L’enseigne coopérative perd du terrain pour la huitième fois en neuf mois. Un faisceau d’éléments explique ce recul qui ne durera peut-être pas.
L’ogre Leclerc n’est pas terrassé. Il vacille. Le distributeur qui a fait du prix bas son credo a perdu des parts de marchés en septembre. C’est la huitième fois au cours des neuf derniers mois. « Auparavant, Leclerc avait connu presque dix années de croissance interrompue » rappelle Gaelle Le Floch directrice des études stratégiques de Kantar Worldpanel, l’indicateur de référence. La publication de mercredi montre que l’enseigne bretonne a reculé de 0,4 point entre le 10 septembre et le 7 octobre (la période 10 dans le jargon du secteur). L’étude Référenseigne porte sur les produits de grande consommation et le frais vendu en libre-service.
Il n’y a pas encore péril dans la demeure de granit toujours tenue (en partie) par Michel-Edouard, le fils du fondateur. Leclerc demeure le premier épicier de France, un titre conquis contre Carrefour en mai 2017. Sa part de marché atteint 21,1 % contre 20,6 % pour son poursuivant. Intermarché occupe la troisième marche du podium avec 15 %. L’un des leaders du secteur pressent même que « les deux prochains mois devraient être meilleurs pour Leclerc ». L’inversion de la courbe du groupement d’indépendants écrit malgré tout un chapitre nouveau dans la chronique de la distribution française.
Pédale douce sur les promotions
Les raisons sont multiples. Les avis des acteurs et des observateurs convergent toutefois sur plusieurs points. D’abord Leclerc a mis la pédale pouce sur les promotions des derniers mois. « C’est volontaire, affirme Michel-Edouard Leclerc aux « Echos ». Nous avons sous-dimensionné notre dispositif promotionnel au moment des Etats généraux de l’alimentation [fin 2017, NDLR] car nous voulions apparaître comme le meilleur élève de la classe». « Les promotions attirent un peu moins les consommateurs » ajoute Gaelle Le Floch.
Olivier Dauvers, éditeur de la publication confidentielle « Vigie Grande Conso » souligne, lui, « un effet de parc ». Ces dernières années, à coups d’agrandissements et de transferts, ainsi que de quelques créations, le nombre de mètres carrés Leclerc a augmenté et gonflé les parts de marché. Les experts s’accordent aussi sur le poids de la concurrence. Carrefour, qui a longtemps manqué de dynamisme commercial, s’est réveillé. Intermarché est parti à l’offensive avec ses méga promos à -70 % sur le Nutella et les Pampers. Lidl est devenu le premier annonceur français toutes industries confondues, devant Renault. « On s’est fait doubler reconnaît » « M.E.L. ».
Le territoire couvert de drives
Longtemps Leclerc a conquis des clients en ouvrant des drives, ces points de livraison des commandes Internet adossés aux magasins ou plantés en face des points de vente concurrents. L’enseigne détient 50 % de ce nouveau marché. Mais le territoire est couvert. Le drive porte moins la croissance. Certains estiment que dans les grandes agglomérations comme Nantes ou Toulouse, Leclerc souffrirait également du syndrome du grand hypermarché, à l’instar de Carrefour et Auchan. Le patron du groupement réfute cet argument et rappelle que son enseigne compte peu de ces méga complexes. Chez Kantar on note cependant un fléchissement de Leclerc dans le fief de l’Ouest ainsi que, partout, d’une érosion de la fréquence des visites en magasins. « Lorsque vous atteignez 30 % de taux de nourriture [la part de l’enseigne dans le budget courses d’un ménage, NDLR], il est difficile de faire mieux. La concurrence est vive et le consommateur regarde ailleurs », renchérit Olivier Dauvers.
Leclerc serait sur un palier plus que sur la pente du déclin. « L’enseigne reste premier ou sur le podium pour la plupart des critères d’étude : la cote d’amour, la promotion, le prix, le choix, etc. » équilibre Gaelle Le Floch. reste à voir l’impact de la loi alimentation qui va remonter de 10 % le seuil de revente à perte.
Leclerc prépare sa contre-attaque
« Noël sera très bon pour Leclerc », affirme aux « Echos » Michel-Edouard Leclerc. « Nos nouveaux entrepôts ont permis de doubler les références du drive [à 15.000 environ, NDLR]. Nous allons en ajouter 1.000 dont du jouet. » « Nous progressons sur le fond de rayon » ajoute-t-il. « Et nous misons sur nos enseignes spécialisées comme la parapharmacie, ainsi que sur la livraison comme à Paris ». Leclerc vend de la croissance à ses fournisseurs. Il entend donc « changer de modèle de croissance » tout en tenant les prix bas. « Le pouvoir d’achat revient par la grande porte parmi les préoccupations des Français » estime le dirigeant.