Les jus de fruits ont une marge de manoeuvre limitée par rapport aux autres boissons sucrées.Le marché des jus de fruits n’en finit pas de baisser, affecté par l’image du sucre 

La France est le deuxième consommateur de jus de fruits en Europe. Pourtant ce marché est à la peine, victime de la désaffection à l’égard du sucre et de la concurrence de plusieurs autres boissons sans alcool.

Trop de sucre, trop de sel, trop de gras… Les mises en garde des nutritionnistes pleuvent. Et le jus de fruits, accusé de contenir plus de sucre que de vitamines ou de fibres, n’est pas le dernier à en avoir souffert. Depuis 2015, les ventes ont entamé une glissade régulière et les derniers chiffres de Nielsen confirment la tendance de 2 % à 3 % de volume en moins par an. L’image du petit-déjeuner sain et équilibré avec son verre de jus de fruits a été largement écornée.

Le PNNS (Programme national nutrition et santé) a enfoncé le clou en janvier 2020, en déplaçant les jus de fruits de la catégorie des cinq « fruits et légumes à manger chaque jour » à celle des « boissons sucrées ». Résultat, il est désormais recommandé de ne pas dépasser un verre de jus de fruits par jour en raison de « la forte teneur en sucres simples ». A cet égard, le PNNS rappelle que « seule l’eau est indispensable à l’organisme ».

Ainsi catalogués, les jus de fruits sont tombés dans la grande colonne des sodas, des boissons aux fruits plates, boissons énergisantes et autres spécialités à base de thé sans qu’il soit vraiment possible pour eux de se distinguer en agitant une quelconque carte « santé ».

« Nos concurrents ont intérêt à ce que les jus de fruits soient assimilés à la grande famille des boissons sucrées », regrette Emmanuel Vasseneix, président de Unijus, l’interprofession des jus de fruits. Les chiffres montrent d’ailleurs que les jus de fruits sont à la traîne sur le vaste marché des boissons sans alcool de 8,3 milliards d’euros, qui a progressé de 6,2 % en un an.

Multiples concurrents

Sur douze mois glissants, au 4 octobre, les colas, qui sont toujours les grands leaders des boissons sans alcool, ont vu leurs ventes augmenter de 0,6 % en volume et 6,4 % en valeur. Les énergétiques ont fait le plus grand bond à près de 18 % en volume et 22 % en valeur. Très bien placées aussi, les boissons à base de thé ont progressé de 4,7 % et 10,6 %.

Dans le même temps, les jus de fruits ont reculé de 2,7 % et 0,7 %. Pour certains, comme le pamplemousse, c’est la bérézina avec un plongeon de 90 %. Les nectars réalisés à base de purées de fruits, tels que la banane qui ne peut pas se transformer en jus, ne contiennent que 50 % de fruits et nettement plus de sucre.

Pourquoi une telle mauvaise fortune ? « Les prix jouent un rôle incontestable », selon Emmanuel Vasseneix. Un jus de fruits coûte beaucoup plus cher à fabriquer qu’une boisson à base de fruits type Oasis, leader de sa catégorie et il se vend près de deux fois plus cher. « Quand on achète pour une famille, le calcul est vite fait », souligne le président de Unijus. Lorsque la matière première flambe, et c’est de plus en plus souvent le cas avec le réchauffement climatique , « les hausses portent sur 100 % d’un jus de fruits quand elle ne portera que sur 20 % d’une boisson à base de fruits ».

Rigidité réglementaire

A cela s’ajoutent certaines difficultés réglementaires, qui limitent beaucoup plus les marges d’innovation pour les jus de fruits que pour les autres catégories de boissons. La directive européenne « jus de fruits », révisée en décembre 2012, encadre la définition de telle façon qu’il n’est par exemple pas possible d’en retirer du sucre.

Une limite abondamment médiatisée par les autres boissons. Il est en revanche possible de diluer la teneur en sucre, ce qui a donné l’idée à Eckes Granini d’ajouter de l’eau de coco au jus de la marque Joker pour lancer, en 2017, après trois ans de recherche, une nouvelle recette avec 30 % de sucre en moins.

Malgré tous ces vents contraires, le taux de pénétration du jus de fruits en France est important puisque « 90 % des ménages en achètent ». Avec une consommation de 18 litres de jus de fruits par personne et par an, la France est le deuxième plus gros marché (1,5 milliard d’euros pour près de 1 milliard de litres) en Europe après l’Allemagne.

Par Marie-Josée Cougard – A retrouver en cliquant sur Source

Source : Le marché des jus de fruits n’en finit pas de baisser, affecté par l’image du sucre