Le donut est cité par 12% des consommateurs lorsqu'on leur demande leurs produits de snacking sucré préférés, et même 24% chez la génération Z.Petit goût des États-Unis, instagrammable… Comment le donut est en train de conquérir les Français

Le donut est cité par 12% des consommateurs lorsqu’on leur demande leurs produits de snacking sucré préférés, et même 24% chez la génération Z. Milenko Bokan / bokan – stock.adobe.com

Venu de la culture américaine, le fameux beignet rond à trou se fait une place dans les habitudes de consommation des Français. En 2023, ses ventes ont même triplé, son chiffre d’affaires atteignant 25 millions d’euros.

«Hummm des donuts !» Chers à Homer Simpson dans la série culte «Les Simpson», les fameux beignets ronds font petit à petit leur trou en France. Les chaînes se multiplient, les boutiques fleurissent un peu partout et le mastodonte américain Krispy Kreme commence à s’implanter… Résultat, le marché ne cesse de grossir. Son chiffre d’affaires a triplé en l’espace d’un an, entre 2022 et 2023, atteignant aujourd’hui 25 millions d’euros, selon les dernières données de Food Service Vision, publiées cette semaine.

Et encore, «le marché total est déjà beaucoup plus important», relève François Blouin, président et fondateur de ce cabinet de conseil et d’études en restauration. Ce chiffre de 25 millions est celui de l’année 2023, et prend donc à peine en compte les ventes du géant Krispy Kreme, installé à Paris depuis décembre 2023. Et, de plus, il inclut uniquement les chaînes spécialisées dans les donuts (Krispy Kreme, Dreams Donuts, Home Donuts, Royal Donuts…), mais ni les boutiques indépendantes, ni les boulangeries qui se mettent à proposer des donuts. Au total, ce serait plus de 264.000 ​de ces beignets ronds qui seraient consommés chaque jour en France, d’après une étude du cabinet FMCG Gurus datant de juin 2023.

Si ses origines remontent au XIXe siècle, et s’il est largement consommé aux États-Unis depuis environ un siècle, ce n’est que depuis quelques années que le donut commence à se faire une place dans les habitudes culinaires des Français. En particulier chez les jeunes générations. Une étude du cabinet d’études Strateg’eat, publiée en mars, a montré que le donut était cité par 12% des consommateurs lorsqu’on leur demande leurs produits de snacking sucré préférés, loin derrière l’incontournable trio pain au chocolat-croissant-crêpe, mais au même niveau que le muffin par exemple. Chez la génération Z, soit les 18-25 ans, cette part monte à 24%, dépassant les traditionnels flans, éclairs et autres chaussons aux pommes.

«Food porn»

«Petit plaisir réconfortant à bas coût et facilement accessible», décrit Clémentine Hugol-Gential, professeure à l’université de Bourgogne et spécialiste des enjeux contemporains de l’alimentation, le donut a également un gros point fort : son apparence. Rond, un trou au milieu, moelleux, avec des glaçages colorés et des nappages de toutes sortes, «il est hautement instagrammable, ce qui a une incidence réelle sur sa diffusion et sa consommation», relève la professeure en sciences de l’information et de la communication. «Le donut profite de cette tendance de fond de la “food porn ”, puisqu’on a une proposition de snacking jolie, agréable, et qui peut résonner sur les réseaux sociaux», abonde Nicolas Nouchi, fondateur du cabinet Strateg’eat, qui met en avant sa «capacité de personnalisation».

Au-delà de l’aspect purement gourmand, le donut profite à fond de la tendance à l’américanisation de la restauration, et plus largement de la société, documentée notamment par le politologue Jérôme Fourquet, au même titre que le cookie ou le brownie. «Il amène en France un petit goût de la pop culture américaine», constate Alexandre Maizoué, directeur général de Krispy Kreme France. «On est dans une logique de soft power dans toute sa splendeur», estime Clémentine Hugol-Gential. Un tel succès illustre tout le paradoxe des consommateurs français : en même temps très attachés à leur culture et leurs spécialités culinaires, tout en étant ouverts sur l’extérieur. Un autre exemple significatif étant celui du burger, roi de la restauration rapide dans le pays de la gastronomie.

Le mastodonte américain Krispy Kreme a débarqué en France, à Paris, en décembre dernier. Krispy Kreme

Derrière le succès du donut se cache une autre dichotomie apparente. À l’heure où les jeunes Français semblent faire davantage attention à leur santé et donc notamment à leur alimentation, les beignets américains gras et huileux gagnent des parts de marché. «La génération Z est dans une logique healthy, engagée, mais aussi déséquilibrée dans sa construction de la maturité alimentaire, décrypte Nicolas Nouchi. Le principe est que l’on fait attention à ce que l’on mange, mais il y a des moments où on se laisse aller, avec des produits que l’on appelle “indulgent” en anglais. Le donut et les pâtisseries américaines en général entrent dans cette logique.»

Aussi calorique qu’un croissant ou un pain au chocolat

Mais attention, derrière leur image de bombes caloriques, les donuts n’ont en réalité pas grand-chose à envier à nos bons vieux croissants et pains au chocolat. «En termes de calories, on peut le placer en équivalence avec une pâtisserie traditionnelle», relève Anne-Laure Laratte, diététicienne nutritionniste basée à Rennes. Même si cela peut varier en fonction des différents nappages. «Pour 100 grammes de croissant, il y a environ 400 kilocalories. C’est 450 kilocalories pour un pain au chocolat. Le donut Milka vendu chez Carrefour, on est à 475 kilocalories les 100 grammes, et celui avec glaçage chocolat de la Mie Câline, c’est 360 kilocalories», compare Amélie Boudin, diététicienne nutritionniste à Sorgues (Vaucluse). Chez Krispy Kreme, en fonction des goûts, la fourchette va de 380 à 420 kilocalories.

Dans les prochaines années, c’est un marché qui pourrait facilement être multiplié par cinq ou dix

François Blouin, président et fondateur du cabinet Food Service Vision

Star des pâtisseries américaines, «le cookie est lui plus riche qu’un donut», pointe Anne-Laure Laratte. Les deux diététiciennes appellent donc à ne pas culpabiliser les consommateurs friands de beignets américains. «Même s’il ne faut pas que ce soit le goûter quotidien, le donut n’est pas pire que tout», insiste la professionnelle basée en Bretagne. Y compris dans ses ingrédients, très proches de ceux des pâtisseries classiques (beurre, œufs, sucre, farine).

Avec sa croissance exponentielle depuis quelques années, le donut pourrait-il suivre la même trajectoire que le cookie, son cousin américain, aujourd’hui mis à toutes les sauces ? «Aujourd’hui, c’est encore un tout petit segment, observe François Blouin. Mais dans les prochaines années, c’est un marché qui pourrait facilement être multiplié par cinq ou dix.» À côté des franchises françaises qui se développent, il devrait être porté par le déploiement progressif de Krispy Kreme. De deux boutiques aujourd’hui, le géant américain créé en 1937 vise l’ouverture de huit nouveaux points de vente d’ici le mois d’août, et une vingtaine d’ici la fin de l’année. Pour atteindre les 500 d’ici cinq ans. «Les autres chaînes américaines, Dunkin Donuts en tête, vont suivre avec attention l’expérience française de leur concurrent», prévoit François Blouin. Et pourraient suivre en cas de succès dans la durée. Tout en gardant en tête l’échec de la chaîne californienne Randy’s Donuts, arrivée dans la capitale en octobre 2022, et qui a jeté l’éponge après seulement quelques mois d’activité.

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Source : Petit goût des États-Unis, instagrammable… Comment le donut est en train de conquérir les Français