Bien décidés à anticiper le « sugar bashing », Haribo, Lutti ou Nestlé multiplient les offres de produits allégés en sucre.

L’industrie agroalimentaire le sait : les Français scrutent leurs assiettes. Après le régime végétarien, sans gluten , puis vegan , c’est désormais au sucre de faire l’objet d’une attention particulière. Décrié par les diététiciens, qui lui préfèrent désormais les acides gras essentiels, il est chassé par les politiques à coups de taxe sur les sodas notamment.

Dans ce contexte, des grandes marques comme Haribo, Lutti, ou encore Nestlé… proposent d’ores et déjà des bonbons allégés en sucre. Des douceurs « light », rendues possibles grâce à de nouvelles techniques et desingrédients différents mais « qui ne changent rien à la saveur », promettent-ils.

Conserver le goût

C’est là l’unique barrière. « On ne fait pas de bonbons sans sucre car on ne sait pas faire cela sans changer le goût », explique ainsi Jean-Philippe André, président de Haribo France. L’entreprise a lancé voilà quelques semaines deux nouveaux produits : Fruitilicious et SeaFriends, contenant chacun 30 % de sucre en moins, en ayant recours à la fibre naturelle de maïs.

Le confiseur français Lutti, qui utilise le même procédé, vend déjà une nouvelle gamme avec 40 % de sucre en moins, dont deux nouveautés, Skate Fizz et Crazy Animals. De son côté, le géant Nestlé a développé une technique qui consiste à souffler le sucre traditionnel . Cela lui permet de proposer des versions allégées (-30 %) de deux de ses meilleures ventes : Fruit Pastilles et Randoms, commercialisées sous la marque Rowntrees. Des produits destinés uniquement au marché anglais pour l’instant.

Savoir innover

Les autres grands confiseurs, comme la Pie-Qui-Chante (propriété du fonds Eurazeo), Ferrero, Mars  ou encore Kraft, proposent pour leur part des produits allégés en sucre, mais au rayon barres chocolatées. Pour Florence Pradier, la secrétaire générale du Syndicat des Confiseurs de France, il s’agit toutefois « d’une adaptation plus que d’une révolution ».

« Les confiseurs ont déjà montré qu’ils étaient capables d’innover », explique-t-elle. Elle en veut pour preuve le remplacement des édulcorants, sujets à polémique il y a quelques années, par des colorants naturels.

Correspondre aux attentes

Surtout, « ce phénomène n’est pas nécessairement lié au ‘sugar bashing’ », estime-t-elle. Car « les confiseurs ont toujours été vigilants » quant à la consommation de sucre. « Cela fait plusieurs années qu’ils travaillent à réduire les portions. » Des propos que confirme Jean-Philippe André : « Il faut être responsable. C’est pour ça que nous proposons depuis quelques années déjà des paquets plus petits, des portions individuelles. »

 On ne fait pas de bonbons sans sucre car on ne sait pas faire cela sans changer le goût 

Ces bonbons allégés en sucre viennent « principalement compléter les gammes ». « Il s’agit d’une déclinaison pour correspondre aux attentes », plus que d’une offre qui viendrait supplanter celle existante, commente Florence Pradier. « Il y aura toujours des bonbons traditionnels », ajoute-t-elle. Ne serait-ce parce que certaines recettes sont protégées, comme pour certains caramels.

Faible consommation

Surtout, cette offre allégée devrait surtout concerner des marchés étrangers comme l’Angleterre ou les Etats-Unis. « Les Français ont une consommation de bonbons très raisonnable, assure Pascale Hébel, directrice du pôle Consommation et Entreprise au Crédoc. Un amateur en mange ainsi moins de 7,5 grammes par jour. Soit pas tout à fait un bonbon, dont le poids moyen est de 10 grammes. Quant aux enfants, ils en avalent moins d’une fois par semaine. »

La confiserie représente 1,4 milliard d’euros de chiffre d’affaires en grandes et moyennes surfaces en France, selon le syndicat des confiseurs. « Soit à peine 2 % du secteur alimentaire des produits de grande consommation », précise Florence Pradier.

Pas de quoi inquiéter les sucriers, non plus. « La confiserie ne représente que 2 à 3 % de l’utilisation du sucre en France », loin derrière les 18 % du sucre de bouche (celui qu’on ajoute dans nos yaourts et nos cafés), constate Bertrand Ducray, directeur général du Cedus, l’organisation interprofessionnelle du secteur betterave-canne-sucre en France. Même si « les Français se préoccupent plus de leur alimentation qu’il y a 30 ans », reconnaît Pascale Hébel, les confiseries restent un petit plaisir que l’on s’autorise, en sachant qu’il ne faut pas en abuser.