
Leclerc, la force des commerçants indépendants
L’enseigne est celle qui gagné le plus de parts de marché l’an passé, alors que les grands distributeurs intégrés en ont tous perdu.
En crise, les enseignes alimentaires? Dépassé, le modèle de l’hypermarché? Le diagnostic posé par nombre d’experts du secteur ne s’applique pas de la même façon à tous ses acteurs. Si Auchan, Carrefour et Casino souffrent, les groupements de commerçants indépendants, tous propriétaires de leur magasin, se portent bien. Depuis des années, ils grignotent des parts de marché à leurs rivaux intégrés.
Leclerc illustre le succès des indépendants, plus encore qu’Intermarché et Système U, qui gagnent eux aussi du terrain. Fin 2017, le groupement a dépassé Carrefour en termes de part de marché, selon l’institut Kantar. Il détient désormais 21,6 % du marché des produits de grande consommation contre 19,8 % son rival. Quand Leclerc a gagné 0,6 point en un an, Carrefour en a perdu 0,4.
L’indépendance n’est pas une martingale en soi. «Cela ne suffit pas à expliquer l’écart de croissance entre Leclerc et les autres groupements d’indépendants, souligne Michel-Édouard Leclerc. Un facteur clé de notre surperformance, c’est la constance de notre image prix. Leclerc est unique pour son offre permanente et pléthorique à prix bas sous une seule enseigne et quel que soit le format.»
Pour assurer des prix bas, les commerçants indépendants acceptent souvent de se contenter de marges plus faibles que celles réclamées par les actionnaires de groupes intégrés. Entrée en vigueur début 2019, la loi Egalim aurait pu défavoriser Leclerc. Au contraire, dans un marché atone, son chiffre d’affaires a progressé de 3 %, à 38 milliards d’euros.
Une croissance aux deux tiers organique, et pour un tiers liée aux agrandissements et ouvertures de magasins (le groupement a racheté 10 Géant Casino au second semestre). «C’est une croissance saine, estime Michel-Édouard Leclerc. Nos adhérents ont investi un milliard d’euros en cinq ans dans la rénovation de leurs magasins. Ils en tirent aujourd’hui les résultats.»
Leclerc mise toujours sur ses hypers, plus petits que ceux de Carrefour et Auchan, qui souffrent, et donc plus en phase avec les attentes des clients. Ses grandes surfaces, où Leclerc réalise 78,1 % de ses ventes (4,4 % dans les supermarchés et 0,8 % dans les supérettes), ont contribué à plus de la moitié de sa croissance.
Hypermarchés de taille plus modeste
Longtemps principal vecteur de croissance, ses drives n’ont apporté l’an passé que 18% des ventes supplémentaires de Leclerc. «La croissance structurelle des drives ralentit, confie Michel-Édouard Leclerc. Nous en avons déjà 700. La croissance est due à l’enrichissement de l’offre. Nous en avons sous le pied. Nos drives sont rentables, à l’inverse de ceux de certains rivaux.»
Les magasins spécialisés (Brico-Jardi, centres auto, parfumeries) tirent les ventes vers le haut. Si des rivaux se désengagent du non alimentaire, considérant la partie perdue face à l’e-commerce, Leclerc mise sur eux. «C’est un axe de différenciation, confie Michel-Édouard Leclerc. Nous tenons notre promesse de donner accès à nos clients à de nouvelles offres.»
Leclerc n’est pas seul à gagner des parts de marché dans un environnement morose. Outre Lidl, un groupe intégré qui s’est réinventé ces dernières années, les enseignes les plus performantes du secteur sont Intermarché et Système U, tous deux indépendants. Le premier détient 15,3 % du marché des produits de grande consommation, contre 14,9 % il y a deux ans. Et Système U, à 10,7 %, a gagné 0,3 point. Son chiffre d’affaires a crû de 2 % en 2019.
«Un ensemble de facteurs fait de ce modèle un avantage concurrentiel durable dans la distribution alimentaire», explique Yves Marin, associé chez Bartle. Le fait que les adhérents soient propriétaires de leur magasin leur permet de mieux connaître leurs clients, et les incite à investir pour valoriser leur outil de travail. «Nous ne nous sommes jamais coupés de nos clients, estime Dominique Schelcher, le PDG de Système U. Nous avons par exemple senti très tôt la demande des consommateurs pour les produits de PME locales.»
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Les groupes indépendants disposent d’un parc de magasins plus adapté à la demande des clients, qui délaissent les très grandes surfaces. Même Leclerc, dont le parc est surtout constitué d’hypers, propose à des surfaces moins vastes que Carrefour et Auchan. «Ce sont des petits hypers, de taille assez homogène, autour de 6 000 m2, un format qu’ils maîtrisent bien», constate Laurent Thoumine, directeur chez Accenture.
Leur structure de coût est aussi plus légère que les gros paquebots centralisés. «Chez Intermarché, nous consacrons deux jours par semaine à la gestion du groupe, explique Stéphane de Fontenay, adhérent du groupe Mousquetaire. Nous n’avons pas de grosse structure technocratique.»….
Enfin, quand Auchan, Carrefour et Casino sont partis à la conquête de marchés étrangers dans les années 1990 et 2000, les indépendants sont restés en France, investissant pour y grossir, sans disperser leurs forces. Utile dans les années fastes, cette focalisation sur l’Hexagone est vitale dans les périodes de crise.
Extrait de l’article de Marie Bartnik – Le Figaro. Cliquez sur source pour l’article complet