
Les producteurs de cognac français ne peuvent plus vendre leurs bouteilles dans le réseau de duty free en Chine. Un secteur qui pèse 20 % de cette activité dans le pays. En visite mercredi au salon de l’agriculture, le Premier ministre, François Bayrou, a confirmé qu’il était prêt à se rendre en Chine.
C’est la double peine pour le cognac français. Déjà, depuis plus d’un an sous le coup d’une enquête antidumping sur les brandies en Europe, menée par la Chine, les producteurs de Charente se voient en plus bannis des aéroports du pays. Depuis décembre, les rayons de magasins de duty free en Chine, présents aussi à l’intérieur des villes, comme Pékin, et sur l’île de Hainan, dans le sud du pays, le plus grand centre détaxé dans le monde, ont vu disparaître peu à peu les célèbres bouteilles tricolores.
Les opérateurs de duty free se sont en effet vus interdire de dédouaner ces produits, et donc d’approvisionner leurs magasins. Tandis que cosmétiques ou autres whiskys sont eux toujours vendus. Une décision, qui selon les professionnels n’a pas été notifiée officiellement. « C’est une mesure de rétorsion géopolitique pure et simple, estime un spécialiste du secteur. En décembre, l’Europe a confirmé l’application de droits sur les importations de véhicules électriques chinois. Du coup, les autorités durcissent le ton. »
Rayons qui se vident
Et c’est la filière française qui paie les pots cassés. Déjà, des ruptures ont été constatées sur certaines marques. Or le hors taxe est un réseau incontournable pour les fabricants. La Chine est le premier marché en valeur du cognac français. Ce réseau de magasins détaxés représente 20 % des ventes dans le pays, avec notamment de bouteilles haut de gamme, achetées pour offrir en cadeau. « Ces restrictions sont une seconde salve à notre encontre. Comme par principe, il n’est pas possible d’appliquer des droits de douane dans le duty free, les autorités nous empêchent purement et simplement d’y vendre nos cognacs » , se désole un fabricant.
Un nouveau coup dur pour la filière. Cette dernière, selon le Bureau national interprofessionnel du cognac (BNIC) enregistre 50 millions d’euros de pertes par mois, y compris avec cette exclusion des duty free. Car depuis début octobre, « les exportations sont soumises à un cautionnement bancaire par les douanes chinoises, ayant un effet équivalent à des taxes antidumping », précise le BNIC.
Ce qui a entraîné une baisse de 50 % des expéditions chaque mois. Conséquence, en 2024, les producteurs de cognac ont expédié dans le monde 166 millions de bouteilles, loin du record de 2021 (223 millions d’unités). L’inquiétude est de plus en plus forte dans une filière qui compte plus de 70.000 emplois directs et indirects. Plus le temps passe, et plus il semble difficile aux producteurs de trouver des solutions. Lors du Salon Wine Paris, mi-février, la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux (FEVS) a lancé un appel en urgence pour que François Bayrou se rende en Chine pour tenter d’apaiser les tensions.
Fin de l’enquête antidumping
Lors de sa visite au salon de l’agriculture ce mercredi, François Bayrou assuré aux représentants des filières Armagnac et Cognac qu’il y était prêt. « Le Premier ministre nous a confirmé qu’il se préparait à voyager à tout moment en Chine pour concrétiser ces discussions et, en tout état de cause, avant fin juin. » a souligné Gabriel Picard, président de la FEVS.
Or le temps presse. L’enquête antidumping doit s’achever le 5 avril. Ensuite des droits définitifs seront appliqués. « Ils seront notifiés dans deux à trois semaines, sauf si on arrive à rouvrir des discussions et à repousser jusqu’en juillet leur application, indique un expert. Si on manque cette fenêtre de tir, il sera difficile de revenir en arrière. »
« Pour nos filières, c’est une obligation de résultat qui pèse sur le gouvernement, estime de son côté Florent Morillon, le président du Bureau National Interprofessionnel du Cognac. Les deux parties ont confirmé leur volonté d’avancer dans une négociation bilatérale. La possibilité de structurer ce dialogue et de le faire rapidement aboutir ne doit faire aucun doute ».
Après l’audition des trois groupes de spiritueux, Pernod Ricard, Rémy Martin et Moët Hennessy dans le cadre de l’enquête antidumping, les autorités chinoises ont défini des taxes futures à hauteur de 30 % à 40 %. Pour le reste du secteur du cognac, la moyenne des droits de douane pourrait grimper à 34,8 %. De quoi décourager les achats des Chinois pour un produit déjà premium dans leur pays, au profit de brandies locaux.
Par Dominique Chapuis – A retrouver en cliquant sur Source
Source : https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/le-cognac-tricolore-evince-des-duty-free-chinois-2150946