Pour Philippe Jean, DG de Del Arte, « La restauration à table a un travail à mener sur son offre »

Après deux années de crise sanitaire, les cartes sont rebattues sur un marché du hors-domicile. Les attentes ne sont plus les mêmes, les flux non plus. En 2021, les volumes sur la pause-déjeuner ont ainsi clairement penché du côté de la restauration rapide qui, sur un marché en reprise en restauration commerciale, +13% de fréquentation d’après les relevés du panel OOH de Kantar, gagne sur ce moment 9 points de parts de marché. Inversement, la restauration à table, impactée par les restrictions sanitaires, concède 10,8 points, toujours selon Kantar. Quelle stratégie adopter dans ces conditions complexes ? Retour sur les leviers activés par Del Arte, 209 restaurants en France, avec Philippe Jean, directeur général de l’enseigne.

 

Les deux dernières années ont été particulièrement complexes pour les opérateurs en restauration assise… Y compris sur la pause-déjeuner ?

Effectivement, avant de s’intéresser au déjeuner, il y a d’abord un constat à poser, celui d’une activité qui, dans nos 209 restaurants et à l’instar de tous les autres opérateurs en restauration assise, a été très impactée ces deux dernières années par les restrictions sanitaires. Entre 2020 et 2021, nous avons été fermés 11 mois, cela a évidemment pesé sur nos performances. Concrètement, le réseau Del Arte finit l’année 2021 – 40% par rapport à ses niveaux d’activités pré-crise. Le déjeuner n’a pas résisté à ce recul, au contraire, l’érosion y a été plus importante que sur le soir, perdant 7 points dans nos mix de ventes. Ce basculement des petits tickets de la restauration assise vers d’autres circuits n’est pas nouveau. Mais la crise sanitaire l’a amplifié, la demande du midi étant captée par la restauration rapide, chaînes de boulangerie incluses, les commerces de proximité et le retail, restés ouverts pendant la pandémie, quand les opérateurs de la restauration à table, souvent, ont dû garder le rideau baissé.  A partir de là, soit on fait le dos rond en attendant des vents plus favorables, soit on prend acte de changements qui ne sont pas uniquement liés à l’épidémie, et l’on cherche à s’adapter, ce que nous essayons de faire depuis deux ans.

De quelle manière justement accompagner ces tendances, a priori peu favorables à la restauration assise ?  

Dès la fermeture des salles et le premier confinement, nous avons cherché à nous positionner sur la livraison, et les plateformes, sur lesquelles le réseau n’était pas déployé avant la crise, tout en dynamisant notre activité sur la VAE et la commande en ligne. Ce travail a porté ses fruits puisqu’aujourd’hui 15% de notre chiffre d’affaires est issu de la vente à emporter, du click & collect et de la livraison. Nous captons sur Uber Eats 37% de parts de marché parmi les acteurs de la restauration à table et 15% sur le segment pizza. Sur le déjeuner, le canal, nouveau, est aussi en forte croissance sur les trois derniers trimestres : 26% du chiffre d’affaires livraison est issu de commandes passées le midi, qui sont en forte hausse sur ces 9 derniers mois. S’inscrire dans cette tendance delivery est essentiel pour l’enseigne, autant qu’il est important de mener un travail sur l’offre, pas seulement pour la rendre facilement transportable et nomade, mais aussi pour qu’elle s’adapte à des habitudes alimentaires qui évoluent.

C’est-à-dire ?

Si la restauration rapide a pris des parts sur le midi ces dernières années, c’est parce qu’elle apporte des réponses aux consommateurs, sur le prix, sur la praticité, mais aussi sur des formats dont la qualité des produits et l’image ont, grâce à la montée en puissance des enseignes fast-casual notamment, évolué et convaincu de nouveaux consommateurs. L’autre réalité, c’est une déstructuration croissante des comportements alimentaires. Nous n’en sommes pas aux 18 prises alimentaires quotidiennes américaines, mais nous arrivons à 6 prises en France… À peine 3 Millennials sur 10 font une pause déjeuner heurée. En restauration assise, les opérateurs ont un travail à faire sur leur offre pour accompagner ce mouvement. Nous nous y sommes attelés, en travaillant notamment une gamme de sandwichs (panuozzo et focaccias) qui fonctionne très bien le midi, y compris en livraison. Au passage, cela acte la réalité d’habitudes de consommation sur une restauration livrée sur ces tickets sous les 10 euros, dont on a longtemps cru qu’ils ne fonctionneraient pas sur ce canal. Ce travail sur l’offre est essentiel. Il est un axe stratégique pour Del Arte, dans la réalisation de notre objectif de croissance de 10 points dans le mix sur ces nouveaux canaux, soit 25%, dont les trois-quarts en livraison.

Quid de la consommation en salle au déjeuner, après deux ans de restrictions ? 

Des habitudes nouvelles pour de nombreux consommateurs se sont fixées durant ces deux années de crise sanitaire, mais il y a aussi une puissante envie de reconnexion à la convivialité du restaurant. Cette envie, nous l’avons ressentie à la réouverture des salles en juin dernier, avec des pointes de fréquentation et des tickets s’appréciant sur des produits additionnels ; nous l’avons ressentie aussi à la levée des restrictions sanitaires, avec des tendances à +10-15% de chiffre d’affaires, qui se retrouvent sur tous les moments que nous travaillons. Il y a dans ce retour au restaurant une envie de se faire plaisir, mais aussi une attente forte sur une expérience la plus aboutie possible. Nous avons sur ce point lancé un travail sur un format nouveau de restaurant, que nous allons ouvrir à Joué-lès-Tours fin 2022. L’idée est d’y déployer des capacités plus contenues pour la consommation sur place, mais s’adaptant mieux à des attentes différentes, à l’instar de l’espace Cafferitivo, qui adresse les moments de consommation snacking, autant qu’il fonctionne en rampe de lancement pour le soir, positionné sur l’afterwork. Le nouveau bâtiment va aussi mieux traiter la VAE et la livraison, avec une zone A CASA, traitée quasi comme un drive, avec une livraison à la place de parking. Ce sont des services nouveaux sur lesquels nous comptons pour à la fois continuer à adresser notre clientèle d’habitués, mais aussi attirer de nouveaux clients, notamment Millennials. Propos recueillis fin mars 2022

Par YANNICK NODIN – A retrouver en cliquant sur Source

Source : Pour Philippe Jean, DG de Del Arte, « La restauration à table a un travail à mener sur son offre »