Le secteur des spiritueux vent debout contre des baisses de tarifs
Spécialistes du cognac, du whisky ou autres liqueurs ne veulent pas baisser leurs prix dans les rayons. La Fédération des spiritueux estime que les entreprises n’ont pas pu répercuter 18 mois de hausse des coûts. 60 % d’entre elles ont des difficultés de trésorerie.
Et un de plus. La liste d’industriels qui ne veulent pas entendre parler des baisses de tarifs dans la grande distribution s’allonge. Mardi, le secteur des spiritueux, connu pour ses rhums, whiskies ou autres anisés a demandé « au gouvernement de faire entendre raison à la grande distribution » et de la « préserver de nouvelles demandes ».
Début mai, Bercy a demandé à 75 groupes agroalimentaires de rouvrir les discussions avec les distributeurs. Avec l’objectif de baisser leurs prix au premier juillet pour contenir l’inflation. Hors de question pour la Fédération française des spiritueux, qui regroupe plus de 800 marques. « La majorité de nos entreprises ont vu leurs marges diminuer en 2022, car elles n’ont pas appliqué une hausse des prix suffisante pour couvrir leurs coûts, indique Jean-Pierre Cointreau, son président. Cette inflation se poursuit en 2023, on ne peut donc pas nous demande de renégocier à la baisse ».
Le pastis, vedette des rayons
La disparition progressive des bouteilles de Ricard dans les magasins Leclerc est un des effets des tensions au rayon alcool. Pernod Ricard a cessé ses livraisons à l’enseigne, pour cause de différend commercial. Un bras de fer qui pourrait bien tourner au désavantage de Leclerc. Car l’emblématique litre de Pastis est le produit le plus vendu en grande distribution (cumul annuel avril 2023), derrière l’eau Cristaline et devant Coca-Cola, selon le palmarès établi par NielsenIQ. Pernod Ricard ne livre plus non plus à l’enseigne ses whiskies Ballantine’s et Aberlour, comme sa Suze. Le groupe se dit toutefois « confiant » et « travaille activement » pour trouver une solution.
En France, la situation des entreprises de spiritueux s’est dégradée en 2023. Avec l’inflation dans les rayons, les ventes dans la grande distribution (90 % du business) sont en baisse de 5,4 % en volume depuis janvier. En 2022, elles avaient déjà reculé de 5 % (volume et valeur) à 5 milliards d’euros. L’envolée de la consommation dans les bars et restaurants (+52 %), qui retrouve son niveau pré-Covid, n’a pas permis de redresser la barre.
« Les consommateurs font des arbitrages dans leurs caddies, et sélectionnent les produits les moins chers, relève Thomas Gauthier, le directeur général de la Fédération. Les boissons alcoolisées sont parmi les plus hautes valeurs faciales ». Le prix moyen d’une bouteille s’élève à 16,50 euros.
Il a progressé de 7,5 % en 2022 (contre +15 % pour l’alimentaire). Insuffisant pour couvrir les coûts des fabricants, après 18 mois de hausse entre +10 % à +50 %. Le prix des bouteilles en verre, ou de l’alcool agricole, a ainsi presque doublé. Or l’an dernier, la majorité des entreprises n’a pas renégocié à la hauteur ses tarifs. « Ça a été quasiment une année blanche pour elles, souligne Thomas Gauthier. L’effet des coûts s’est fait sentir en juillet. Les entreprises ont du coup attendu octobre pour discuter avec la distribution et espéraient rattraper le retard en 2023 ».
Des trésoreries sous tension
Résultat, un tiers d’entre elles, dont beaucoup de PME, ont déclaré un résultat négatif sur l’exercice précédent, soit le même nombre que l’année du Covid. Et cette année s’annonce « calamiteuse », selon la Fédération. Car le prix du verre , dont la disponibilité a affolé les compteurs, reste à la hausse autour de 20 %, tandis que le bois et le carton sont stables. Le sucre et l’alcool sont aussi toujours en progression (+20 % environ).
« Nous sommes pris en étau, s’inquiète Jean-Pierre Cointreau. Pour continuer à fonctionner, les entreprises sont obligées de puiser dans leur trésorerie ». Au premier semestre, 60 % d’entre elles ont vu ces réserves se dégrader. Comme leur chiffre d’affaires pour 43 %.
Et l’export, qui était jusque-là un fort relais de croissance, est aussi en panne. Après un boum de 12 % en valeur (5,4 milliards) et de 2,3 % en volume en 2022, il a plongé sur 2023. Avec en moyenne 20 % de caisses en moins expédiées sur le premier trimestre. Le cognac (qui pèse 32 % des volumes) étant le plus affecté par cette chute de la demande. Le marché américain, premier débouché des alcools tricolore, a freiné sa consommation. La Chine, sortie du Covid plus tardivement, n’a elle pas repris ses importations.
Par Dominique Chapuis – A retrouver en cliquant sur Source
Source : Le secteur des spiritueux vent debout contre des baisses de tarifs