Les nouvelles recettes de McDonald’s France

Après avoir adapté le concept planétaire de fast-food, la branche française du géant américain veut doper sa croissance grâce au digital, l’élargissement de son offre et… la RSE.

 

0601353465766_web_tete.jpg

Prochainement ouvert, le nouveau restaurant McDonald’s de la zone d’activités La Croix Blanche de Sainte-Geneviève-des-Bois (91) illustre la densification toujours plus forte du réseau en France. McDo s’installe dans des lieux que la direction ne pensait pas couvrir il y a vingt ans.

La branche française du géant de la restauration rapide est de loin le premier acteur de la restauration commerciale tricolore avec un volume d’affaires de 5,1 milliards d’euros en 2018 pour près de 1.500 établissements. Si son histoire officielle commence en septembre 1979, avec une première ouverture à Strasbourg, il s’agissait plutôt pour elle d’un retour au pays présumé de la gastronomie.

En effet, le roi du burger, dont l’unité originelle des frères Richard et Maurice McDonald date de 1937, et la première en dehors des Etats-Unis, de 1967 (au Canada), a fait ses premiers pas en France dès 1972, à l’initiative d’un franchisé, Raymond Dayan. Pour ce faire, l’homme d’affaires avait dû vaincre les doutes de la direction américaine et avait vu juste. Au bout de quelques années, il était à la tête d’un miniréseau rentable et suscitait la convoitise de… la maison mère ! Son succès vira au bras de fer, et le pionnier visionnaire se vit finalement retirer sa franchise au motif d’un manque d’hygiène. McDo ne tarda pas à partir à la conquête de l’Hexagone.

Quarante ans plus tard, l’enseigne n’a jamais aussi bien réussi qu’en France et conserve son rang de deuxième pays du groupe en termes de ventes et de contribution au résultat d’exploitation. McDo France se distingue, entre autres, par le ticket moyen le plus élevé (environ 7,80 euros). Si  l’établissement des Champs-Elysées n’est plus le premier de la planète par son chiffre d’affaires, victime de son exposition – menace terroriste, mouvement des « gilets jaunes » -, la palme revient tout de même à celui de Disneyland Paris.

Consolidation

« Nous consolidons notre position au sein du groupe, parce que nous innovons », souligne le PDG de McDonald’s France, Nawfal Trabelsi, à sa tête depuis juillet 2015 et dans l’entreprise depuis mars 2000, avant d’ajouter : « Les clients ne sont jamais autant venus chez nous et notre part de marché a même augmenté. » Celle-ci s’élèverait à 13,2 % de l’ensemble des solutions de restauration hors domicile d’un prix moyen inférieur à 20 euros.

Lorsque Nawfal Trabelsi prend les commandes de la société en 2015, le contexte est morose. A une conjoncture et un tourisme international en berne, s’ajoute une concurrence ravivée par le retour en force de Burger King, avec Groupe Bertrand – franchisé exclusif – à la manoeuvre.  Celui-ci ne tarda pas d’ailleurs à croquer Quick , l’historique concurrent numéro un. Le segment du burger est alors d’autant plus agité qu’émergent des offres « premium » avec des enseignes telles Big Fernand, tandis que Five Guys, autre américain, s’apprête à débarquer. Surtout, le produit devient un phénomène de société, et se généralise à l’ensemble de la restauration. En parallèle, KFC et Subway, deux autres acteurs américains du fast-food, poussent aussi les feux. Bref, McDo France va devoir s’adapter, une fois de plus.

Sa continuité dans son management et sa capacité à promouvoir les talents internes vont l’y aider, ainsi que l’expertise marketing de ses patrons. Ingénieur de formation, passé par Procter & Gamble et Disneyland Paris, Nawfal Trabelsi a eu la haute main sur cette partie stratégique de la société avant de succéder à Jean-Pierre Petit, une « pointure » venue de la pub, qui faisait partie du tout premier cercle de Denis Hennequin, l’emblématique « boss » de la période fort animée 1996-2004. C’est à lui en effet que revint de gérer les deux crises « existentielles » de la société : la crise de « la vache folle » et le débat général sur la « malbouffe », dont l’apogée fut le saccage à l’été 1999 d’un McDo en construction à Millau. Ces deux chocs majeurs redynamisèrent in fine l’entreprise : « Indubitablement, José Bové nous a rendu service. Il nous a obligés à réfléchir sur notre positionnement, sur notre histoire, à sortir du bois », reconnaît Denis Hennequin, qui deviendra le premier non-Américain président de McDo Europe.

Francisation

Les années 1980-90 avaient été celles de l’installation et du déploiement d’un concept nord-américain, les années 2000 ont été celles de sa francisation, avec la mise en avant des approvisionnements locaux, l’installation de l’enseigne au Salon mondial de l’agriculture (SMA), la rupture avec la standardisation – architecture, décoration – des restaurants, et élargissement de l’offre : salades, fruits à croquer, yaourts… Plus récemment, en 2012, le lancement du McBaguette a conforté le McDo « Remade in France ». Et entre-temps, l’entreprise a mis en place le service à table, et comme sa maison mère s’est positionnée sur le segment des « coffee shops » face à Starbucks avec le McCafé (2007).

Restait à Nawfal Trabelsi à renforcer le mouvement et surtout mettre le paquet sur la  numérisation du service, amorcée en 2013 avec le déploiement des bornes dans les restaurants et la commande en ligne. Une nouvelle étape est franchie, à partir de 2017, avec  la livraison à domicile , en partenariat avec Uber Eats et Stuart. Pour le PDG, l’application mobile, aujourd’hui téléchargée par 13 millions de personnes, « ouvre un champ gigantesque en termes de transformation ». En substance, la chaîne va vers plus de « personnalisation » et le client a désormais à sa disposition quatre façons de consommer : service à table, « drive », menus à emporter, ou livraison. Si cette dernière démarre sur les chapeaux de roues, l’entreprise ne craint pas la cannibalisation : elle rappelle que l’introduction du « Drive » en 1986 et qui génère aujourd’hui 45 % de l’activité, a montré qu’elle savait maîtriser ce genre de risque.

Changement de modèle

La nouvelle société n’est pas seulement numérique, elle est aussi bio, voire vegan, affirme son PDG, qui veut son entreprise « moderne, populaire, utile ». Si son « coeur de métier » reste « le burger à base de viande », il multiplie les initiatives. Vive  le Grand Veggie , un hamburger aux légumes ! Cette année, un accord avec Fermiers de Loué vise à mitonner un burger à base d’oeufs. Pour les petits pains, on parle blé en « culture raisonnée contrôlée » et pour les glaces, de lait biologique. La tendance est à la « contractualisation » avec le monde agricole pour la création de filières. « L’entreprise doit trouver l’intersection entre la valeur ajoutée sociétale et la valeur ajoutée de son business model », insiste le PDG de McDo France, qui se veut aussi exemplaire sur le plan environnemental. La société promet notamment la disparition de « 60 % des plastiques d’ici la fin de l’année », exit pailles et couvercles des boissons et des bols à salade.

Tout comme le café, la salade reste d’ailleurs une voie de développement avec le développement du « salad bar ». Dans un contexte de concurrence tous azimuts, ce sujet n’est pas anecdotique, alors que McDo France réalise déjà 20 % de ses ventes en dehors du burger. La question est désormais de savoir si on peut être généraliste et fort partout. La vraie bataille de McDo risque fort d’être dans le bon goût…

Source : Les nouvelles recettes de McDonald’s France | Les Echos