Pour Thierry Veil, co-fondateur de Bagelstein, « Il faut regagner en performances sur la VAE »
Au terme d’un exercice 2020 au tempo du marché, avec un recul de 21,4% sur son CA enseigne, Bagelstein, 81 points de vente dans l’Hexagone, entame 2021 sur de nouveaux objectifs. Au programme, expliqué par Thierry Veil, co-fondateur du spécialiste des bagels : reprise du développement, y compris à l’international, élargissement de gamme, et évolutions en points de vente pour défendre la VAE.
Quels principaux enseignements retenez-vous de ces douze mois de crise sanitaire ?
Il faut d’abord noter la résilience du réseau, qui termine 2020 sur 8 ouvertures et 3 fermetures. La crise sanitaire, de ce point de vue, n’a fait que catalyser les difficultés et accélérer la situation de boutiques déjà fragiles avant mars 2020. Nous nous sommes développés autour d’un modèle qui a sans doute contribué à limiter notre exposition à la crise : Bagelstein, ce sont des boutiques compactes, et non des restaurants, dont nous sommes nous-mêmes les fournisseurs. Sur le poids des charges fixes, comme sur le modèle de production, nous disposons d’atouts qui ont facilité notre adaptation, et nous ont permis de répondre très rapidement à la fréquentation, comme aux attentes de consommation. Les cheese-cakes, dans une période où l’on recherche beaucoup le réconfort, fonctionnent par exemple très bien. Nous pouvons répondre à la demande, en défendant nos marges sur le produit et en évitant la casse sur d’autres familles de produits. Cette flexibilité, dans des conditions d’exploitation changeantes, est tout à fait précieuse. Mais elle ne suffit pas toujours. Même si nous regardons devant, et prévoyons 22 ouvertures en 2021, notre modèle de rentabilité est très impacté. Le chiffre d’affaires généré est tellement étrange depuis 12 mois ! Entre le poids pris par les agrégateurs, les confinements, les couvre-feu, et notamment leur avancement à 18h qui ont grignoté les ventes du soir… Avant mars 2020, nous faisions 30% de nos ventes en restauration assise, 70% en VAE. La crise nous a privés d’1/3 de chiffre d’affaires, mais la quote-part des agrégateurs a été multipliée par 3. Il est essentiel pour nous de gagner en performance sur la VAE.
Comment comptez-vous reconquérir la fréquentation sur la VAE ?
Notre principal mouvement porte sur une évolution du concept, et notamment la mise en place d’un nouveau format de distribution. Aujourd’hui, à Paris notamment, avoir son bagel préparé devant soi en 5 minutes, quand des usages se fixent sur des enseignes type Prêt à Manger, Eric Kayser, Cojean, cela peut parfois sembler long. Passer au grab ‘n go, dans notre concept, ce n’est pas simple. Dans la V2 du concept, nos bagel sont préparés le matin, avec des mise en place visibles depuis la rue, puis déposés en vitrine réfrigérée. Il sont ensuite pris en grab ‘n go, passent sur une table de transformation puis par un four spécial. En 30s, le temps de payer, le bagel est chaud et croustillant, avec des garnitures froides. C’est un format qui répond très bien aux attentes et aux usages, en matière d’hygiène comme de click&collect. A date, 16 boutiques sont passées sur la V2, où l’on constate une augmentation du ticket moyen et de la fréquentation. Le fonctionnement n’est plus le même : c’est la vitrine et non le menu-board qui déclenche l’acte d’achat.
Avec des effets intéressants en termes de ventes additionnelles ?
Effectivement, ce système de vitrine nous permet aussi de proposer des produits de façon plus efficace, comme les boissons ou les desserts, qui usuellement sont sur les arrières de comptoir, pas forcément mis en valeur dans nos boutiques. Dans certaines boutiques du nouveau concept, on peut observer des ventes de cheesecakes multipliées par six… La V2 est une de nos priorités pour 2021. C’est parfois compliqué pour les boutiques existantes, parce que cela demande de l’investissement dans une période qui manque de visibilité, mais nous apportons à nos franchisés des solutions de financement. Nous croyons dans ce format, d’autant qu’il s’insère dans une stratégie d’élargissement de nos gammes. Les soupes, même si elles sont loin de notre métier, ont explosé dans le mix. Nous allons accentuer encore cet élargissement en 2021, et le grab ‘n go est un excellent moyen de faire connaître cette offre nouvelle, et d’y performer.
Quid du click&collect dans ces nouveaux usages de la commande digitale ?
Notre système de caisse en est équipé mais il ne faut pas se leurrer : les agrégateurs prennent l’essentiel de la commande digitale. Aujourd’hui on ne se dit pas je veux un bagel, tiens, je vais commander chez Bagelstein. On ouvre son smartphone, et suivant ce qui est en haut de liste, on se décide. C’est un constat assez édifiant, mais personne n’y échappe. On sait par contre que ce modèle reste fragile, notamment en raison du statut des livreurs. Il y a de nouveaux opérateurs qui arrivent, où qui pivotent dans leur modèle, en apportant un vrai service, via notamment des livreurs salariés… Raison de plus pour muscler nos performances en VAE. Nous le constatons d’ailleurs : le fait d’opérer avec cette V2 rassure nos partenaires, en France, mais aussi au Danemark, en Italie, ou aux Emirats arabes unis, y compris sur des exploitations en zones de flux, aéroports et gares.
Propos recueillis par Yannick Nodin – A retrouver en cliquant sur Source