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Street-food, livraison, brasseries : Olivier Bertrand vise « tous les formats » de la restauration
Comptant un millier d’établissements, de Burger King à Hippopotamus en passant par de grandes brasseries parisiennes, le numéro deux de la restauration en France prévoit d’accélérer son développement en mettant notamment l’accent sur la restauration rapide. Dans une interview aux « Echos », Olivier Bertrand dévoile avoir déjà trois projets en vue en 2022 dans la « street-food ».
Le monde de la restauration a vécu, avec la pandémie et les mois de fermetures, deux années difficiles. Où en est Groupe Bertrand aujourd’hui ?
Etre aussi diversifié que nous le sommes a été un atout dans la plus grosse crise jamais connue par le secteur. La restauration rapide , avec Burger King, est la plus résiliente. Elle surperforme depuis la réouverture à l’issue du premier confinement. Les niveaux sont au moins comparables à 2019. La livraison, le drive ont en effet largement pris le relais lors des arrêts du service à table. Nous avons gagné des parts de marché. Il faut voir maintenant comment tout va se reconfigurer. Mais je crois que les flux vont perdurer et que nous en ressortirons plus forts.
Et la restauration traditionnelle ?
La restauration à table est, elle, vite et bien repartie au moment de la réouverture, avec un creux au moment de l’instauration du passe sanitaire. La fin de l’année s’est bien passée. Mais, avec la vague Omicron, le début de 2022 est compliqué. Cela devrait durer jusqu’à mars. Il y aurait ensuite neuf mois de retour à une activité normale.
Nous prévoyons, pour tout le groupe, un chiffre de 2,2 milliards d’euros sur l’année, à comparer à 2 milliards en 2019 et après 1,65 milliard en 2021. Les crises accélèrent les transformations et poussent les marchés à se recentrer. Les restaurants zombies qui ont tenu avec les aides vont finir par être rattrapés d’ici à fin mars par leurs problèmes d’offre, d’emplacement et de loyer.
Quels sont vos projets ?
Nous voulons être présents à l’avenir sur tous les segments, avec tous les formats. Nous investissons beaucoup dans la « street-food », la restauration rapide. Nous avons trois gros projets en vue cette année avec des tickets moyens entre 10 et 15 euros, opérationnels le midi comme le soir. Nous allons faire une acquisition. Nous allons aussi signer un contrat de master franchise pour une enseigne présente notamment au Royaume-Uni. Et nous lancerons un nouveau concept en association avec un chef connu.
Il s’agit d’aller sur de nouveaux terrains. Nous n’avons encore aucune proposition, par exemple, dans la cuisine asiatique. Les offres « healthy » m’intéressent aussi. Le digital fait évoluer les modèles. Il est aujourd’hui plus facile de déployer une marque sans avoir autant de sites qu’auparavant. Ce qui n’empêche pas d’avoir toujours besoin de disposer des meilleurs emplacements en même temps que des créations « instagrammables ». A Paris, nous restons acheteurs de brasseries sur notre modèle historique. Une ouverture est d’ailleurs prévue en 2022 près de l’Opéra.
Vous avez rappelé votre volonté de couvrir tous les segments de marché. Etes-vous tenté par le concept de « cuisine fantôme » ?
Le modèle « dark kitchen » est intéressant mais s’avère très difficile à rentabiliser. Il y a du sens pour nous à combiner les cuisines de notre réseau et la livraison. A titre d’exemple, et c’est une bonne surprise, Hippopotamus remporte un vif succès avec son entrecôte livrée à la maison. La « dark kitchen » peut être un moyen pour Burger King pour couvrir des zones blanches. Cela dit, nos enseignes ne parlent pas forcément à tout le monde. C’est pourquoi nous devons combiner notre savoir-faire de restaurateur avec de nouvelles marques digitales. Nous en lancerons trois en 2022 pour trois types d’offre : poisson, boeuf, poulet. Et si cela marche bien, nous pourrions même lancer, dans un second temps, une marque généraliste de « dark kitchen ».
Les questions de recrutement n’ont jamais été aussi cruciales dans le secteur…
350.000 collaborateurs travaillent dans nos enseignes. Celles-ci effectuent de 5.000 à 7.000 créations nettes d’emploi par an, avec l’ouverture chaque semaine d’au moins deux restaurants, ce qui correspond à 11.000 à 12.000 recrutements avec le turn-over. A nous de redonner le goût de ce métier de passion.
La formation s’est renforcée. Faciliter le paiement de pourboire fait également partie des enjeux alors que les clients ont de moins en moins de monnaie sur eux. La numérisation des règlements avec la solution Sunday, qui sera déployée d’ici à la fin de l’année dans tous les établissements, permet d’augmenter significativement les pourboires. Il faut simplifier au maximum la vie des collaborateurs.
En outre, la grande majorité des enseignes du groupe fonctionne avec des équipes du midi et du soir , ce qui évite les problèmes de coupure.
L’international a-t-il une place dans votre stratégie ?
Le groupe est très faible à l’international mais c’est sa prochaine étape. Nous irons en faisant une acquisition. Nous n’aurons pas l’arrogance de vouloir exporter une marque, un concept. Il vaut bien mieux s’appuyer sur une enseigne déjà installée. Et si nous devons nous projeter à l’étranger, ce sera sur un marché de proximité, l’Italie ou l’Espagne. J’ai tendance à penser plutôt l’Espagne, pays plus ouvert que l’Italie. Nous pourrons commencer à explorer ce terrain fin 2023 ou en 2024.
Vous avez manifesté, il y a quelques années, votre intérêt pour la restauration collective en prenant 5 % d’Elior…
Ce métier est en pleine transformation. Je crois plus que jamais à la convergence de la restauration collective et de la restauration commerciale. Il faut arrêter d’aborder ce métier par la seule problématique du contrat [restauration concédée, NDLR] mais procéder par celle de l’offre. J’ai du mal à partager cette conviction avec le management d’Elior mais nous avons toujours 5 % de son capital environ via des instruments financiers.
L’an dernier, vous avez fait une percée dans l’hôtellerie haut de gamme parisienne en reprenant une partie du groupe JJW. Comptez-vous développer davantage encore cette activité ?
Paris est un peu mon jardin. Je cherchais depuis dix ans à me renforcer sur le segment de l’hôtellerie de luxe, JJW était une opportunité . Nous avons réussi, au bon prix [on parle de 120 millions d’euros pour 6 hôtels dont 4 de catégorie 4 ou 5 étoiles à Paris, NDLR]. Les travaux sont lancés et les réouvertures vont s’échelonner entre la fin de cette année et début 2023. Il y a toujours plus de monde souhaitant investir dans l’hôtellerie parisienne mais on reste très acheteur ! Nous sommes des investisseurs de long terme avec une double dimension, industrielle et patrimoniale. Nous apportons une valeur ajoutée avec notre métier de restauration. Celle-ci, qui a été longtemps considérée comme « le mal nécessaire » de l’hôtellerie, ne l’est clairement plus. Nous aimerions aussi investir dans une autre capitale européenne.
Article de Clotilde Briard et Christophe Palierse – A retrouver en cliquant sur Source