Pourquoi les Français aiment-ils tant les fast-foods ?
Les chaînes de restauration rapide n’ont jamais gagné autant d’argent en France. Année après année, le succès ne se dément pas dans le pays de la gastronomie, et les marques américaines ont bien saisi les ficelles du business.
La France est toujours le pays de la gastronomie. Mais aussi celui des fast-foods, un secteur qui ne s’est jamais aussi bien porté dans l’Hexagone. En 2023, le chiffre d’affaires des chaînes de restauration – dont les fast-foods – a dépassé pour la première fois les 20 milliards d’euros.
N’en déplaise aux pourfendeurs de ce qui est considéré par beaucoup comme de la « malbouffe », les grands noms de la restauration rapide cartonnent et les Français en redemandent. Le chiffre d’affaires de la filière a presque doublé depuis la pandémie de Covid, et a grimpé de 8 % entre 2022 et 2023, selon une étude du cabinet spécialisé Food Service Vision.
Parmi toutes les chaînes confondues, restauration à table (type CourtePaille, Buffalo Grill, Hippopotamus…) et self-service compris, les fast-foods ont la part belle de cette croissance, avec une hausse de 30 % du chiffre d’affaires entre 2019 et 2023. Mais pourquoi un tel amour des Français pour ces temples de la consommation venus des Etats-Unis, pourtant à première vue si éloignés de la tradition gastronomique locale ?
L’inflation a bien sûr joué un rôle dans la croissance du chiffre d’affaires des fast-foods en 2023. Mais elle a aussi poussé les consommateurs à chercher des offres bon marché pour se restaurer. « L’accessibilité prix est clairement un facteur de ce succès », analyse François Blouin, président fondateur de Food Service Vision.
La France, l’autre pays de McDonald’s
Mais en réalité, cela fait déjà longtemps que ces enseignes aux devantures bariolées s’épanouissent dans l’Hexagone. A commencer par la plus célèbre, McDonald’s, arrivé au début des années 1970. A l’origine, les dirigeants étaient persuadés que le modèle ne fonctionnerait pas au pays de la gastronomie. Pourtant, le succès est fulgurant, et la firme y exploite aujourd’hui plus de 1.500 restaurants , avec une trentaine d’ouvertures chaque année, et quelque deux millions de consommateurs quotidiens.
« La France est la première filiale de McDonald’s au niveau mondial après les Etats-Unis, explique-t-on du côté de l’entreprise. 2023 a été une année record, avec un ticket moyen supérieur au reste du monde, entre 12 et 13 euros. C’est un pays particulièrement stratégique, le fruit d’une rencontre heureuse entre l’ADN américain de McDonald’s et la culture française. »
En réalité, la firme a beaucoup fait pour satisfaire des clients plus exigeants qu’ailleurs sur ce qu’ils ont dans leur assiette et le temps qu’ils y passent : ingrédients à 75 % d’origine française, pain frais, déploiement du service à table, nouvelles offres tous les mois… L’arsenal est très large. La France est aussi devenue le pays des nouveaux lancements, avec le M et le Mc Baguette, deux sandwichs à l’ADN tricolore marqué, mais aussi le 280 et le Deluxe, avec sa sauce moutarde caractéristique.
McDonald’s a exposé pour la première fois au Salon de l’agriculture en 2000, et y maintient sa présence depuis. En 2010, la firme a transformé son logo français en habillant le cultissime « M » jaune d’un pourtour vert, contrairement au rouge qui s’est maintenu ailleurs. Cette année, la marque est même devenue sponsor principal de la Ligue 1 de football. En outre, elle est parvenue à construire une véritable image de marque, si bien qu’elle se classe chaque année depuis cinq ans dans les dix marques préférées des Français selon le classement annuel EY Parthenon. Elle est cependant passée de la quatrième à la neuvième place en 2024, et la croissance des ventes ralentit depuis quelques mois.
Le burger reste la star
Mais le restaurant de Ronald, bien qu’en tête des ventes en France, n’est pas le seul à profiter de l’engouement des Français pour les fast-foods. Le burger reste la star dans cette catégorie avec près de 9 milliards d’euros de chiffre d’affaires l’année dernière. D’autres acteurs tirent le marché, notamment Burger King. Ce dernier est revenu en France en 2012 après des débuts ratés dans les années 1980. Le roi du burger a ouvert près de 500 restaurants en un peu plus de dix ans dans l’Hexagone. Au-delà de la viande cuite à la flamme, la marque a aussi misé sur une communication très incisive et visible sur les réseaux sociaux, à coups de blagues et de mèmes.
« L’enseigne a grandi tard en France, grâce notamment aux réseaux sociaux. Nous avons voulu garder cette communication accessible, authentique, d’autodérision. C’est un facteur de notre succès ici, parce que l’humour est quelque chose qui résonne dans l’esprit des Français et des jeunes », assure-t-on chez Burger King.
Au-delà du burger, d’autres produits continuent à séduire dans les chaînes de restauration rapide, comme le traditionnel sandwich, mais aussi le grill, le poulet frit ou encore la pizza. « Il y a une accélération de nouveaux types de produits, comme le bubble tea, les cookies, précise François Blouin, avec des marques créées par des « digital natives » (générations nées avec internet, NDLR) qui multiplient les partenariats avec des stars des réseaux sociaux ». En témoigne par exemple l’alliance récente de l’enseigne de poulet frit KFC avec le youtubeur star Mister V. Et la France continue à attirer les marques étrangères, avec l’arrivée des donuts Krispy Kreme ou encore du poulet Popeye l’année dernière.
Exigence à la française
Mais alors, les Français sont-ils si différents ? « La France est souvent vue comme un dilemme pour les multinationales. Sa taille fait que c’est un marché qu’on ne peut pas ignorer. Mais les habitants sont très exigeants, avec un modèle social fort, différent du monde anglo-saxon », relève Diego Ferri, consultant senior chez EY Fabernovel. « Dans ce secteur, l’achat d’un burger est une expérience rapide, très lisse. Les marques jouent donc sur l’amélioration de l’expérience client et leur satisfaction, mais aussi leur image pour se différencier », ajoute l’expert.
« Ces fast-foods parviennent à allier le modèle anglo-saxon basé sur l’efficacité avec la diversité culinaire appréciée des Français et très supérieure au reste du monde », résume François Blouin.
Mais surtout, la flexibilité de ce type de restaurant répond aux nouveaux modes de consommation : des jours de travail moins fixes qu’autrefois, moins de commerciaux qui arpentent les routes françaises. Le maillage territorial très fort des fast-foods répond à ces défis, tandis que les chaînes de restauration à table se sont moins bien adaptées. L’année dernière, 217 points de vente de restauration à table ont fermé, contre près de 3.000 ouvertures pour les fast-foods. En témoignent les difficultés de la célèbre chaîne de bord d’autoroute Courtepaille, dont il ne reste plus que 87 restaurants en France.
Par Joséphine Boone – A retrouver en cliquant sur Source
Source : https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/pourquoi-les-francais-aiment-ils-tant-les-fast-foods-2097923