La fréquentation des restaurants ne cesse de reculer aux Etats-Unis. Une évolution liée à un abandon de la pause-déjeuner, aux prix et à la volonté de manger plus sainement

L’économie américaine est au beau fixe, le pays est en situation de plein-emploi, le pouvoir d’achat augmente… Et pourtant, les restaurateurs ne sont pas à la fête. Cela fait désormais plus de trois ans que, mois après mois, l’affluence dans les restaurants décline. Selon le cabinet MillerPulse, elle s’est encore repliée de 1,5 % au troisième trimestre. Du jamais vu en période de croissance.

« La raison première, c’est la multitude de choix qui s’offrent au consommateur », affirme Bob Goldin, cofondateur du cabinet Pentallect. La principale concurrence des restaurateurs vient désormais des familles elles-mêmes. Les Américains redécouvrent les joies de la cuisine, par goût (les émissions de télévision de cuisine remportent un franc succès) ou par volonté de manger plus sainement.

Des livraisons de produits frais

Ils sont aidés en cela par le développement d’offres de livraison de produits frais. Hellofresh, par exemple, a livré l’équivalent de 22,4 millions de repas, en produits frais, lors du troisième trimestre, à 1 million de clients américains. Blue Apron , qui s’est introduit en Bourse à Wall Street l’an dernier, continue de toucher près de 650.000 foyers avec ses kits comprenant des produits et des recettes, malgré une légère érosion de ses ventes. Les grands distributeurs s’y mettent : Kroger a racheté l’un des acteurs du secteur, Home Chef, et Walmart vend les kits de Gobble.

Résultat : selon une étude de NPD Group, 82 % des repas sont aujourd’hui préparés à domicile. L’an dernier, un Américain moyen a pris 185 repas hors de chez lui, loin du pic de 216 atteint en 2000. Parmi les autres explications avancées : l’abandon de la pause-déjeuner chez les salariés, le boom du streaming, qui favoriserait les plateaux-télé ou même… les divisions politiques du pays, qui décourageraient certains de sortir entre amis !

Le facteur prix

Les indépendants s’en sortent un peu mieux que les chaînes, de fast-food notamment, qui masquent leur perte de popularité par des hausses de prix qui leur ont permis jusqu’ici de continuer à générer de la croissance.

Pour combien de temps ? Le prix reste l’un des facteurs dissuasifs pour le grand public. « C’est l’une des variables d’ajustement, confirme Bob Goldin. L’écart de prix entre la restauration à l’extérieur et les supermarchés s’est accru ces dernières années. De nombreuses familles ne peuvent plus se permettre d’aller au restaurant. » Certains commencent donc à mener des promotions agressives. L’équilibre est précaire, d’autant que le secteur a de plus en plus de mal à recruter, sur un marché de l’emploi tendu.

Modèles alternatifs

Les restaurateurs développent aussi leur présence en ligne et la livraison. « C’est le sujet qui occupe tout le monde en ce moment, ajoute Bob Goldin. Cela génère de l’activité supplémentaire, même si les marges y sont moindres, car les commissions des applications tierces peuvent être élevées, jusqu’à 30 % du prix parfois. »

Certains explorent enfin des modèles alternatifs. La chaîne de restauration rapide Chick-fil-A a ainsi lancé un test à Atlanta. Ses clients peuvent retirer dans leurs points de vente des kits à préparer eux-mêmes, à la maison. Le prix est nettement moins élevé qu’en restaurant. D’autres réfléchiraient à faire de même.