Le vin bio face au défi de la production à grande échelle

En plein essor, la filière du vin bio peine à répondre à la demande. Les coûts de sortie d’une exploitation conventionnelle demeurent élevés et les techniques complexes.

Le constat est sans appel. « Aujourd’hui, on arrive péniblement à alimenter le marché », reconnaît Patrick Guiraud, président de Sudvinbio. Si la consommation de vin des Français baisse, celle du vin bio augmente, avec 9,26 millions de caisses vendues en 2017, soit 3,8 % du marché. Surtout, il faut s’attendre à une hausse de 14 % par an d’ici à 2022, d’après le cabinet britannique IWSR. Pour cela, il faudra doubler la superficie du vignoble bio d’ici à 2022, et le faire passer de 10 % de l’ensemble du vignoble à 20 %. Un vrai défi.

La question de la reprise

Tout d’abord, la pyramide des âges est défavorable, avec des viticulteurs souvent proches de la soixantaine, pour qui se pose davantage la question de la reprise que celle de la conversion en bio. Ensuite, le coût d’implantation pour les jeunes générations. « Un vignoble bio coûte de 20 % à 40 % plus cher : binage à la main, utilisation de produits biologiques, strict respect du cahier des charges AB… », rappelle Patrick Guiraud. Jean-François Deu, vigneron au Domaine du Trajiner, qui s’étend sur 18 hectares à Banyuls (Pyrénées-Orientales), est passé en bio dès 1997. Avec le recul, il ne regrette pas d’être « revenu à un type d’exploitation qui existait il y a cinquante ans, avant l’avènement des herbicides et du glyphosate », mais qui soulève de nombreuses difficultés.

L’équilibre économique s’avère cependant « très compliqué », avec un chiffre d’affaires de 330.000 euros pour six salariés, ou encore des coûts de production « trois fois plus élevés que les viticulteurs de la plaine du Roussillon », du fait, à la fois, d’une main-d’oeuvre plus importante et d’une culture en terrasse, à flanc de colline, ce qui interdit toute mécanisation. « Tout se fait à la main, résume-t-il. On laboure avec des mulets et des chevaux. » Les seules assistances se résument à des motoculteurs, des débroussailleuses et des pioches. Il s’agit notamment de lutter contre l’enherbement, qui empêche l’eau de pluie de parvenir jusqu’à la racine des ceps. « Or, le manque de pluviométrie devient récurrent », s’inquiète-t-il. Les bouteilles sont vendues entre 15 et 60 euros l’unité.

Des consommateurs prêts à mettre le prix

Les motifs de relever le challenge ne manquent pourtant pas. « Les consommateurs sont prêts à payer plus cher pour un vin bio », affirme Patrick Guiraud, sachant que la différence de prix est d’environ 33 % par rapport au secteur conventionnel. Par ailleurs, les viticulteurs bénéficient de nombreux accompagnements, à la fois en termes de R&D (protocoles de traitement, modélisations d’exploitation) et financiers (Etat ou politiques régionales). Par exemple, « la Région Occitanie subventionne la communication du Salon Millésime Bio, qui s’achève mercredi à Montpellier. Elle met aussi en avant les produits à travers sa marque Sud de France, aide à l’installation des jeunes ou à l’achat de matériel, en complément des aides européennes », souligne Patrick Guiraud.

Il est aussi important d’ajuster au mieux la production. En Languedoc, les metteurs en marché tels que Jacques Frelin, Advini, Paul Mas, Domaine Auriol ou Gérard Bertrand jouent ce rôle d’écoute des consommateurs. Des partenariats permettent de garantir des débouchés en termes de volumes. A ce stade, les vins bio s’écoulent, sur le marché français, à 40 % par la vente directe, à 20 % par les magasins spécialisés, le reste par les cavistes (20 %) et la GMS (20 %).