Franchise: un marché en ébullition
A la veille de l’ouverture de Franchise Expo, à Paris, enquête sur un modèle qui séduit mais doit s’adapter en permanence.
D’année en année, le secteur de la franchise poursuit son expansion, comme en témoigne l’attrait pour le salon Franchise Expo Paris qui ouvre dimanche 25 mars. La franchise confirme sa vitalité dans une conjoncture certes meilleure, mais toujours difficile. L’effet réseau -« ensemble on est plus fort »- n’est pas étranger à cet élan durable et profite autant aux franchiseurs qu’aux franchisés. Les premiers y trouvent un moyen rapide de se développer, les seconds une solution clé en main pour entreprendre à moindre risque. Avec ce mode d’exploitation gagnant-gagnant, chacun y trouve son compte.
Un business model attirant
Forte de ses avantages, la franchise séduit et attire. Tous les ans, elle fait des émules auprès d’entrepreneurs qui ambitionnent de bâtir un réseau autour d’un nouveau concept. Les entrants sont nombreux à s’y essayer. Parmi les tout derniers postulants: Canibest (éducation canine), Bricks for Kidz (aire de jeux), Onze (crêperie), As de Pic (traitement des nuisibles), la Laiterie Gilbert (fromagerie) ou la Frituur (friterie). La grande nouveauté vient cependant des acteurs traditionnels qui choisissent la franchise pour se développer. Le groupe Fnac Darty, Picard, Carrefour et dernièrement les Galeries Lafayette ont pris ce virage. Désireux d’implanter leurs magasins dans des villes plus petites, ces grands groupes ont décidé de confier les rênes de leurs magasins à des commerçants indépendants. Malin! La franchise leur permet en effet d’occuper le terrain, de « mailler » le territoire et de sauvegarder les bastions les plus forts. Ils peuvent s’étendre sans trop puiser dans leurs capitaux propres puisque ce sont les franchisés qui financent en partie leur ouverture. Un levier de développement, presque un salut, pour ces grands noms qui peinent sur leurs marchés et qui doivent contrer coûte que coûte la déferlante Amazon. En décembre dernier, à l’occasion de la présentation de son plan d’orientation, le groupe Fnac Darty a ainsi annoncé l’ouverture de 200 points de vente en franchise. Quant à Picard, dont le rythme est moins soutenu, il table sur 15 à 20 nouvelles adresses chaque année.
Cette guerre de positions, pour les nouveaux comme pour les réseaux plus anciens, est cependant exigeante. Certaines enseignes s’y cassent d’ailleurs le nez. Trop gourmandes, pas assez solides financièrement, elles doivent faire des choix, quitte à… se vendre. La Pataterie, confrontée à une crise de croissance et à un développement débridé (32 restaurants en 2008, plus de 200 en 2014) a été totalement reprise en 2017 par les sociétés d’investissements Verdoso et Smamtholding. Son avenir reste à écrire. « Vont-ils relancer, arrêter, se recentrer sur leur métier historique? Il est encore trop tôt pour le dire », analyse Samuel Burner de l’Observatoire de la franchise. Et d’ajouter: « Le secteur de la restauration se structure et se concentre avec des rachats et des rapprochements. L’activité est très capitalistique: les enseignes ont besoin de fonds. » Elles vont donc les chercher, auprès d’investisseurs ou d’industriels du secteur. Buffalo Grill a ainsi été repris par le fonds britannique TDR Capital, la chaîne Hippopotamus par Groupe Flo et Big Fernand (Burger) par le fonds anglais BlueGem. Cela ne signifie pas que toutes ces enseignes vont stopper leur développement, mais juste qu’elles n’ont pas les ressources suffisantes pour assurer leur expansion. « Nous avions besoin de moyens pour nous développer à l’international », a expliqué dans la presse Steve Burggraf, le fondateur de Big Fernand qui n’abandonne pas son déploiement en franchise. La chaîne de burgers premium table sur 80 restaurants en France à moyen terme, en s’attaquant notamment aux gares et aux aéroports.
Les gares, nouvel eldorado
La recherche d’emplacements est une quête permanente des réseaux pour poursuivre leur expansion. Selon l’enquête annuelle sur la franchise*, les franchiseurs envisagent d’ouvrir en moyenne neuf points de vente sur les douze prochains mois. Si les implantations en centre-ville ou en périphérie restent une priorité, les enseignes s’intéressent de près à des localisations plus stratégiques, notamment les gares. Les plans de rénovation lancés par la SNCF à Paris (Montparnasse, Saint-Lazare, gare du Nord) et en province (Toulouse, Marseille…) tombent à pic pour les réseaux. « Ce sont de vrais relais de croissance, avec des flux élevés et une énorme visibilité », analyse Laurent Delafontaine, associé au sein du cabinet Axe Réseaux. A la gare Montparnasse, en travaux jusqu’en 2020, les 19000 mètres carrés de surfaces commerciales prévues pourront accueillir une centaine de boutiques. D’après le portail Snacking.fr, Brioche Dorée mais aussi Exki, PeGast, Bon App’ (Carrefour) et la Fabrique à Cookies sont sur les rangs. « Les loyers seront très chers, prévient Samuel Burner. Seuls les réseaux avec des reins solides pourront s’y implanter durablement. »
La boulangerie en forme
Malgré leur proactivité et leur anticipation, toutes les enseignes sont confrontées au yo-yo de la consommation des ménages qui arbitrent en permanence dans leur budget. Les achats en habillement, en biens d’équipement et en alimentation ne cessent de diminuer: – 5,3 % en fin d’année dernière pour le textile d’après l’Insee. De quoi fragiliser même les plus gros acteurs. Le groupe Vivarte a ainsi mis en vente en 2017 plusieurs de ses enseignes (André, Caroll, Naf Naf ) et a fermé une centaine d’unités La Halle. Même sort tragique pour le spécialiste du prêt-à-porter féminin Sinéquanone, placé en redressement judiciaire.
Heureusement, certains secteurs s’en tirent mieux, et offrent des perspectives plus stables. C’est le cas de la restauration rapide, qui a connu une belle embellie en 2017 avec une croissance de la fréquentation des restaurants de l’ordre de 62 millions de visites (source NPD Group). Les réseaux de burgers (213 East Street, Roadside, King Marcel), de cuisine exotique (Pitaya, Little Warung, O Tacos) et de « fast good » (Nostrum, Jour, Boco, Bagel Corner) poursuivent leur expansion à côté de mastodontes tels que La Mie Câline, le Fournil de Pierre ou La Croissanterie. « Même s’il faut se méfier des effets de mode, la restauration reste et restera toujours une valeur sûre en franchise », assure Samuel Burner. A noter d’ailleurs sur ce segment, la bonne santé des réseaux de boulangeries comme Boréa, Ange, Marie Blachère ou Louise. Bien que la consommation de pain ait baissé en France (120 grammes par personne par jour contre 350 en 1950), ces enseignes font preuve d’un vrai dynamisme, notamment grâce à leurs offres de snacking.
Effets de mode
Dans le commerce spécialisé, le secteur du bio se porte bien également. En 2016, les Français ont dépensé 7 milliards d’euros pour s’offrir des produits sains. D’après le cabinet Xerfi, les ventes devraient encore croître et atteindre 9,3 milliards d’euros d’ici 2020. Plutôt alléchant! Carrefour a ainsi décidé d’ouvrir des Carrefour bio. Auchan s’y essaie aussi: après quelques magasins pilotes Coeur de Nature, le géant a ouvert son premier Auchan Bio fin 2017.
De leur côté, les enseignes historiques comme Biocoop (400 implantations), L’Eau Vive (50 magasins) ou Naturalia (158 boutiques) enregistrent chaque année des performances en hausse. La Vie Claire (230 magasins) ouvre 40 points de vente en moyenne chaque année, et affiche un chiffre d’affaires en progression continue (221 millions d’euros en 2016 en croissance de 27%). Les activités traditionnelles, comme le vin ou les chocolats (les Français en consomment 7 kilos par an), font, elles aussi, figure de valeurs sûres. Elles n’assurent pas des marges exceptionnelles aux franchisés, mais elles ont le mérite d’être pérennes et de ne pas subir les effets de mode. A noter d’ailleurs, le retour du caviste Nicolas en franchise.
Les secteurs qui échappent à la concurrence du commerce en ligne maintiennent eux aussi le cap. C’est le cas notamment du bien-être et de la beauté. Les salles de sport (Keep Cool, Giga Feet, l’Orange Bleue) et les boutiques diététiques (Natur House, Diet Plus) continuent à croître. Idem pour les spécialistes de l’automobile (Midas, Speedy, Feu Vert) et de l’habitat (Tryba, Attila, Iso Combles). « Plus qu’un secteur, c’est la notoriété de l’enseigne qui assure la longévité. Jeff de Bruges, Norauto ou Yves Rocher proposent des concepts, certes classiques, mais durables », souligne Laurent Delafontaine. Entre la nouveauté et la tradition, il faut parfois savoir raison garder!