Il fait partie de cette nouvelle génération d’entrepreneurs français, à l’image de Frédéric Jousset (Webhelp) ou Philippe Benacin (Interparfums), ceux pour qui le monde n’a pas de limite. Après la France, il veut conquérir l’Espagne et l’Italie.
Certains l’appellent le « Bernard Arnault » de la restauration. Même s’il n’a pas daigné reprendre la chaîne historique de grill à la française « Courtepaille », récemment mise en vente, et finalement acquise par le groupe angevin de la famille Baudaire « La Boucherie » ; il n’en demeure pas moins qu’Olivier Bertrand détonne, à 54 ans, dans le petit monde feutré du capitalisme tricolore. Sa discrétion personnelle semble être inversement proportionnelle à l’ampleur de l’empire qu’il est en train de bâtir. Avec une croissance record de 30 % par an et quelques 130 nouvelles ouvertures annuelles, le groupe Bertrand pèse 2,7 milliards d’euros de chiffre d’affaires avec 1200 restaurants, est devenu l’incontestable premier acteur français de la restauration sous enseignes (Hippopotamus, Léon, Au Bureau, Angelina, Maison Pllisson…) ou traditionnelle (Lipp, la Coupole, la Lorraine, Bofinger…).
Un palmarès impressionnant pour un entrepreneur de 54 ans, originaire du Cantal, parti de zéro, et qui ne rechigne pas à se frotter frontalement aux géants américains de la restauration rapide à l’instar de « Mc Donald ». Ainsi, quand « Burger King » a été mis sur le marché en 2013, notre Auvergnat bon teint n’a pas hésité un instant à le reprendre en s’associant au fonds Bridgepoint qui conserve toujours 40 % du capital. Le développement se fit au pas de charge et « Burger King » va bientôt atteindre les 500 franchisés. En se projetant avec une marque et des perspectives de développement dignes d’une enseigne aux dimensions mondiales, il bouscule au passage la réputation de prudence propre aux originaires du Massif-Central. Réputation usurpée si on se réfère aux épopées industrielles des Legrand (à Limoges) Michelin, Limagrain (Clermont-Ferrand), sans parler de Bernardaud, Bouygues voire Carbios (recyclage plastique) ou Ligier. Bon sang ne saurait mentir ! Olivier Bertrand est bien parti pour égaler un autre sacré entrepreneur, le Breton Louis Le Duff, menhir de la « Brioche Dorée » qui, malgré le refus administratif de créer une usine « Bridor » de 500 salariés près de Rennes, (on est chez les fous !), continue sa formidable marche en avant, contrôlant à lui tout seul un groupe de restauration-boulangerie (Brioche Dorée, Del Arte, le Fournil de Pierre …) de 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires, qui réussit à doubler ses ventes tous les cinq ans !
Olivier Bertrand a la restauration dans le sang. Lui qui a démarré en 1997 avec une simple pizzeria de quartier, n’a fait ensuite que croître. Rachetant année après année de nombreux fonds de commerce, il a pris appui sur l’effet de levier des crédits bancaires garantis par la valeur des fonds. Une montée en puissance assez classique telle que peut la mettre en œuvre tout commerçant de talent. Un peu à l’image de ce qu’a fait récemment l’homme d’affaires bordelais Michel Ohayon à une autre échelle avec le rachat successif de grosses enseignes (Gap, Go Sport ou Camaïeu). Enseignes qu’il n’a pas été capable de redresser de l’intérieur contrairement à un Olivier Bertrand, qui reste un financier mais d’abord et surtout un homme de métier. Michel Ohayon, 62 ans, le PDG d’« Hermione People & Brands » qui vient juste de revendre à un fonds, FNB Private Equity, les cafés « Légal » (60 millions d’euros de chiffre d’affaires) au Havre, toujours propriétaire du « Trianon Palace » à Versailles, du Grand Hôtel de Bordeaux et d’un grand cru de Saint-Emilion, se serait contenté d’administrer et de plus loin. D’où des résultats différents : l’un redressait les affaires et l’autre moins.
L’atout d’Olivier Bertrand est d’avoir toujours su coller à la nouvelle donne des marchés et des clients. Il aurait pu à l’image de l’entrepreneur bordelais Marc Vanhove des « Bistro Régent » (150 établissements) rester concentré sur une seule enseigne. C’était mal connaître notre flibustier de la restauration, grand chasseur devant l’éternel (en Sologne). Bertrand a vite flairé que la volatilité des marchés et du goût changeant des consommateurs devait toujours le pousser à diversifier davantage les offres afin justement de ne pas trop dépendre de telle ou telle formule. Se souvenir des déboires de la chaîne spécialisée en cuisine japonaise « Planet Sushi » (47 restaurants) placée récemment en liquidation judiciaire.
En disposant d’un nombre incroyable d’enseignes diversifiées, le groupe Bertrand est désormais capable d’implanter en une fois et sur une seule zone un vaste centre commercial multi-restaurants franchisés à lui tout seul. Une offre qu’il entend promouvoir en Europe très vite dans les zones commerciales. « Aujourd’hui, nous sommes franco-français et souhaitons aller à l’international avec des marques adaptées à la franchise. Nous regardons des marchés proches des nôtres comme l’Italie ou l’Espagne qui sont en train de s’organiser sur la restauration chaînée. Quitte à le faire avec des opérateurs locaux », déclare-t-il aux Échos (21/07/2023).
Une restauration en mouvement, prenant en compte les nouveaux goûts à la mode. Le groupe qui a acquis la chaîne de fast-food asiatique « Pitaya » ou l’enseigne britannique d’inspiration japonaise « Itsu », pourrait également lancer prochainement une enseigne de restauration rapide de poulets à la française, concurrente de l’américain KFC. Il pourrait aussi être tenté de racheter une enseigne de « cuisine naturelle », segment où il est absent, à l’image du succès du réseau indépendant « Cojean ».
Sans oublier d’investir et de moderniser ses enseignes phares comme « Hippopotamus » ou « Léon » (brasseries poisson), concurrente de la petite chaîne parisienne « Vin et Marée » du Parisien Pierre Cassagne, qui obtient des scores spectaculaires de 30 % de progression depuis qu’ils ont été rénovés.
La restauration traditionnelle n’est pas oubliée. Les enseignes historiques françaises de renom (Lipp, La Coupole) regroupées au sein de la branche « Hospitalité » continuent leur petit bonhomme de chemin. Même si Olivier Bertrand ne croit pas trop à un essaimage hors-frontière de ce type de classiques comme tente de le faire la brasserie mythique germano-pratine des « Deux Magots ». Seuls, les salons de thé « Angelina » seront développés à l’étranger pour surfer sur le boum actuel de la pâtisserie à la française avec l’offensive à l’international des Ladurée, Pierre Hermé, Michalak voire Éric Kayser.
Ce qui ne l’empêche pas de lorgner sur l’hôtellerie de luxe, un marché jugé complémentaire. Olivier Bertrand a acquis récemment deux établissements « Relais & Châteaux » à Paris, le Saint-James et le Château des Fleurs. Ce qui ne devrait pas déplaire à Laurent Gardinier, le nouveau président de la chaîne et également grand restaurateur avec Taillevent, Drouant, Les Crayeres ou le Comptoir du Caviar.
Sans tambour ni trompette, Olivier Bertrand réussit et dénote sur un secteur hyper concurrentiel en restant concentré sur son métier tout en affichant une ambition mondiale. Cela met l’eau à la bouche !
Par Robert Lafont – A retrouver en cliquant sur Source
Source : Olivier Bertrand, l’Auvergnat qui défie les Américains