La Cour de Cassation confirme la condamnation à 63 millions de Leclerc

La Cour de Cassation a rejeté le pourvoi de Leclerc et confirmé la condamnation record du distributeur à 63 millions d’euros. Un arrêt qui fera jurisprudence, puisqu’il établit dans quelle mesure Bercy peut se mêler de la négociation des prix. A ne pas oublier avant de signer les contrats pour 2017.

Le 25 janvier, la Cour de Cassation s’est prononcée sur une affaire jugée en appel en juillet 2015. Les faits incriminés, eux, remontent aux années 2009 et 2010 : des remises de fin d’année réclamées à 46 gros fournisseurs, mal ficelées car peu précises sur les contreparties engageant le distributeur.

En 2015, la Cour d’Appel de Paris avait conclu à un déséquilibre significatif dans la relation commerciale et condamné Leclerc à une amende de 2 millions d’euros ainsi qu’au remboursement des remises perçues (61,3 millions d’euros).

Le débat entre les juges et les avocats de Leclerc, depuis le début, porte moins sur la réalité des contreparties (objectivement très légères) que sur le cadre dans lequel elles s’inscrivent. Ces remises, en effet, ne relèvent pas de la stricte coopération commerciale, domaine dans lequel l’équilibre des prestations est obligatoire. Elles sont un élément de la négociation du prix entre les parties.

Or, rappelait Leclerc, la négociation des prix est libre et n’impose pas la formalisation de contreparties. Les juges, et encore moins Bercy, ne sauraient s’immiscer dans cette négociation, argumentait le distributeur.

« Le principe de la libre négociabilité n’est pas sans limite, a toutefois estimé la Cour de Cassation. L’absence de contrepartie ou de justification aux obligations prises par les cocontractants, même lorsque ces obligations n’entrent pas dans la catégorie des services de coopération commerciale, peut être sanctionnée dès lors qu’elle procède d’une soumission ou tentative de soumission et conduit à un déséquilibre significatif. »

Dans les contrats signés en 2009 et 2010, de nombreuses clauses en défaveur des fournisseurs, pré-rédigées par le distributeur et non modifiées par la suite, ont donc convaincu les juges qu’il n’y avait pas eu de réelle négociation des prix. C’est cette absence de négociation qui a été condamnée.

« Un faisceau d’indices établissant la soumission »

Retour sur le jugement prononcé en juillet 2015, confirmé donc en Cassation, détaillant les déséquilibres identifiés dans les contrats de Leclerc. Sur les conditions définissant la remise de fin d’année, la Cour d’Appel avait rassemblé « un faisceau d’indices établissant la soumission des fournisseurs par le Galec à un déséquilibre significatif ».

Les 46 fournisseurs concernés par l’assignation « ont signé les 118 contrats types prérédigés par le Galec sans y apporter la moindre modification », observait alors la Cour.

Les juges s’étonnaient également de la forte variation des taux de ristournes d’un fournisseur à un autre : entre 4,3% et 14,5% en 2009, de 2% à 14,5% en 2010. La Cour d’Appel ne voyait pas dans ces écarts le résultat d’une négociation, mais soupçonnait plutôt Leclerc d’avoir déterminé lui-même ces taux pour atteindre le prix qu’il s’était fixé et qu’il n’obtenait pas sur la facture de l’industriel.

Dans le détail des contrats, en outre, les conditions de réalisation des remises de fin d’année étaient souvent peu claires sur les engagements de l’enseigne, présentés pourtant comme fondement de la remise. Lorsqu’un objectif de chiffre d’affaires était évoqué, son montant n’était parfois pas précisé, ou alors fixé à environ la moitié de ce qu’il était raisonnable d’espérer, au nom d’une prétendue « incertitude économique ». En revanche, les montants de la remise, mensualisés et versés par anticipation, étaient eux déjà calculés sur la base d’une projection cette fois réaliste des ventes.

Les juges de la Cour d’Appel s’étaient aussi étranglés en découvrant que des fournisseurs pouvaient ainsi être amenés à payer des remises par anticipation, avant même que la marchandise ait été réglée par le distributeur.

Les plus gros remboursements réclamés à Leclerc

Somme à restituer
Ferrero 9,4 M€
Mars 7,2 M€
Lactalis-Nestlé 5,4 M€
Fleury Michon 4,9 M€
United Biscuits 3,0 M€
Elvir 2,9 M€
Raynal et Roquelaure 2,7 M€
Bonduelle 2,5 M€
Société (Lactalis) 2,5 M€
InBev 1,8 M€
Campbell 1,5 M€
St Michel Biscuits 1,3 M€
Blini Delabli 1,3 M€
Madrange 1,2 M€
McCain 1,2 M€
Maped 1,2 M€
Foods International 1,0 M€

Source : La Cour de Cassation confirme la condamnation à 63 millions de Leclerc / Les actus / LA DISTRIBUTION – LINEAIRES, le magazine de la distribution alimentaire