Les géants des frites s’affrontent sur le sol français
Les industriels de la frite sont de plus en plus nombreux à parier sur la production en France. Des Belges et le géant canadien McCain rivalisent d’investissements dans l’Hexagone, numéro un mondial de l’exportation de pommes de terre mais déficitaire en frites.
C’est le paradoxe des « French Fries ». Leader mondial de l’exportation de pommes de terre, la France importe ses frites de Belgique et des Pays-Bas. En clair, l’Hexagone envoie dans ces deux pays ses tubercules pour les faire transformer en allumettes et autres « potatoes ». Mais les choses sont depuis peu en train de changer.
La toute récente acquisition de la sucrerie de Tereos à Escaudoeuvres (Nord) par le groupe familial flamand Agristo pour bâtir une très grande usine de frites d’une capacité de 300.000 tonnes en est une brillante illustration. Elle montre, après d’autres acquisitions ou constructions ces trois dernières années, que les industriels belges du secteur sont de plus en plus nombreux à investir en France, multipliant les capacités de production et les constructions d’usines sur le territoire national. Un nouveau combat s’annonce sur le ring tricolore entre le champion canadien du secteur McCain et les spécialistes belges.
Des frites belges
En 2022, la France a produit près de 7 millions de tonnes de pommes de terre mais n’en a transformé qu’un peu moins de 1,5 million. Une petite moitié (soit 3 millions de tonnes) de la production a été exportée, dont 1,6 million de tonnes essentiellement à destination de l’industrie de la frite en Belgique et aux Pays-Bas. Le reste des volumes exportés est destiné à la consommation de pommes de terre fraiches.
Au cours des cinquante dernières années, la consommation de pommes de terre fraîches en France s’est considérablement rétractée, reculant de moitié, tandis que la consommation de pommes de terre transformées a progressé.
Aujourd’hui, « les Français mangent 32 kilos de pommes de terre sous forme de frites, purée, pommes sautées surgelées et chips, contre 19 kilos en frais », indique Bertrand Ouillon, délégué du Groupement Interprofessionnel pour la Valorisation de la Pomme de Terre (GIPT). Ce qui explique assez largement l’intérêt des grands groupes internationaux de frites surgelées pour le marché tricolore.
McCain fournit 1 frite sur trois
Le leader mondial, le canadien McCain, a été le premier à s’implanter en France il y a presque quarante ans. Il y exploite aujourd’hui trois usines et fournit plus d’une frite surgelée sur trois au marché national. Le groupe familial canadien, dont le chiffre d’affaires total s’est établi à 7,5 milliards d’euros en 2022, n’a pas l’intention de céder sa place aux nouveaux arrivants belges. Pas plus à Agristo, qui veut investir 350 millions à Escaudoeuvres qu’à Ecofrost, qui a racheté le site de Flodor près d’Amiens pour y faire une nouvelle unité de frites surgelées ou à Clarebout à Dunkerque .
Pour tenir la concurrence à distance, McCain a investi 125 millions d’euros dans ses trois usines françaises au cours des cinq années écoulées pour les moderniser et en accroître la productivité, et le groupe promet de poursuivre « un effort significatif » d’ici à 2026 dans ce sens.
« Le marché est en croissance. Nous adaptons nos capacités », commente Julien Tomei, le vice-président de McCain Europe. « Nous fournissons le marché local ainsi que le sud de l’UE depuis nos sites français ».
Le paradis de la pomme de terre
La France est « un gros marché » et constitue à ce titre « une priorité » pour le canadien, qui y contrôle un tiers des ventes de frites surgelées. La restauration absorbe 65 % de la production de pommes de terre, essentiellement sous forme de frites », précise encore Julien Tomei. Le Covid a encore accru le dynamisme du marché des frites hors domicile.
La qualité et la diversité des variétés cultivées en France attirent les industriels. « C’est un bassin agricole particulièrement intéressant », selon Julien Tomei. Il recouvre 150.000 hectares ce qui en fait, selon les années, le premier ou le deuxième producteur en Europe au coude à coude avec l’Allemagne. « Le sol est bon. Le climat aussi. Le terroir est vaste, ce qui permet de répartir le risque avec plus d’efficacité qu’en Belgique où la production est très concentrée », ajoute Maxence Turbant, le directeur agricole de McCain en France.
Les frites fraîches, une production qui reste confidentielle
Le marché de la frite est largement dominé par le surgelé. Les frites fraîches prêtes à cuire sont une production marginale même si beaucoup de petites industries de transformation, souvent à la ferme, les proposent : les Frites de Mathieu, la Frite qui plé, Fraich’Pom, Saveurs Frites… Pom’Lorette, indique le GIPT, est la seule entreprise à transformer plus de 1.000 tonnes de pommes de terre par mois.
Par Marie-Josée Cougard – A retrouver en cliquant sur Source
Source : Les géants des frites s’affrontent sur le sol français