Danone double de taille dans la nutrition médicale aux États-Unis
Créée en 2012 en Californie, Kate Farms (environ 200 millions de dollars de chiffre d’affaires en 2024) est spécialisée dans la nutrition médicale orale et parentérale pour les enfants et adultes souffrant de maladies chroniques, de troubles digestifs ou de cancers. Danone
Malgré un contexte politique tendu, le groupe rachète le spécialiste Kate Farms. Ce métier est le plus rentable du groupe.
Dans un contexte international qui s’est tendu à cause de la guerre commerciale lancée par Donald Trump, Danone entend bien garder le rythme aux États-Unis. Désormais solidement remis sur les rails de la croissance, le groupe n’avait pas caché ces derniers mois son intention de se montrer plus offensif sur le front de la croissance externe. C’est chose faite, le champion français des produits laitiers et végétaux, des eaux et de la nutrition spécialisée venant de prendre une participation majoritaire dans la société américaine Kate Farms, pour un montant tenu secret.
Créée en 2012 par Richard Laver pour aider sa fille, atteinte de paralysie cérébrale et intolérante à certaines formules classiques, l’entreprise commercialise des produits d’alimentation orale ou parentérale (par sonde en dehors de l’appareil digestif), essentiellement sous ordonnance. Destinés aux enfants ou patients souffrant de troubles digestifs, de cancers ou de maladies chroniques, ils doivent les aider à s’alimenter correctement ou à pallier les carences liées à leurs traitements.
«Cette acquisition est en plein cœur de la stratégie fixée il y a un an, tant en termes que portefeuille de produits axés sur la santé, que de croissance externe», explique un porte-parole du groupe. Cela fait d’ailleurs plusieurs années que le géant français s’intéresse à cette société, qui affiche des taux de croissance à deux chiffres. Relais de croissance majeur identifié par Antoine de Saint-Affrique, le directeur général de Danone, il y a deux ans, le secteur de la nutrition médicale pèse déjà 30% du chiffre d’affaires du groupe (avec la nutrition infantile). Il est certes porteur, mais les concurrents sont nombreux outre-Atlantique. Notamment le géant local Abbott, et le géant suisse Nestlé, qui a également affûté ses ambitions dans ce domaine à la croisée des chemins entre l’alimentation, la santé, et la pharmacie.
Si les deux leaders du secteur restent loin devant, le groupe français veut défendre sa place – il s’agit de son métier le plus rentable (20,6% de marge opérationnelle) et un de ses piliers stratégiques. Une fois le rachat finalisé, Danone confiera les rênes de sa division nutrition médicale aux États-Unis à Brett Matthews, l’actuel directeur général de Kate Farms.
Positionnement naturel et bio
L’acquisition reste certes petite pour le groupe et ses 27,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires: Kate Farms réalise moins de 200 millions de dollars de facturations (180 millions d’euros de chiffre d’affaires). Mais l’opération permettra à Danone de doubler de taille aux États-Unis dans ces métiers. Le groupe escompte bien accélérer la présence de la marque dans les hôpitaux américains (800 établissements aujourd’hui). Il mise aussi sur le positionnement plus naturel (végétal et bio) de Kate Farms et sur des produits «plus pointus et très différenciés» selon un porte-parole de Danone, pour se faire une place à côté des deux géants locaux.
Avec près de 25% de ses ventes réalisées en Amérique du Nord et le rachat de WhiteWave en 2017, les États-Unis sont un marché important pour Danone. La consommation y a connu un ralentissement à cause des effets en chaîne des tensions commerciales entre Washington, l’Europe et la Chine, mais le secteur de l’alimentaire a moins souffert que d’autres catégories de produits.
Comme d’autres entreprises ayant massivement investi aux États-Unis, Danone avance à pas feutrés au pays de l’Oncle Sam, dans un contexte politique tendu. Il y a quelques semaines, le fils de Donald Trump avait accusé le groupe sur les réseaux sociaux de collusion avec la Chine… sur la seule base de propos du directeur général du groupe Antoine de Saint-Affrique vantant les perspectives de croissance dans l’Empire du Milieu. Peu après le «libération day» et l’annonce de la hausse des droits de douane américains début avril, Emmanuel Macron avait par ailleurs appelé les multinationales françaises à faire preuve de patriotisme économique, en suspendant leurs investissements dans le pays dirigé par Donald Trump.
Considérant qu’une telle posture pouvait surtout affaiblir les entreprises présentes localement, Danone comme d’autres (Bridor, Pernod-Ricard…) poursuivent malgré tout leur feuille de route d’investissements, le marché américain étant stratégique. Ces derniers mois, Danone n’a pas caché son appétit pour une autre société américaine: le spécialiste du kéfir et des probiotiques Lifeway, dont il est déjà actionnaire depuis 1999. Cette fois-ci, ces ambitions semblent plus complexes à se concrétiser, après deux tentatives d’OPA de Danone rejetées par le conseil de sa cible. Celles-ci la valorisaient autour de 370 millions de dollars (330 millions d’euros).