Dominique Schelcher : « Système U tire les leçons des nouveaux modes de consommation »

Le successeur de Serge Papin se veut à la pointe des nouvelles technologies et de l’appétit pour le mieux manger. Pour lui, les Super U et Hyper U ont une belle carte à jouer dans l’évolution de la distribution même s’il table sur une baisse de la consommation des ménages en 2019.

Vous avez succédé à Serge Papin il y a neuf mois. Quelle est votre vision pour Système U ?

J’ai fait le tour de beaucoup de parties prenantes. Notre vision du commerce est partagée. Coopérative, proximité, métiers du frais, liens humains sont nos maîtres mots. Notre modèle fonctionne. En 2018, notre part de marché a légèrement progressé, de 0,1 %, à 10,7 %. Cela fait 32 périodes que celle-ci est en progression ou stable. Notre chiffre d’affaires a lui gagné 2,3 %, à 19,94 milliards d’euros. Le nombre de nos magasins s’établit à 1.579 grâce, notamment, à l’ouverture d’une trentaine de points de vente de proximité. Certains nous disaient affaiblis par la fin de notre partenariat avec Auchan, et fragiles parce que nos associés peuvent partir plus facilement qu’ailleurs. La réalité est que notre enseigne peut vivre seule, que nous nous sommes installés au quatrième rang des  distributeurs français , devant Auchan, sur les talons de Casino, et que cette année nous attendons 50 ralliements à nos enseignes en provenance d’autres réseaux indépendants ou de franchisés de grands groupes, preuve de notre attractivité.

Qu’est-ce-qui caractérise Système U par rapport à ses concurrents coopératifs Leclerc et Intermarché ?

Nous sommes les derniers indépendants à taille humaine et vraiment libres. Nous avons instauré un contrat de 9 ans pour nos associés, mais cela reste moins long que dans d’autres organisations et, surtout, il n’existe pas de chevauchement avec d’autres contrats qui empêchent de quitter le réseau. Autre différence : chez Intermarché, le groupement est propriétaire des murs des magasins des nouveaux arrivants ; chez nous, un jeune est propriétaire de tout, les murs et le fond.

Votre prédécesseur défendait des rapports apaisés avec les PME et le monde agricole. En quoi êtes-vous différent de lui ?

Je partage tout à fait la philosophie de Serge Papin sur ces sujets. Je m’inscris à la fois dans la continuité et le renouveau. Je suis peut-être plus sensible au digital et je suis un opérationnel présent chaque semaine dans mon magasin de Fessenheim. Je défends un groupement investi dans la transformation digitale. Nous avons 800 « drives » et même si nous considérons que le modèle économique des 10 derniers kilomètres de livraison n’est pas trouvé, nous réalisons 3 % de nos ventes en ligne, en hausse de 10 % en 2018. A notre siège de Rungis, nous utilisons déjà l’intelligence artificielle pour rédiger nos fiches produits. 825 de nos associés ont une page Facebook grâce à laquelle ils animent leur communauté de clients. Nous avons lancé un nouveau site et une nouvelle application mobile, sans compter Yaquoidedans. Nous serons les premiers à utiliser pour l’encaissement, via une application, le nouveau virement instantané. Il permet d’économiser le taux de 0,24 % que prélèvent les cartes bancaires sur les tickets.

Les U demeurent des commerçants plutôt installés dans des zones rurales ou semi-rurales. N’est-ce pas un handicap alors que la population se concentre dans les grandes agglomérations ?

Absolument pas ! Il est vrai que la moitié de nos points de vente, qui sont surtout des supermarchés, se situent dans des communes de moins de 5.000 habitants. Nous sommes des acteurs de la vitalité des territoires et nous le revendiquons. Mais nous avons aussi 65 hypermarchés à la périphérie de villes plus importantes et des magasins de proximité dans les grandes agglomérations. C’est compliqué pour des indépendants, mais leur nombre augmente. Système U ne se rajoutera pas à la bataille de Paris que se livrent Monoprix, Amazon, Carrefour et Leclerc. Mais nous avons 17 U Express dans la capitale. Nous sommes présents à Lyon, Nantes, Bordeaux, Marseille, Lille, etc. A Lyon, nos 10 associés se sont groupés pour créer  un drive en centre-ville. A Lyon, toujours, cela fait 10 ans que nous livrons à domicile sur rendez-vous. Nous ne sommes pas absents des défis du commerce, loin de là.

Système U en chiffres

– 1.579 magasins

– 19,94 milliards d’euros de chiffre d’affaires (hors essence)

– 10,7% de part de marché dans les produits de grande consommation

Qu’elle est votre position sur la loi alimentation ? Pensez-vous qu’elle marque la fin de la guerre des prix et qu’elle sera inflationniste ?

Notre marque U multiplie les contrats avec les producteurs. Elle est forte et représente 23 % de notre chiffre d’affaires, en croissance de 4 %. Ces dix dernières années, nous avons enlevé 80 ingrédients nocifs de 6.000 produits. En 2018, 72 % de notre croissance sont  venus de produits de PME. Nos magasins s’approvisionnent pour 20 % de leur offre auprès de fournisseurs locaux. Nous mettons en oeuvre la loi alimentation qui va dans le sens du prix juste et responsable que nous prônons. Il faut aider et conserver notre agriculture. La concurrence va rester vive et les prix ne vont pas grimper en flèche. Le relèvement de 10 % du seuil de revente à perte ne concerne que 1.500 références, soit 7 % de l’offre alimentaire. Les enseignes feront de la péréquation de marge, c’est-à-dire des baisses de prix sur d’autres produits.

Êtes-vous satisfait de votre partenariat à l’achat avec Carrefour ?

Oui. Avec Carrefour et Cora nous représentons un tiers du marché. Face aux géants du e-commerce comme Amazon qui commencent à créer des produits à marques propres achetés au niveau mondial, les alliances à l’achat sont indispensables. Néanmoins, notre accord avec Carrefour ne concerne que 70 grandes marques internationales.

Quelle est votre lecture de l’évolution des modes de consommation ?

Une étude récente a montré que 82 % des Français ont confiance dans les produits des PME. Le Made In France n’est pas loin derrière. Les marques internationales tombent elles à 37 %. Les grands industriels n’ont pas encore pris assez la mesure des nouvelles attentes. Le client a repris le pouvoir. Les jeunes sont soucieux de la qualité sanitaire et de la qualité environnementale des produits. Les consommateurs achètent moins mais achètent mieux. Nous en tirons les leçons. Pour 2019, j’ai bâti le budget de Système U sur l’hypothèse d’une baisse de la consommation des ménages, ce qui n’empêchera pas l’enseigne de poursuivre sa croissance.