Le vin et le hors-domicile échappent à la crise du bio, la viande est très touchée 

Le marché a reculé de 4,6 % en 2022, selon l’Agence bio, ramené à 12 milliards d’euros. Dans les restaurants, le bio pèse 1 % sur les menus, un peu plus dans les cantines. Des relais de croissance à stimuler alors que les installations ont connu un recul historique.

Quelques jours après le plan de soutien au secteur bio annoncé par le gouvernement, les chiffres dévoilés jeudi confirment le net recul du marché des produits biologiques dans l’assiette des Français l’an dernier. Viande (-13 %), fruits (-7 %), légumes (-5 %)… toutes les catégories sont touchées.

Seul le vin bio tire son épingle du jeu (+2 %) porté par les cavistes. En Nouvelle-Aquitaine, même les grands crus commencent à se convertir. Après dix ans de croissance à deux chiffres, les ventes du secteur ont ainsi dévissé de 4,6 % en 2022, selon l’Agence bio, ramenées à 12 milliards d’euros. Un coup d’arrêt, succédant à un léger recul en 2021.

La France distancée en Europe

Même si elle reste le second marché du bio en Europe (derrière l’Allemagne), la France se fait peu à peu distancer par ses voisins. « Le plus inquiétant, c’est que la part du bio dans les paniers est passée de 6,5 % à 6 %, c’est-à-dire le même niveau qu’aux Etats-Unis, s’alarme Laure Verdeau, la directrice de l’Agence bio. C’est une perte de chance, alors qu’au Danemark, en Autriche ou au Luxembourg, c’est plus de 10 %. Si on atteignait demain ces scores, notre marché serait à plus de 30 milliards ».

La part du bio dans les paniers est passée de 6,5 % à 6 %, c’est-à-dire le même niveau qu’aux Etats-Unis

Les difficultés de pouvoir d’achat, l’inflation, la montée d’une offre locale, et la défiance vis-à-vis du bio expliquent cette panne brutale. Coté distribution, ce sont les magasins spécialisés, comme Naturalia ou Biocoop, qui ont le plus souffert, avec une chute de 8,6 % de leur chiffre d’affaires. Une partie de leurs clients reportant leurs achats sur des alternatives moins chères, comme les « sans pesticides ». La fermeture de 200 magasins (-5,3 %) a aussi joué.

Dans la grande distribution, principal débouché, le bio est en baisse de 4,6 %. Les distributeurs n’ont pas hésité à supprimer des références pour les remplacer par les marques de distributeur et les premiers prix, revendiquant des « armes anti-inflation ». En revanche le bio vendu à la ferme est lui en croissance (+3,9 %), avec un réseau de 26.000 fermes partout en France. « Il n’y a pas d’opposition entre le bio et le local, les Français font le choix des deux », estime la responsable de l’Agence.

1 % de bio dans les restaurants

Si des progrès ont été enregistrés hors domicile, on est loin du compte. Dans la restauration collective et commerciale, le bio a ainsi progressé de 17 % en 2022. Mais il pèse seulement 7 % des achats dans les cantines et 1 % dans les 170.000 restaurants. Loin de l’objectif fixé par la loi Egalim qui visait 20 % de bio dans les cantines…. en 2022.  Une perte potentielle de plus d’un milliard.

C’est surtout sur ce relais de croissance que parie désormais la filière pour se relancer, en réconciliant la consommation bio à la maison et hors domicile. « C’est la demande qui doit tirer l’offre. Il faut la modeler, insiste Laure Verdeau. Si on avait attendu un marché pour la voiture électrique, on roulerait encore au diesel. A nous de pousser dans tous les circuits ».

Cela doit passer par une politique volontariste. Le premier signal a été donné mi mai. Dans son plan d’aides de 60 millions d’euros, le ministre de l’agriculture Marc Fesneau, s’est engagé à ce que les cantines de l’Etat (ministères, prisons ou armées) atteignent 20 % de bio dans leur menu d’ici la fin de l’année. Un coup de pouce très attendu du secteur, même si l’aide est jugée insuffisante. Lait, viande, légumes estiment leurs pertes à plus de 150 millions d’euros sur la seule année 2022.

Chute historique des conversions

L’enjeu aujourd’hui est de maintenir ce tissu de fermes bios en France, qui a franchi le cap des 60.000. Car découragés, les candidats à l’installation sont de moins en moins nombreux. L’objectif français de la nouvelle PAC d’atteindre de 18 % de surface en bio en 2027, contre 10,7 % aujourd’hui (2,88 millions d’hectares) semble de plus en plus hors de portée. En 2022, les surfaces en première année de conversion ont chuté de 40 %. « On assiste à un ralentissement historique de la dynamique. Le gouvernement et tous les acteurs actifs dans le développement de l’agriculture biologique doivent réagir en urgence pour ne pas assister les bras croisés à l’enterrement de la transition agroécologique de la France » a alerté jeudi la Fédération nationale de l’agriculture biologique (FNAB).

« L’agriculture biologique est le laboratoire à ciel ouvert de ce que de ce que pourra être demain l’ensemble de l’agriculture », estime Loïc Guines, producteur de lait et président de l’agence bio. Et un secteur clef pour aider au renouvellement des générations alors qu’un agriculteur sur deux doit partir en retraite dans les dix ans.

Par Dominique Chapuis – A retrouver en cliquant sur Source

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