Le roi de la viennoiserie Bridor développe ses usines aux États-Unis
Une très large majorité de la production de Bridor vendue sur le marché nord-américain est produite localement. Bridor
DÉCRYPTAGE – Désireux de doubler sa taille tous les quatre ans, le groupe familial a été très actif ces dernières années en termes d’investissements et de croissance externe.
Alors que les entreprises sont bousculées depuis des semaines par la guerre tarifaire déclenchée par Donald Trump, le groupe Le Duff, propriétaire du roi des viennoiseries industrielles, Bridor, compte bien garder le cap aux États-Unis, un marché stratégique pour lui depuis plusieurs années. Après avoir annoncé il y a un an la construction d’une usine de viennoiseries industrielles à Salt Lake City, un investissement de 200 millions d’euros, il va bâtir d’ici 2027 ou 2028 un nouveau site à Dallas, d’une capacité équivalente de 100.000 tonnes. Le but : desservir le marché sud-américain, et « poursuivre le rééquilibrage de notre couverture industrielle des États-Unis, de l’est vers l’ouest », explique Philippe Morin, le directeur général de Bridor, la filiale industrielle du groupe surtout connu pour ses chaînes de restaurants Brioche Dorée ou Del Arte.
Ceci portera à six unités au total la taille du parc de l’industriel français outre-Atlantique, à côté de ses deux sites canadiens et avec ses deux usines de Bridgeport (Connecticut) et de Vineland (New Jersey). Et le groupe ne s’arrête pas là : dans cette dernière usine, il doublera d’ici l’automne les capacités de production, « pour continuer à répondre à la demande dans un marché très dynamique pour les viennoiseries haut de gamme, que ce soit dans les cafés-hôtels-restaurants ou dans les grandes surfaces », ajoute le dirigeant.
Pas de retour en arrière
Dans un contexte géopolitique tendu entre l’UE et les États-Unis qui incite les entreprises à l’attentisme, le géant français des croissants et des pains industriels dément toute stratégie de délocalisation sous la pression des tarifs douaniers. « Nous n’agissons en aucun cas en réaction à la situation politique. Ces projets sont antérieurs à la guerre commerciale en cours. Et une fois que la décision d’investir est prise, on ne peut pas revenir en arrière, explique Philippe Morin. Par ailleurs, nous n’avons pas le choix car la logistique pour le pain est très pénalisante, et nous avons donc besoin d’être proches de nos consommateurs. »
Déjà, une très large majorité de la production de Bridor vendue sur le marché nord-américain est produite localement. Importés d’Europe, les volumes résiduels sont soumis depuis le 2 avril à la surtaxe de 10% imposée par Washington. Mais au vu des volumes concernés, « marginaux » selon la direction, le groupe assure pouvoir amortir le choc, en répercutant ces surcoûts sur ses tarifs. Cet exercice reste toutefois délicat même pour des produits premium, alors que les prix du beurre industriel dont ses pains et croissants sont gourmands restent au sommet. Évoluant autour de 750 euros la tonne depuis le début de l’année, le cours de cette matière première stratégique est en hausse de 35% sur un an.
Patriotisme économique assuré
Désireuse de doubler de taille tous les quatre ans, la branche industrielle de Le Duff, qui réalise 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires, a été très active ces dernières années en termes d’investissements et de croissance externe. « Nos récentes acquisitions et nos plans d’investissement prouvent largement notre patriotisme économique, que ce soit en France et en Europe », glisse le dirigeant.
Il y a deux ans, la décision de l’emblématique président fondateur du groupe, Louis Le Duff, d’abandonner un projet industriel à Liffré, près de Rennes, sous la pression de multiples recours d’associations écologistes, avait pourtant soulevé de nombreuses questions. Tant sur la stratégie industrielle de ce groupe familial de 3,5 milliards de chiffre d’affaires que sur l’attractivité de la France en général. Mais après ce coup d’arrêt, le groupe Le Duff a continué à œuvrer en France, plus discrètement. Ce mercredi, il inaugurera ainsi une version remodelée et agrandie de son site de Falaise, en Normandie, intégré en 2022 avec le rachat du spécialiste normand des légumes et plats cuisinés surgelés Frial.
Nous investissons aussi beaucoup en Europe, avec le rachat entre 2022 et 2024 de Panidor au Portugal et de Pandriks aux Pays-Bas
Philippe Morin, directeur général de Bridor
Après y avoir investi depuis deux ans 100 millions d’euros, pour quadrupler sa taille et le reconvertir dans la production des viennoiseries industrielles, Bridor y disposera de deux nouvelles lignes de production. Ceci augmentera de 40.000 tonnes ses capacités de production tricolore, qui sont en grande majorité exportées. « C’est une augmentation sensible », explique la direction, qui reste muette sur le niveau actuel de ses deux autres sites français (Servon-sur-Vilaine et Louverné).
Certes, ces volumes additionnels comme les 150 emplois créés à terme restent loin de ceux prévus pour son précédent projet breton abandonné (500 emplois et 250 millions d’euros d’investissement), mais l’industriel y voit la confirmation de son implication sur son marché d’origine. « Nous investissons aussi beaucoup en Europe, avec le rachat entre 2022 et 2024 de Panidor au Portugal et de Pandriks aux Pays-Bas », conclut Philippe Morin. Une faim de rachat complétée ce mois-ci par celui de Laurent Bakery en Australie, qui gonflera de 150 millions d’euros le chiffre d’affaires.
Au total, Bridor aura investi plus de 500 millions d’euros sur ses projets industriels sur la période 2024-2026. De quoi assurer pouvoir encore doubler de taille d’ici 2030 pour atteindre 4 milliards d’euros de chiffre d’affaires.