Née en Inde, elle incarnait le rêve américain et dirigeait le groupe, qu’elle a transformé, depuis douze ans. Elle sera remplacée par Ramon Laguarta.

Indra Nooyi a beau être habituée aux discours depuis son plus jeune âge, sa lettre de départ, après douze ans à la tête de PepsiCo, cache difficilement son émotion. Issue d’une famille modeste, elle a grandi en Inde jusqu’à ses 23 ans avant de partir étudier aux Etats-Unis, à Yale. Quand elle était enfant, sa mère lui demandait tous les jours, après le dîner, de donner un discours, comme si elle était première ministre. Des qualités d’oratrice qui vont notamment lui permettre, avec sa vision et sa connaissance du secteur, de gravir tous les échelons chez Pepsi.

« Aujourd’hui est un jour d’émotions contrastées pour moi, a-t-elle expliqué dans une déclaration officialisant son départ. Cette entreprise a été ma vie pendant près d’un quart de siècle et une partie de mon coeur restera ici pour toujours. Mais je suis fière de tout ce que nous avons fait pour mener PepsiCo au succès. »

Après  Coca-Cola , Mondelez ou encore Campbell, c’est donc un nouveau géant de l’agro-alimentaire américain qui va changer de tête. Indra Nooyi quittera son poste le 3 octobre, remplacée par l’actuel président, Ramon Laguarta.

Diversification

Selon des proches, Indra Nooyi aurait demandé au conseil d’administration de préparer sa succession il y a un an déjà. Elle achève ainsi un mandat de douze ans, une longévité exceptionnelle à ce niveau, alors que la moyenne des patrons du S & P 500 est de cinq ans.

Après des passages chez Johnson & Johnson et le Boston Consulting Group, elle était entrée chez PepsiCo en 1994. Elle passe alors de nombreux partenariats avec des enseignes de restauration rapide pour accroître la distribution et la visibilité des marques du groupe, puis supervise le rachat de Tropicana en 1998. En 2001, elle devient directrice financière avant d’être nommée PDG en 2006. Avec son départ, se réduit encore un peu plus la liste des femmes patronnes de grands groupes aux Etats-Unis. Elles sont à peine 25, sur les 500 plus grandes entreprises. Et les patrons issus de minorités sont encore moins nombreux.

Sous sa direction, Pepsi a augmenté ses revenus de 81 %, à 63,5 milliards de dollars l’an dernier, et son cours de Bourse de 149 % (contre 197 % pour Coca-Cola et 173 % en moyenne pour le S & P 500). Elle a surtout étendu le champ d’action du groupe, bien au-delà de son coeur de métier. Sentant les transformations du marché, elle a en effet mis en oeuvre une stratégie d’internationalisation et de  diversification vers des produits « healthy » , meilleurs pour la santé. Une stratégie également suivie depuis par les  autres groupes de soda .

Développement de la R & D

Dès 2008, PepsiCo prend ainsi une participation dans le fabricant américain de houmous Sabra puis, l’année suivante, rachète le producteur brésilien d’eau de coco Amacoco. En 2010, c’est le spécialiste russe des produits laitiers et des jus de fruit Wimm-Bill-Dann qui tombe dans son escarcelle. Indra Nooyi a aussi poussé pour développer la R & D du groupe, travaillant sur des plantes ou des baies méconnues, plébiscitées depuis par le public.

Durant son mandat, elle a aussi dû faire face aux pressions de l’activiste Nelson Peltz. Entre 2012 et 2016, le gérant du fonds Trian lui reprochait de négliger les marques historiques du groupe et souhaitait revoir la stratégie de diversification. Elle finira par s’imposer et Trian vendra sa participation dans le groupe. Face aux nouvelles difficultés, ces dernières années, elle avait envisagé de se séparer des activités de mise en bouteille et de conditionnement, voire de vendre certaines marques. Des points d’interrogation subsistent sur l’avenir de la filiale de conditionnement et de mise en bouteille.

Un successeur européen

Son successeur Ramon Laguarta, 54 ans, né à Barcelone, a gravi les échelons dans le groupe depuis son arrivée en 1996, en provenance de l’espagnol Chupa Chups. Il a notamment supervisé les activités européennes du groupe, avant d’être nommé numéro deux du groupe l’an dernier et de s’installer aux Etats-Unis.