«Nous aurons les moyens de nos ambitions» : le plan du leader mondial des spiritueux Diageo pour détrôner Pernod Ricard en France

DÉCRYPTAGE – Secoué par les tensions géopolitiques mondiales, le propriétaire de Guinness, Baileys et Johnnie Walker, tente de rattraper son retard sur l’un des grands marchés européens dominé par Pernod Ricard.

Dix-huit mois après avoir repris en direct la distribution de ses marques en France, assurée jusque-là par MHD en coentreprise avec LVMH, Diageo veut y accélérer son offensive. Et le leader mondial des spiritueux (17,2 milliards d’euros de chiffre d’affaires), connu pour son whisky Johnnie Walker, son gin Tanqueray, sa bière Guinness ou sa tequila de luxe Don Julio, affûte sa force de frappe en nommant Michael Holm, déjà directeur commercial pour l’Europe, à la tête de sa filiale française créée en début d’année.

Premier marché en Europe pour le whisky et parmi les plus gros pour les spiritueux sur le Vieux Continent, l’Hexagone est largement dominé par Pernod Ricard. Sur ses terres d’origine, le géant français contrôle un cinquième du marché, contre 8 % pour Diageo. La France reste encore en dehors du top 5 du britannique en EuropeUn trou dans la raquette que Diageo veut combler, au moment où les vastes marchés américains et chinois sont pénalisés par des barrières douanières

« L’objectif est de dédier plus de ressources et d’attention à la France, qui est un gros marché sur lequel nous sommes en retard », explique Michael Holm, qui vise 12 % de part de marché d’ici à 2030, « voire avant ». Jusque-là, le groupe avait lancé une quarantaine de marques de son portefeuille. Elle compte élargir encore ses références, notamment en réintégrant la distribution de la célèbre bière Guinness, qui connaît au niveau mondial des taux de croissance à deux chiffres.

Accélération sur le sans-alcool

En France, « nos priorités vont sur le whisky, le rhum, la vodka, la tequila et les liqueurs », précise toutefois le directeur général, qui prend ses fonctions ce mercredi. Au-delà du nombre de marques, le groupe affine sa stratégie sur un marché des spiritueux en pleine mutation. Il n’avait ainsi pas fait mystère de sa déception sur le choix de son ancien distributeur MHD de délaisser le sans-alcool. Diageo a lancé récemment des versions zéro degré d’alcool de ses gins Tanqueray et de ses bières Guinness, ou encore de son rhum Captain Morgan. Sur les premiers, la version 0.0 pèse déjà près de 20 % des ventes. « La modération est aujourd’hui une des tendances majeures de long terme, notamment chez la génération Z, explique le dirigeant. La priorité est d’être bien plus centré sur le consommateur, ce qui nous a manqué ces dernières années. »

Secoués par les tensions géopolitiques mondiales et par les tendances à la déconsommation d’alcool, les géants des spiritueux doivent en plus composer avec les tensions sur le pouvoir d’achat, toujours présentes dans les économies développées. Diageo mise ainsi un peu moins sur ses marques de luxe, en France comme ailleurs dans le monde. Le but : se concentrer sur ses marques historiques premium ou cœur de gamme, comme son gin Gordon’s ou son rhum Captain Morgan. « La montée en gamme sur le marché des spiritueux a ralenti ces derniers mois, donc nous nous adaptons, notamment en nous concentrant sur l’expérience autour de nos marques », détaille Michael Holm.

En France, le groupe s’appuie par exemple sur les barmans pour s’implanter plus franchement dans les bars, restaurants et boîtes de nuit, qui ne pèsent aujourd’hui qu’environ 30 % de son activité dans le pays. Diageo relancera ainsi son concours annuel pour récompenser le meilleur « bar tender » français, chargé ensuite de représenter l’Hexagone lors de la finale de son concours mondial World ClassFace au poids lourd Pernod Ricard, « nous devons jouer sur des terrains différents, notamment sur l’innovation ou sur l’expérience », résume le directeur général.  

Embauches en France

Seule exception à cette modération sur la montée en gamme : ses tequilas de prestige Casamigos et Don Julio, « qui ont un potentiel très important, alors que la pénétration de cet alcool reste plus faible en Europe qu’aux États-Unis », insiste Michael Holm. Dans les magasins, le groupe compte aussi améliorer la visibilité de ses marques, en travaillant avec davantage de distributeurs fournissant les cavistes et les supermarchés.

Ce travail de fond sera mené dans un contexte contraint pour le groupe, qui a augmenté cet été de 500 à 625 millions de dollars (630 millions d’euros) son objectif d’économies à trois ans. Notamment pour absorber au moins en partie l’impact de la hausse des droits de douane imposés par Donald Trump, sur ses bouteilles expédiées outre-Atlantique. Celui-ci a été chiffré autour de 200 millions de dollars. « La France étant en tête des priorités, nous aurons les moyens de nos ambitions », assure Michael Holm, qui devrait voir gonfler encore significativement ses équipes françaises, actuellement d’une centaine de personnes.

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