
Après deux ans de digitalisation à marche forcée pour les commerces comme pour les consommateurs, et alors que sont levées les dernières restrictions sanitaires, le retail est-il entré dans le « monde d’après » ? Sans vouloir faire de réponse de normand : ça dépend. Décryptage.
La crise, booster de l’e-commerce
Pour schématiser – et bien que cela puisse être discutable – on désigne généralement par « monde d’avant » le retail physique, dans des magasins « brick & mortar » et par « monde d’après », le retail digital, soit le e-commerce.
Que disent les chiffres ? Avec 112 milliards d’euros générés en 2020, soit une hausse de 8,5 % en seulement un an et 44 millions de personnes touchées en France, le secteur du e-commerce ne s’est jamais aussi bien porté, selon les données de la Fédération du E-commerce et de la Vente à Distance. Ce phénomène est bien entendu lié à la crise sanitaire, qui a amplifié sa croissance, déjà forte les années précédentes. En effet, les confinements et les contraintes sanitaires qui l’ont accompagnée ont entraîné un fort développement de la demande et de l’offre avec, dans certains secteurs, un véritable coup d’accélérateur. Et la tendance se renforce en 2021 : on estime que le marché du commerce en ligne a autant progressé en quelques mois qu’il aurait dû le faire en 4 à 5 ans !
Le consommateur, roi de la résilience
La crise n’a laissé le choix à personne : côté vendeur, il fallait se digitaliser ou disparaître. Et c’est bien pour cela que tous les commerces s’y sont mis, y compris ceux qui y étaient réticents, comme la grande distribution, les petits commerces de proximité et certains services « à la personne ». Parallèlement, entre fermetures répétées pour les « non essentiels » et restrictions horaires, les consommateurs non plus n’avaient d’autre option que de se tourner vers internet pour effectuer leurs achats. Sans compter la dimension psychologique : la peur, pour beaucoup, de contracter le virus dans les lieux physiques.
Ce qui explique en grande partie la raison pour laquelle les pharmacies ont fortement misé sur le digital au plus fort de l’épidémie. Le concept de « pharmacie en ligne » a connu un grand boom pour l’achat des produits sans ordonnance, ainsi que le « click & collect » pour les médicaments.
Finalement, les deux parties y trouvent leur compte. D’ailleurs, dans un contexte un peu plus apaisé, le digital semble encore plébiscité. Selon le Baromètre Smart Retail mené par LSA, 93 % des retailers considèrent que l’utilisation de dispositifs digitaux a un impact sur l’image de marque de leur enseigne et 61 % des consommateurs pensent que la qualité de conseil est meilleure quand le vendeur dispose d’un outil digital.
Côté consommateur toujours, si le e-commerce est devenu aussi populaire c’est qu’il représente un certain nombre d’avantages. Premièrement, il permet d’acheter rapidement des produits en dehors des heures d’ouverture habituelles, depuis chez soi. Il permet aussi d’accéder à un plus large choix de produits, à un catalogue plus varié et plus personnalisé. Et enfin, pour certains consommateurs, il permet de différencier les achats corvée (effectués rapidement en ligne) et les achats plaisir (dans les boutiques). Autant d’éléments qui font émerger un « nouveau consommateur » au parcours d’achat plus complexe.
Le nouveau retail, entre physique, phygital et digital
C’est le sens de l’analyse de Vincent Chabault, sociologue à l’université de Paris, spécialiste du commerce et de la consommation et auteur d’Éloge du magasin (Gallimard, 2020), qui étudie dans le détail les différentes tendances de la consommation numérique et physique. Dans un entretien accordé à La Tribune le 31 janvier 2022, il fait clairement la distinction entre « la consommation de flux » et « le shopping » . Pour lui, la première a une fonction purement primaire, économique ; quand le second tient plus de l’activité socio-culturelle. De là, l’arbitrage est clair : le digital ou phygital (click & collect, drive, etc.) est appelé à se renforcer pour la première. Alors que le second va devoir évoluer pour demeurer attractif. Soit trouver des leviers pour assouvir le nouveau besoin d’expérience immersive du consommateur en intégrant – pourquoi pas – des innovations digitales (trade advocacy, consommateurs-ambassadeurs de marques, etc.).
En tout état de cause, il semble bien que bon nombre des tendances et des changements dans les habitudes de consommation engendrées par la crise soient appelés à perdurer et que la recherche d’un point d’équilibre entre usage des technologies digitales et rôle donné à l’humain soit sans doute la quête du Graal des commerces d’aujourd’hui et de demain.
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Source : https://business.ladn.eu/experts-metiers/par-secteurs/retail/retail-post-covid-consommateur-est-toujours-ligne/