Les rénovations et les projets neufs se multiplient. Alors que sa vitalité ne se dément pas, le secteur, très capitalistique, n’est pas sans risque.

La récente annonce par Disney d’un programme pluriannuel d’investissements de 2 milliards d’euros à Disneyland Paris est emblématique de la vitalité des parcs de loisirs français. A l’heure où le géant américain renforce toujours plus la première destination touristique européenne, à l’heure aussi où la saison 2018 est lancée pour la plupart des sites tricolores, le secteur connaît en effet, de l’aveu des professionnels, un bouillonnement sans précédent de projets.

Une douzaine d’opérations

« Je n’ai jamais vu cela ! », s’exclame ainsi Sophie Huberson, la déléguée générale du Syndicat national des espaces de loisirs, d’attractions et culturels (Snelac), lequel réunit près de 500 entreprises (parcs d’attractions, parcs aquatiques ou animaliers, parcs à thème ou à vocation scientifique, musées et châteaux privés, sites culturels et sites naturels). A ce jour, constate-t-elle, il y aurait une douzaine d’opérations en cours ou envisagées, de type rénovation lourde ou réalisation nouvelle.

Dans la première catégorie, on peut mentionner la , une institution parisienne (son ouverture remonte à octobre 1860), qui, après huit mois de travaux, sera à nouveau accessible au public à compter du 1er mai. Son « coup de jeune » donne lieu à une association entre le groupe de luxe LVMH (par ailleurs propriétaire des « Echos »), qui détient la concession de la Ville de Paris depuis 1984 et a enrichi le site avec la réalisation de la Fondation Vuitton, et Compagnie des Alpes (CDA), le champion français des parcs de loisirs (Astérix, Futuroscope, Walibi Rhône-Alpes…). Ce duo a constitué une société commune d’exploitation (80 % et 20 % respectivement), bénéficiaire d’une nouvelle concession à échéance 2041. Cette rénovation du parc de l’Ouest parisien implique 60 millions d’euros d’investissements, dont 33 millions dans le réaménagement du jardin et 27 millions dans son offre d’attractions.

Gros dossiers

Parmi les nouveaux projets s’annonce dans le Calaisis à l’horizon 2020, Heroic Land (six univers d’aventure), chiffré à 275 millions d’euros. Le budget global du Parc Napoléon de Montereau est, lui, estimé à 245 millions d’euros, son ouverture étant visée pour 2023. La même année pourrait voir le jour, près de Chartres, Graals Ecoparc, un parc d’attractions médiéval dont le coût est évalué à 175 millions. Sans parler d’ EuropaCity et sa facture de 3,1 milliards d’euros. Les vicissitudes du mégaprojet nord-francilien, porté par le duo franco-chinois Immochan-Wanda, montrent toutefois que l’univers des parcs de loisirs est loin d’être un long fleuve tranquille.

« Beaucoup de projets me laissent sceptiques »

Arnaud Bennet, président du Snelac

« Le secteur attire les collectivités locales, pour lesquelles les parcs peuvent être des locomotives, et de possibles investisseurs qui constatent sa dynamique et sa rentabilité. Mais, attention aux gouffres financiers ! Les études sont toujours fausses », souligne, à ce propos, le président du Snelac, Arnaud Bennet, par ailleurs dirigeant du parc d’attractions et animalier Le Pal, dans l’Allier. « Beaucoup de projets me laissent sceptiques », ajoute-t-il. Une analyse que partage le directeur général associé du cabinet spécialisé Protourisme, Didier Arino : « On fantasme sur la réussite de certains parcs et on oublie tous ceux qui se sont plantés, comme Mirapolis ou Bioscope, et ceux qui sont portés à bout de bras par les collectivités locales. Le parc de loisirs, c’est un métier. L’équilibre économique se fait au bout de 15-20 ans », commente-t-il, et de souligner que « c’est un marché où l’offre crée la demande ». Et le secteur est d’autant plus capitalistique que l’hôtellerie, qui modifie l’économie des parcs en faisant de véritables destinations touristiques, s’y développe. Ce modèle développé à Disneyland Paris, décliné aussi au  Puy du Fou , fait, indubitablement des émules.

A titre d’exemple, CDA prévoit d’investir au moins 100 millions d’euros à Parc Astérix sur la période 2016-2019, dont 55 millions dans l’accroissement de ses capacités hôtelières avec deux établissements à thème (La Cité Suspendue, Les Quais de Lutèce). De même, après avoir fait bâtir 31 lodges avec vue sur les animaux – un « carton » commercial -, Arnaud Bennet envisage désormais l’implantation d’un hôtel au Pal, à l’horizon 2021. L’établissement, qui aurait une soixantaine de chambres et une thématique africaine, représenterait un investissement d’environ la moitié du chiffre d’affaires 2017 du parc (20,4 millions d’euros hors taxes, +10 %). Conjuguées à l’embellissement du complexe, les premières unités d’hébergement ont d’ores et déjà élargi la zone de chalandise du Pal et tiré sa fréquentation. Pour la première fois, le nombre de visiteurs a dépassé les 600.000 l’an dernier. Un autre symbole de la dynamique sectorielle.

Passage de témoin au Futuroscope

Emblématique président du directoire du Futuroscope depuis novembre 2002 – et son sauvetage alors par les collectivités locales -, Dominique Hummel, 64 ans, tire sa révérence. A compter du 1er avril, l’homme du redressement puis de la croissance quasi ininterrompue du parc à thème poitevin aura en effet passé le témoin à son numéro deux, Rodolphe Bouin. L’actuel directeur général adjoint et directeur des opérations du Futuroscope, qui sera nommé à sa tête par le conseil de surveillance le 14 mars, y a de facto fait toute sa carrière. Alors qu’il s’apprête à fêter ses 41 ans, il lui revient d’orchestrer un nouveau cycle de développement. « Si on veut continuer d’alimenter la croissance du parc, il faut se poser de nouvelles questions », observe Dominique Hummel. De fait, la réflexion sur un éventuel parc est lancée, tout comme à propos de l’international, dans un contexte pour le moins porteur.

Le Futuroscope a bouclé son dernier exercice sur un chiffre d’affaires sans précédent de 108 millions d’euros, pour une fréquentation quasi record avec 2 millions de visiteurs. Sa rentabilité opérationnelle est également inédite avec un excédent brut d’exploitation d’environ 20 millions.