Le bio n’est pas meilleur pour la santé
Une étude américaine n’a pas décelé d’avantages nutritionnels ou sanitaires significatifs.
Faut-il encore manger bio? La question mérite, une nouvelle fois, d’être posée après la publication cette semaine dans la revue Annals of Internal Medicine, d’une étude dont les conclusions montrent clairement que les aliments issus de l’agriculture biologique ne sont pas meilleurs pour la santé que ceux produits par l’agriculture conventionnelle ou «chimique». Alors que le consommateur les paie en moyenne, et au bas mot, 25 % plus cher!
Cette fois, le coup est parti des États-Unis. Souhaitant répondre avec des arguments solides aux patients qui leur demandent s’ils doivent ou non «passer au bio», des médecins de l’université de Stanford ont épluché pas moins de 237 études scientifiques dans lesquelles aliments biologiques et conventionnels étaient comparés de façon rigoureuse.
L’exception du phosphore
À leur grand étonnement, les chercheurs ont constaté qu’il n’y avait pas de différence significative entre les deux catégories de produits. Que ce soit sur le plan des apports nutritionnels ou de la réduction des risques sanitaires. «J’ai été totalement surprise», avoue le principal auteur de l’étude, le Dr Dena Bravata, qui ne s’attendait visiblement pas à un tel résultat.
Contrairement à ce qu’affirment les promoteurs ou les adeptes de l’agriculture biologique, le contenu en vitamines, en minéraux, en protéines ou en lipides est à peu près le même dans les aliments bio et non bio. Seul le phosphore fait exception avec un avantage significatif pour les premiers, mais comme les carences sont rares, l’intérêt sanitaire est faible. Dans la catégorie particulière des fruits et légumes, les chercheurs avouent ne pas avoir été capables de déceler la moindre différence, même après avoir passé en revue des «tonnes d’analyses», selon l’expression du Dr Bravata.
Pas significativement plus pollués
Plus surprenant encore, les médecins californiens ont constaté que les aliments conventionnels n’étaient pas significativement plus pollués ou néfastes pour la santé que leurs homologues bio. Certes, le fait de manger des fruits et légumes bio réduit en moyenne de 30 % l’exposition aux pesticides, en particulier chez les enfants. Mais le Dr Bravata note que les concentrations en résidus des fruits et légumes conventionnels ne dépassent pas les limites sanitaires autorisées. En outre les produits bio ne sont pas totalement exempts de pesticides… Par ailleurs, l’une des études analysées par l’équipe de Stanford suggère que le léger excès de pesticides retrouvé dans les urines d’enfants proviendrait des insecticides domestiques (antimoustiques) plutôt que de leur alimentation.
Sur le plan microbien, les risques de contaminations bactériennes (en particulier lesEscherichia coli, responsables d’une quarantaine de morts l’an passé du fait de la contamination de graines germées bio) sont identiques quel que soit le régime, bio ou non. Seule différence, le risque de présence de bactéries résistantes à certains antibiotiques est 33 % plus élevé dans la viande de poulet ou de porc non biologique. Les rares études portant directement sur la santé humaine (17 seulement sur le total) n’ont pas non plus mis en évidence de surcroît de maladies allergiques de type asthme ou eczéma chez les consommateurs de produits non bio.
Protection de l’environnement et bien-être des animaux d’élevage
Ce n’est pas la première fois, au cours des dix dernières années, que les bénéfices réels ou supposés de l’alimentation bio sont remis en question. En 2003, l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa, aujourd’hui Anses) avait déjà conclu que «les faibles écarts» constatés entre les deux catégories de produits «n’apparaissent pas significatifs en terme d’apports nutritionnels». Six ans plus tard, la Food Standards Agency, l’équivalente anglaise de l’Afssa, aboutissait à la même conclusion après avoir procédé à l’examen de 162 études scientifiques publiées sur le sujet au cours des 50 dernières années. Et en mai 2010, deux chercheurs de l’Inra, Gérard Pascal et Léon Guéguen, ne décelaient pas eux non plus «d’avantage nutritionnel ou sanitaire significatif».
Les médecins californiens affirment que leur but n’est pas de dissuader les consommateurs de se tourner vers le bio mais d’éclairer leur choix. «Si on laisse de côté les aspects sanitaires, il y a bien d’autres raisons d’acheter des aliments bio», note le Dr Bravata en citant les préférences de goût (même si, là encore, aucune étude n’a mis en évidence de différences significatives), la protection de l’environnement ou le bien-être des animaux d’élevage. Certes, sauf que ces préoccupations ne sont pas l’apanage des seuls agriculteurs bio. De plus en plus d’agriculteurs conventionnels, aussi bien en France qu’aux États-Unis s’engagent dans une démarche de qualité qui n’a rien à leur envier (réduction des apports d’engrais et de pesticides notamment). Le tout sans vendre leur production notablement plus cher…