Les cantines servent 10 millions de repas par jour dans 20.000 sites.La cantine, un modèle économique à bout de souffle

Des contraintes réglementaires et la pandémie de Covid ont pesé sur les résultats financiers de la restauration collective ces dernières années.

Les cantines servent 10 millions de repas par jour dans 20.000 sites. (Shutterstock)

Rien ne va plus dans le monde des cantines. Jugée chaque midi par les écoliers et les salariés, le secteur de la restauration collective se sent déjà souvent mal aimé, et il affiche dans le même temps un modèle économique à bout de souffle. « Nous souhaitons mieux faire connaître et reconnaître cette autre exception française, culturelle, sociale et territoriale : une restauration collective saine, équilibrée, à bas prix, unique par son ampleur, de la crèche au grand âge, servant 10 millions de repas par jour », défend Isabelle Aprile, présidente du Syndicat national de la restauration collective (SNRC).

A ceux qui auraient tendance à dénigrer les cantines, elle rétorque : « Un menu entrée-plat-dessert pour 2, 4, 6, ou même 10 euros, qu’auriez-vous dans la restauration commerciale pour ce prix-là ? » Comment le SNRC, qui représente 85 % du secteur – des géants comme Sodexo aux PME telles que Mille et Un Repas ou Restoria -, en est-il arrivé à ce coup de gueule ? « Nous sommes soumis à des normes de plus en plus contraignantes et à des coûts de plus en plus élevés avec, en quatre ans, une inflation des prix de 16 % et une hausse des salaires de 18 % », explique sa présidente.

Pic de défaillances

Ainsi, les approvisionnements de la restauration collective doivent répondre à un cadre législatif ambitieux (loi Egalim imposant 20 % de produits bio, loi climat et résilience), qui représente un surcoût de 20 à 30 %, selon l’Ademe. Les règles de transition écologique (abandon du plastique, réemploi…), autre source de surcoût, sont en outre complexes à mettre en oeuvre, parce que les matériaux de substitution n’existent pas toujours sur le marché.

Une étude indépendante sur la situation financière de la restauration collective, réalisée par l’institut Xerfi en novembre, constate un résultat net négatif pour la troisième fois en quatre ans pour les plus grandes entreprises du secteur. Et un résultat net de 2,6 % du chiffre d’affaires en moyenne pour celles de moins de 200 salariés en 2023, soit près d’un point de moins qu’en 2021. Le taux de défaillance est le plus haut jamais enregistré par Xerfi, à 2,8 % en 2023, contre 1,2 % en 2019.

La pandémie de Covid a fortement perturbé les cantines d’entreprises en changeant les habitudes dans les salariés, avec un lent retour au bureau et la persistance du télétravail partiel. Les grands groupes, à l’instar de Sodexo ou Elior, ont communiqué ces dernières années sur le fait que le choix avait été fait de ne pas reconduire certains contrats, non rentables.

Contrairement aux idées reçues, la cantine a beau être d’intérêt général, elle n’est pas obligatoire.

Isabelle Aprile, présidente du syndicat national de la restauration collective

La fragilité des acteurs allant de pair avec celle de leurs clients, l’équation pour sortir un prix moyen par repas très bas tout en préservant la qualité nutritionnelle devient difficile, et certaines sociétés de restauration collective refusent ainsi des marchés. Des maires alarmistes n’hésitent pas, de leur côté, à dire qu’ils vont devoir choisir entre financer la police municipale ou la cantine. « Car, contrairement aux idées reçues, la cantine a beau être d’intérêt général, elle n’est pas obligatoire », rappelle la présidente du SNRC.

Un rempart à la précarité alimentaire

Le syndicat estime que la restauration collective doit être considérée comme un investissement permettant aux Français d’accéder à une nourriture très contrôlée pour un prix modéré, un vecteur de vie sociale comparé à la lunch box des Anglais ou des Allemands.

Les restaurants d'entreprise, un vecteur de vie sociale.
Les restaurants d’entreprise, un vecteur de vie sociale.Jean Nicholas GUILLO/REA

Le secteur, qui défend la cantine comme un rempart contre la précarité alimentaire et « un maillon de la prévention santé » auprès du jeune public, plaide pour desserrer le cadre légal. Alors qu’Egalim privilégie les produits sous signe de qualité (IG, AOP, bio), « cela ne permet pas de valoriser le local, ce qui est souvent la demande première des collectivités, d’autant que la restauration collective, dans cette période de grands défis pour notre agriculture, est un soutien de premier ordre à la Ferme France », insiste-t-elle. Ainsi 85 % du boeuf servi dans les cantines, 94 % du porc, 99 % des volailles, 74 % des fruits et légumes crus ou cuits, et 94 % des produits laitiers et oeufs, ont une provenance tricolore.

Sur le plan social, le syndicat réclame une réforme du bonus-malus de l’assurance-chômage pour la restauration collective. Cette activité non délocalisable, à forte intensité de main-d’oeuvre, soumise à une obligation de continuité de service, se retrouve pénalisée par le dispositif qui sanctionne les contrats courts.

Pour assurer cette continuité, le secteur est en effet contraint de recruter des employés en CDD pour remplacer les absents et se voit appliquer un malus structurel d’environ 20 millions d’euros par an, quand la restauration rapide (qui fonctionne avec beaucoup d’employés en CDI à temps partiel) bénéficie, elle, d’un bonus. Enfin, le SNRC rappelle le rôle d’ascenseur social du secteur pour ses 100.000 salariés employés en CDI à 94,5 %. Depuis 2020, la grille salariale, déjà au-dessus du SMIC dans ces métiers en tension, a bénéficié de cinq revalorisations conventionnelles.

Par Martine Robert – A retrouver en cliquant sur Source

Source : https://www.lesechos.fr/industrie-services/services-conseils/la-cantine-un-modele-economique-a-bout-de-souffle-2143895