Hanoi vend ses parts dans les deux grandes brasseries du pays. Une opération à plusieurs milliards qui aiguise l’appétit des grands du secteur.

« Le prochain champ de bataille clef pour les industriels de la bière. » C’est ainsi que le cabinet Euromonitor International qualifie le Vietnam dans un rapport publié ce mois-ci. Le gouvernement s’apprête à y vendre ses parts majoritaires dans deux institutions : la Saigon Beer – Alcohol – Beverage Corp. (Sabeco), qui produit notamment la Saigon et la 333 (dont le nom vient de la 33 Export française). Et la Hanoi Beer – Alcohol & Beverage Corp. (Habeco) qui produit la Hanoi. Trois marques qui représentent près de 43 % des ventes de liquide ambré dans le pays.

L’exécutif avait annoncé l’année dernière son intention de privatiser ces brasseurs, dont il détient respectivement 89,59 % pour Sabeco et 82 % pour Habeco. Les deux sociétés, introduites en Bourse l’an passé, devaient présenter leurs plans de cession au ministre de l’Industrie avant lundi, afin que « la vente des parts de l’Etat dans les deux brasseurs soit faite cette année », avait précisé le 14 juillet le directeur général du département des industries légères, Bui Truong Thang.

Les deux groupes totalisent 57 % des parts de marché dans le pays et l’opération aiguise l’appétit des grands du secteur. « Le Vietnam est un marché très attractif, qui a connu une croissance annuelle de près de 11 % en volume ces dix dernières années et pour lequel on prévoit une croissance de 4 % dans les prochaines années », explique Nikolaas Faes, analyste chez Bryan, Garnier & Co.

Culture de consommation de rue

Les Vietnamiens ont consommé près de 3,6 millions de litres de bière en 2016, et celle-ci devrait atteindre 4,7 millions à l’horizon 2021, la plus forte croissance attendue en Asie sur la période, portée notamment par « une forte culture de consommation de rue et une urbanisation rapide », note Euromonitor. Plus que la consommation globale, la consommation par habitant y est très importante : 42 litres par an, contre 17 dans le reste de l’Asie et 30 en France. « Et ce, alors qu’une pinte équivaut en moyenne à une heure et demie de travail pour un Vietnamien, contre neuf minutes en France », note Nikolaas Faes.

Une douzaine de sociétés auraient déjà signalé leur intérêt pour Sabeco. Parmi elles, des géants comme AB InBev, Asahi ou Heineken. Le groupe néerlandais représente déjà près de 23 % du marché vietnamien, via son joint-venture Vietnam Brewery Ltd. ouvert en 1991. En plus de la Heineken, il commercialise la Tiger, la troisième bière la plus vendue dans le pays. Le danois Carlsberg exploite, lui, deux marques bon marché, Halida et Huda, détenant 8 % de part de marché. Il possède surtout 17 % des parts d’Habeco, « ce qui lui donne un droit de préemption sur les parts vendues par le gouvernement », explique Nikolaas Faes. « Carlsberg va vouloir augmenter son pourcentage dans Habeco », confirme Anna Zyniewicz, analyste chez AlphaValue.

Quant à Sabeco, « tout va se jouer sur le prix de vente », ajoute-t-elle. Si celui-ci est trop élevé, il pourrait décourager des acteurs déjà bien installés, comme Heineken, et favoriser au contraire des entrants, comme AB InBev, qui représente moins de 1 % des ventes dans le pays. Estimé à 1,8 milliard de dollars l’année dernière par le gouvernement, mais considéré comme largement sous-évalué, le prix de vente de Sabeco pourrait en réalité approcher les 3,6 milliards, selon Bryan, Garnier & Co.