Ski : le spectre de la saison blanche en montagne

La date d’ouverture de la saison de ski 2020-2021 reste la grande inconnue des professionnels de la montagne, mobilisés pour la préparer au mieux. Lundi, le Premier ministre et les ministres concernés les consulteront. Les stations misent sur la venue des Français pour pallier le manque anticipé de visiteurs étrangers.

 

Le 5 décembre ? Le 19, soit le début des prochaines vacances scolaires ? A Noël ? En février ? Les 250 stations françaises de sports d’hiver abordent leur saison 2020-2021 dans la plus grande incertitude, faute de visibilité sur sa date d’ouverture. La parole du président de la République, qui doit s’exprimer mardi, est d’autant plus attendue que le gouvernement ne cesse d’inviter, depuis plusieurs jours, les Français à la plus grande prudence et à patienter avant de réserver. Dès ce lundi, le premier ministre, entourés des ministres concernés, consultera les professionnels de la montagne.

Interrogé sur Franceinfo, le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, les a appelés vendredi matin à « attendre début décembre » pour avoir de « la visibilité sur les vacances »,« plutôt que de se précipiter et devoir changer de pied parce que la dynamique épidémique n’est pas celle qu’on attendait ». A ce stade, la pression du Covid-19 sur le système hospitalier rhônalpin reste élevée. Et le gouvernement cherche par ailleurs à se concerter avec les voisins Italiens Espagnols ou Suisses pour éviter que certains ouvrent et d’autres restent fermés.

« Nous savons très bien que nous ne pourrons pas ouvrir sans une situation sanitaire favorable. La question, l’inquiétude, est de savoir à quel moment », explique le président de l’Association nationale des maires des stations de montagne (ANMSM), Jean-Luc Boch, lui-même premier édile de La Plagne-Tarentaise, en Savoie.

Faire bloc

La filière ski est de nouveau rattrapée par la crise sanitaire. La saison dernière avait été brutalement arrêtée à la mi-mars tandis qu’elle battait encore son plein, d’où une perte de recettes estimée à 1,5 milliard d’euros sur quelque 10 milliards. Huit mois plus tard, élus, hébergeurs ou encore exploitants de remontées mécaniques doivent de nouveau faire bloc. Ils assurent s’activer pour « tout ouvrir » dès que possible.

« Nous ne sommes pas décideurs. Les impératifs sanitaires primeront par définition. Ce qui nous importe est que nous soyons crédibles quand nous ouvrirons », résume Dominique Marcel, le PDG de la Compagnie des Alpes (CDA), le numéro un mondial des remontées mécaniques, présent dans une dizaine de stations françaises.

Des « protocoles de station »

Cet hiver, l’écosystème montagnard a élaboré des « protocoles de station ». Le dispositif est en cours de validation. « Nous travaillons avec l’ensemble de la filière  », témoigne le président du syndicat professionnel Domaines skiables de France (DSF), Alain Maulin.

Il est prévu que les employés des stations subissent des tests antigéniques , des points de dépistage étant installés dans les stations. Le port du masque sera obligatoire dans les files d’attente des remontées mécaniques et les télécabines, qui ne seront pas sujettes à une limitation de capacité, tout comme les télésièges. « Nous avons une expérience avec nos parcs de loisirs [Parc Astérix, Futuroscope, Walibi Rhônes-Alpes, NDLR], et l’expérience montre que cela s’est bien passé », souligne Dominique Marcel, à la Compagnie des Alpes. Pour sa part, la station de Val Thorens a même prévu d’utiliser un drone, déjà testé l’an dernier, pour surveiller les pistes et éviter les regroupements de skieurs…

Du côté des hébergeurs, l’enregistrement à distance a pris une nouvelle ampleur, tout comme la réservation en ligne du matériel, des forfaits ou des cours de ski. Pour le matériel, émerge aussi le retrait en mode drive, voire en livraison à domicile.

Dans l’hypothèse d’une ouverture des stations en décembre, les services aux vacanciers et leur animation pourraient pâtir d’arbitrages relatifs à un déconfinement partiel. Il est question d’un prolongement de la fermeture des bars et restaurants en décembre, tout comme des discothèques. Pour les restaurateurs, la vente à emporter permettrait de limiter les dégâts.

Le casse-tête des saisonniers

La situation génère un casse-tête pour la gestion des saisonniers – qui représentent 120.000 des 150.000 salariés de la filière. Pour les remontées mécaniques, les recrutements seront achevés d’ici à la fin du mois. Domaines skiables de France est en train d’embaucher de 65 à 70 % de ses 18.000 actifs habituels. Mais la question du chômage partiel des saisonniers reste encore à éclaircir, pourront-ils en bénéficier s’ils n’ont pas encore travaillé ?

Du côté des hébergeurs, on ne cache pas en revanche que le manque de visibilité nuit au bon déroulement des recrutements. « Nous avons besoin d’un millier de saisonniers pour nos 17 clubs de vacances mais je ne sais pas quand déclencher les contrats de travail », confie le président de Belambra, Frédéric Le Guen. « Nous gérerons à la dernière minute », abonde le directeur général de l’exploitant des résidences de tourisme Odalys, Laurent Dusollier.

Conscient du risque de flottement, le gouvernement a invité les entreprises à embaucher normalement. Interrogée sur Radio J, la ministre du Travail, Elisabeth Borne, a assuré que l’Etat est « en train de s’organiser » pour que les saisonniers « puissent être recrutés normalement et bénéficier si nécessaire » du chômage partiel.

Quelle affluence sur les pistes ?

Avec des Britanniques – de loin les premiers visiteurs étrangers – cloîtrés outre-Manche ou des Néerlandais invités à rester chez eux, les professionnels de la montagne s’attendent par ailleurs à une saison franco-française. Le manque de visiteurs étrangers pourrait peser, sachant qu’ils représentaient 26 % de la fréquentation en 2018-2019.

La chute devrait toutefois être variable selon les stations et le type d’hébergement. A Val d’Isère, les clients internationaux représentent près de 62 % de la clientèle, les Anglais comptant à eux seuls pour 42 %… A contrario, des petites stations à caractère familial bénéficieraient de leur clientèle domestique. De même, si l’hôtellerie haut de gamme s’achemine vers une saison complexe en l’absence de visiteurs étrangers aisés, d’autres formules d’hébergement y seront bien moins sensibles « On observe une bonne prise de réservations pour les appartements et chalets haut de gamme avec services », confie le patron du pôle hôtellerie/tourisme/loisirs de KPMG France, Stéphane Botz.

Les opérateurs plutôt « grand public » se montrent globalement confiants, relevant « une envie de partir » des Français. La tendance positive en termes de réservation s’est retournée courant octobre, avec la montée de la deuxième vague puis l’annonce du reconfinement, mais ce retournement n’aurait rien d’irrémédiable, veulent-ils croire. Cette situation anxiogène ne s’est en effet pas traduite par une vague d’annulations, contrairement au premier confinement. « Nous pouvons encore sauver Noël. Nous avons, à date, un retard de chiffre d’affaires de 30 %, mais c’est rattrapable », juge Frédéric Le Guen, chez Belambra.

Comme ses concurrents, ce dernier table sur les ventes de dernière minute et appelle les pouvoirs publics à donner de la visibilité en communiquant suffisamment tôt un calendrier. En attendant, la possibilité d’annuler et d’être remboursé jusqu’à quelques jours avant le départ se généralise.

A coup sûr, le démarrage de la saison sera déterminant après l’arrêt brutal de la précédente. Si l’on fait abstraction de la saison 2019-2020, qui est atypique, les vacances de Noël représentaient 12 % de l’activité des domaines skiables ces dernières années, celles de février pesant pour plus d’un tiers au fil du temps.

Article de Christophe Palierse – A retrouver en cliquant sur Source

Source : Ski : le spectre de la saison blanche en montagne | Les Echos