En Californie, le secteur connaît une évolution similaire à celui de la bière artisanale.Les prix peuvent atteindre 15 dollars la tasse.

Chaque midi, à l’angle du siège social de Twitter à San Francisco, une longue file d’attente se forme à l’entrée d’un petit café ne dépassant pas les 15 mètres carrés. Celui-ci ressemble à s’y méprendre à un Apple Store : un décor épuré, de grands murs blancs, du mobilier en bois et un iPad surmonté d’un minuscule lecteur de carte bancaire en guise de caisse. La tasse de café y est vendue comme un produit de luxe, le « barista » étant transformé en artisan moulant les grains, jouant avec les commandes de sa machine vintage San Marco, et signant son oeuvre de quelques larmes de lait en forme de rosette ou de coeur.

Ce magasin fait partie des 29 points de vente de Blue Bottle. L’entreprise, créée à Oakland en 2002 par un musicien passionné de café, s’est étendue hors de la baie de San Francisco depuis 2010, multipliant les magasins à New York, Los Angeles et Tokyo. D’ici à 2018, elle ouvrira 10 nouveaux points de vente à Washington, Boston et Miami.

Blue Bottle fait partie de cette nouvelle génération de torréfacteurs obligeant les géants comme Starbucks à repenser leur approche. Le PDG de la chaîne de Seattle a d’ailleurs annoncé il y a quelques jours son intention de démissionner pour se consacrer au développement d’une offre haut de gamme dont les clefs du succès ne sont pas sans rappeler celui de la bière artisanale.

Le prix d’une tasse peut monter jusqu’à 15 dollars

Ces enseignes cherchent à appliquer au café la notion de terroir, proposant des produits venant de localités précises avec des goûts « moins uniformes », explique Devorah Freudiger, directrice des ventes d’Equator Coffees & Teas, un torréfacteur californien ayant adopté cette approche depuis 1995. « Nous n’indiquons pas seulement Guatemala, mais précisons le nom de la ferme ou même du fermier », explique Colby Barr, le cofondateur de Verve Roasters, une marque dont les campus de Facebook et Yahoo! sont friands. Son premier café a ouvert à Santa Cruz il y a neuf ans pour proposer autre chose que ces « immenses tasses de café, sur lesquelles on rajoute des sirops », dit-il en désignant Starbucks de manière à peine voilée.

Certaines mini-récoltes sont si rares qu’elles font monter le prix de la tasse à 15 dollars ! Exemple : le Gesha, une espèce qui ne pousse que dans certains micro-climats, notamment d’Amérique centrale.

Le conglomérat JAB Holding initie un mouvement de concentration

Ces nouveaux acteurs remettent aussi au goût du jour des préparations anciennes, utilisant des cafetières à dépression ou l’infusion très lente. Sur le comptoir de Ritual ou SightGlass, les cafés préférés des patrons de la tech pour un rendez-vous d’affaires à San Francisco, il y a bien sûr des expressos et des latte, mais le must, c’est le café servi individuellement dans une cafetière Chemex où la mixture s’écoule goutte à goutte par le biais d’un filtre. Jouant à fond la carte de la transparence, la fabrication se fait devant les clients. « Nous suivons le mouvement des cuisines ouvertes introduites dans de nombreux restaurants », explique Colby Barr.

La consommation de ce type de café dit « de spécialité » est en hausse aux Etats-Unis. Selon un sondage de la National Coffee Association sorti cet été, 41 % des 25-39 ans interrogés avaient consommé ce type de boisson le jour d’avant, contre 19 % en 2008. Cette évolution n’a pas échappé au conglomérat allemand JAB Holding, qui a racheté Peet’s, un pionnier créé à Berkeley en 1966. Peet’s a ensuite mis la main sur deux des emblèmes de cette nouvelle façon de fabriquer le café, les chaînes Stumptown (Portland) et Intelligentsia (Chicago), annonçant le début d’un mouvement de concentration.

Source : Quand le café se vend comme un produit de luxe, Le Lab/Idées – Les Echos Business