La distribution automatique à bout de souffle ?
Alors que certains voient le marché en souffrance, il connaît plutôt une vraie mutation en termes de solutions, d’attentes et de modèle économique pour faire face aux enjeux de demain. A l’instar de Polaroïd qui ne croyait plus à la photo … et pourtant le numérique, le mobile et le besoin de se mettre en avant ont vu une explosion des prises de vues. Le vending doit lui aussi se repenser.
La distribution automatique comme tous les secteurs d’activité connaît des cycles. Son démarrage fin des années 60 en France, son envol dans les années 80/90 s’est opéré autour de la machine à café soluble puis expresso. Les boissons fraîches et snacks sont venus compléter l’offre et les assortiments complétés par les sandwichs et le snacking. Cette solution de vente non assistée de produits alimentaires s’est centrée sur la logique de pause. Les sociétés de gestion ou opérateurs de vending ont prospéré de même que le parc de machines mis à disposition du monde de l’entreprise, des collectivités, des transports… Avec un réel succès. Fin des années 90 on comptait plus de 2000 opérateurs de gestion sur l’ensemble de l’hexagone. Plus encore, le développement des grandes machines à café et snack (freestanding) a amené également l’apparition du segment de l’OCS (Office Coffee Service). Le marché est passé de 300 000 à 400 000, puis 500 000 machines de distribution automatique pour dépasser le cap des 630 000 machines aujourd’hui autour d’une logique de réponse aux unités de besoin comme la pause-café, la pause plaisir autour du snacking et de l’hydratation. Le dépôt gratuit des automates s’est imposé au travers d’une concurrence de plus en plus acharnée des opérateurs de gestion sur les prix de ventes et des redevances versées aux donneurs d’ordre conduisant à un double impact : une décélération entre la croissance du parc de distributeurs automatiques et du chiffre d’affaires généré par la profession… et donc naturellement une baisse de la rentabilité à l’automate doublée d’une baisse des marges des opérateurs de gestion. Ce phénomène a conduit également à une concentration du nombre d’acteurs si bien qu’aujourd’hui le nombre de société de gestion en France s’est réduit de moitié par rapport à son apogée. Plus encore on constate la disparition des entreprises moyennes / de taille intermédiaire (500 K€ / 1,5 K€ de CA) au profit de plus larges structures (d’où la concentration et l’apparition de grands acteurs régionaux, nationaux ou internationaux) d’une part contrebalancée par une multitude de petits acteurs locaux. Jusque-là rien de grave pouvait-on penser… ce n’est que l’ordre des choses ! Si ce n’est que le Covid est passé par là et a rebattu les cartes.
Un Covid qui chamboule tout
En effet la pandémie mondiale a mis à mal un secteur d’activité centré sur l’offre de service dans les entreprises, collectivités et lieux de transport. Les confinements, le télétravail ont impactés directement le niveau de l’activité : faute de consommateurs présents dans les bureaux, les transports le chiffre d’affaires de la profession a connu un grand plongeon sans retrouver encore aujourd’hui les niveaux de consommation (nombre d’actes d’achats) d’avant la crise. Plus encore l’épisode inflationniste issu de la crise Covid et que nous vivons encore aujourd’hui a directement impacté la marge opérationnelle et les comptes d’exploitation des entreprises de gestion… qui se sont réveillées avec la gueule de bois. Ce réveil s’opère également dans un contexte ou l’énergie, les salaires augmentent et accentuent les difficultés.
Plus encore outre les péripéties économiques ce sont aussi les habitudes de consommation qui viennent compliquer la nouvelle équation des professionnels.
En effet le retour sur le lieu de travail, la nouvelle organisation du travail elle-même vient changer la donne. Les collaborateurs entendent privilégier leur bien-être et profiter du fait que le rapport employeur/employé s’est inversé compte tenu des tensions sur le marché de l’emploi. Autrement dit les marques employeurs sont désormais contraintes de fournir des efforts RH pour garder ou séduire les talents. Cela implique que les donneurs d’ordres des opérateurs de gestion sont aussi plus souples quant à leurs attentes de prestation et sont prêts à les rétribuer plus fortement. Non seulement, ils ont pâti d’une prestation dégradée pendant la pandémie mais souhaitent vivement désormais une offre séduisante quitte à revoir leur appréciation en termes de prix. Cela tombe bien car avec l’inflation les opérateurs de gestion n’ont pas d’autre choix pour survivre que de répercuter la hausse des prix au distributeur automatique. Mais ce n’est pas tout. En effet la contraction des marges implique également de revoir l’approche économique de la gestion avec la fin du dépôt gratuit des automates (prise en charge des capex et opex par l’exploitant) au profit de locations, de chiffre d’affaires minimum mensuel à garantir… c’est un bouleversement mais il se justifie afin de pouvoir répondre à la situation actuelle mais également en termes de prestation et de produits à apporter à la machine.
Toujours plus de sain & responsable
En effet le troisième effet de la pandémie passe par une attention particulière portée sur les produits alimentaires distribués. Les marques employeurs se souciant des attentes des collaborateurs militent voire impose un élargissement de produits dits healthy (sains) et respectueux de l’environnement (RSE/Bio…). Or à date si les consommateurs expriment le souhait de mieux se nourrir, ils sont encore très largement majoritaires à néanmoins se porter sur les snacks traditionnels. D’où la nécessité pour les professionnels à transiger en élargissant les gammes ou en abordant la nécessité de financer d’une manière ou d’une autre des assortiments complets healthy.
Par ailleurs le consommateur tient quant à lui à d’autres évolutions et elles ne sont pas neutres. Le Bio est en croissance sur le long terme d’une part mais c’est autour de l’offre de pause déjeuner qu’il faut s’attendre à des évolutions. La restauration collective elle aussi subit l’effet post covid et doit se réinventer. Les solutions de ventes non assistées tels les frigos connectés pénètrent le marché » français au même titre que les marchés anglo-saxons, certes avec un peu de retard mais inévitablement ils seront présents de même que les micromarchés. Aujourd’hui la foodtech s’est emparée du sujet via de l’innovation et des levées de fond. Elle apporte de la vente à emporter et des solutions prêtes à consommer sur le frais, le gourmand voire le local… et répond aux demandes des entreprises (majoritairement parisiennes) et des consommateurs avec un offre repas économique, une expérience d’achat simplifiée et techno. C’est un danger pour les opérateurs de gestion qui se sont toujours montrés prudents sur ce type d’offre mais ils vont devoir eux aussi chercher des réponses car le terrain de jeu s’est élargi et concerne la pause en entreprise qu’elle soit café, snack ou alimentaire. Et force et de reconnaître que les acteurs de l’alimentaire lorgnent sur le café. Ils sont encore dans des logiques de développement via des investisseurs et brillent dans les médias sociaux. Pour autant ils vont devoir aussi apprendre le métier d’exploitant, considérer que chaque point de vente est une unité à part entière dédiée à un compte d’exploitation, que chaque business unit/agence doit être gérée non pas dans les grandes masses mais au cordeau et au quotidien. C’est un enjeu que l’opérateur de gestion connaît bien et auquel il se confronte quotidiennement : exploiter un parc d’une dizaine de concept est une chose, exploiter un parc d’une, de plusieurs centaines de machines / vitrines en est une autre.
Quid du café ?
Il connaît lui aussi une évolution et les solutions professionnelles suivent la tendance à une montée en gamme et une meilleure connaissance du produit par le consommateur final. Les marques et labels sont prisés de même que le café en grain vs les capsules café qui pâtissent clairement d’une image dégradée en termes de RSE. Pour autant cette montée en gamme peut être saisie comme une opportunité permettant aux professionnels du métier de revaloriser leur prestation et faire face à la montée de leurs charges d’exploitation. Pour autant le marché des boissons à base de café, de café grain ne cesse de croître non seulement dans les foyers mais également en hors domicile, preuve en est que les opportunités sont plus que réelles pour capitaliser sur l’or noir. Coffee-shop, café de spécialité, infusion, ready to drink… les segments se démultiplient attirant les appétits des grands acteurs et torréfacteurs mondiaux mais séduisant de plus en plus de producteurs et artisans locaux.
Nouvelle donne
La machine à café est -elle à bout de souffle, les opérateurs de gestion sont-ils dépassés ?
C’est aller bien vite dans les jugements arrêtés. Le marché connaît une nouvelle donne en termes de niveau de consommation, de produits attendus, d’unités de besoin ce dans un contexte économique très tendu. Pour autant bien des opportunités existent. La première passe par une redéfinition des offres et concepts associés. Corner coffee, vitrines connectées, machine espresso professionnelle café grain pour l’OCS… sont autant de pistes à travailler sur les tendances de consommation qui s’expriment de plus en plus fortement. Par ailleurs les attentes des donneurs d’ordres, des marques employeurs autour de la convivialité sont autant de point d’entrée pour repenser la prestation de service et sa valorisation. Enfin l’arrivée des nouveaux usages et nouvelles technologies comme le paiement bancaire sans contact, les App de paiement, la fidélité, la télémétrie et la gestion on line des exploitations sont des leviers clairement identifiés qui doivent permettre aux professionnels de la gestion de gagner en rentabilité et en profitabilité avec un ROI à la machine en augmentation. Plus qu’une profession essoufflée c’est un secteur en mutation qui se présente aujourd’hui. Les solutions de vente automatiques ou sans personnel intelligentes sont appelée à progresser et apporter un service de proximité à une large partie de la population active. Le salon Paris Vending Show qui se tiendra du 21 au 23 juin prochain sera à n’en pas douter une vitrine des opportunités et concepts en devenir. Reste à définir qui saura prendre la balle au rebond et faire de l’ensemble des contraintes actuelles des leviers pour demain.