la vente d’alcool relève du casse-tête. La publicité pour les boissons alcoolisée est interdite. Chaque Etat décide de la taxation et des modes de commercialisation des alcools, ce qui ajoute de la complexité. Il est par ailleurs compliqué de transporter de l’alcool d’un Etat à un autre, ce qui oblige bien souvent les fabricants à avoir des usines dans chacun des Etats. C’est le cas de Pernod Ricard, qui a 27 usines à travers le pays.

Pour ne rien arranger, le gouvernement actuel est anti-alcool. C’est lié à la fois à des raisons idéologiques mais aussi électorales : adopter une posture anti-alcool permet aux politiciens de gagner des votes, notamment au sein de l’électorat féminin, première victime des violences familiales liées à la consommation d’alcool.

Les Etats franchissent rarement le cap de l’interdiction car ces ventes représentent jusqu’à 30 % des recettes de certains. La commercialisation est toutefois interdite dans quatre d’entre eux : le Gujarat, le Nagaland, le Bihar et le Mizoram.

Par Clément Perruche (Correspondant à New Delhi) – A retrouver en cliquant sur Source

Source : Comment l’Inde devient le paradis du whisky chez Pernod Ricard