MSC prévoit d'exploiter la totalité de sa flotte, soit 19 paquebots, à compter de juin. La première compagnie européenne en comptera bientôt un vingtième avec la livraison en octobre du « MSC World Europa » (notre photo), son premier navire propulsé au GNL.Tourisme : la croisière sort de la crise sanitaire

L’activité des compagnies de croisière reprend en ce début mai, et la tendance est globalement favorable en termes de réservations, notamment en France. Les armateurs reviennent de loin après deux années difficiles. Leur horizon reste toutefois assombri par le renchérissement du prix du pétrole.

Ce n’est pas encore « la croisière s’amuse », mais la sortie de crise sanitaire se profile bel et bien à l’horizon pour les croisiéristes, organisateurs comme touristes. La reprise de l’activité des compagnies est en cours sur bien des mers et océans, et s’amplifie même avec la récente ouverture de lignes. La tendance des réservations est d’ailleurs globalement favorable. Le Covid ne semble plus facteur d’anxiété et de réticences, sachant que demeure un protocole sanitaire rigoureux (test avant d’embarquer, port du masque à bord en milieu fermé, etc.).

La reprise est tangible en Europe, où les paquebots peuvent croiser en Méditerranée et dans les eaux d’Europe du Nord, des zones maritimes cruciales pour les croisières, sans parler du retour dans les Caraïbes. Mais si la plupart des îles des Caraïbes sont accessibles aux croisiéristes, la desserte des Antilles françaises fait encore l’objet d’échanges entre les autorités et les armateurs. « Les discussions sont en bonne voie », souligne toutefois le président de la branche française de l’association internationale des compagnies de croisières CLIA, Erminio Eschena, par ailleurs responsable des relations institutionnelles de MSC Croisières. Il s’agit d’un élément clé dans la perspective de la prochaine saison d’hiver et de la pleine utilisation des flottes.

Vers la pleine utilisation des flottes

MSC Croisières, la première compagnie continentale – et branche du groupe suisse MSC, numéro un mondial du transport maritime de conteneurs -, exploitera néanmoins la totalité de sa flotte dès ce mois de juin, soit 19 paquebots – dont 14 en Méditerranée -, 18 d’entre eux étant déjà en service. De même, le groupe Costa, filiale du géant américain de la croisière Carnival et réunissant les compagnies italienne Costa et allemande Aida, devrait avoir également mis en service l’intégralité de ses paquebots d’ici la fin de l’année, indique aux « Echos » son directeur général Michael Thamm, soit 24 bateaux au total, les 12 navires d’Aida l’étant dès cette semaine.

Les armateurs reviennent de loin après deux années difficiles, voire sans précédent, avec des mois d’arrêt total partout dans le monde, et des redémarrages partiels et localisés , contrecarrés par des cas de contamination à bord de certains bateaux et les vagues successives de la pandémie de Covid-19.

Réouverture en Amérique du Nord

Le redémarrage se généralise avec la réouverture du marché nord-américain, le premier au monde représentant plus de 40 % du trafic passagers avant la crise sanitaire. Longtemps fermé, il a connu le mois dernier le coup d’envoi d’une montée en puissance progressive au Canada, et le retour d’un premier paquebot à Bar Harbor, dans le Maine, port de départ et destination clé de la Nouvelle-Angleterre sur la côte est des Etats-Unis.

En Océanie, le retour à Sydney du « Pacific Explorer », paquebot emblématique de P&O Cruises Australia, a eu valeur de symbole, le navire ayant été rapatrié pendant deux ans en Europe. Enfin, « les croisières ont aussi globalement repris en Amérique du Sud, au départ du Brésil notamment », précise Erminio Eschena.

La Chine à l’écart du mouvement de reprise

La Chine, en revanche, reste à l’écart du mouvement général, du fait de sa politique sanitaire extrêmement restrictive avec son objectif du zéro cas de contamination. Dans ce contexte de redémarrage progressif, les instances mondiales de CLIA estiment que le secteur devrait retrouver son trafic record de 2019, soit un total de 32 millions de croisiéristes, d’ici à la fin 2023.

Un calendrier que semble valider l’évolution actuelle du marché français, le cinquième en Europe avant la crise sanitaire (524.000 passagers en 2019). « 2022 ne sera pas une année normale parce que la vague Omicron a perturbé la saison d’hiver mais on va vers un retour à la normale. En avril, nous avons dépassé notre prévision budgétaire et nous devrions faire de même pour mai », indique le directeur général France de MSC Croisières, Patrick Pourbaix, qui note toutefois des « réservations plus tardives ». « L’été n’est pas encore fait. Nous avons des passagers à trouver pour juin, entre autres. Les gens réservent désormais deux mois à l’avance, au lieu de six à huit mois avant crise », souligne-t-il.

Ventes « last minute »

Ce phénomène de ventes « last minute » et l’envie de croisière sont également relevés par Ponant, la compagnie haut de gamme, spécialiste, entre autres, des croisières dites d’exploration, aux bateaux de petite capacité. « Les demandes de devis sont bien plus nombreuses qu’avant-Covid », constate un porte-parole. Ponant, qui opère déjà 11 de ses 13 navires, prévoit d’exploiter l’intégralité de sa flotte en juillet. La compagnie, à la clientèle par ailleurs très internationalisée, et pour moitié non francophone, profitera alors du « retour », après rénovation, de son emblématique trois-mâts « Le Ponant ».

Ponant, qui avait transporté 60.000 passagers en 2019, prévoit d’en accueillir 40.000 pour sa seule saison d’été. De son côté, la branche française du groupe norvégien Hurtigruten – le numéro un de la croisière aventure -, a déjà atteint ses objectifs 2022 pour les croisières le long de la côte norvégienne. Elle compte aussi profiter de la diversification en cours des destinations de sa maison mère (Galapagos, Cap Vert, etc.), laquelle a, par ailleurs, retrouvé ses « niveaux d’activité d’avant-Covid ».

A ce stade, la guerre en Ukraine et le contexte inflationniste ne semblent pas peser sur les réservations. « L’enjeu, c’est de remplir progressivement avec des prix raisonnables », remarque le patron France de MSC Croisières. Patrick Pourbaix admet néanmoins que le renchérissement du prix du pétrole « pourrait avoir un rôle » quant à l’évolution de la demande.

Quand Istanbul affiche de nouvelles ambitions

La compagnie Costa vient de lancer, début mai, une ligne inédite au départ d’Istanbul avec des escales en Turquie et en Grèce. Le projet témoigne de la volonté des autorités turques de donner une nouvelle dimension à cette cité intemporelle, au carrefour de l’Europe et de l’Asie, sur le marché européen de la croisière. Il repose sur un partenariat avec Galataport Istanbul, terminal croisière stambouliote flambant neuf, ainsi que sur une collaboration avec la puissante Turkish Airlines afin de proposer un forfait « avion + croisière ». Des escales supplémentaires sont déjà programmées pour l’hiver 2022-2023, en Egypte, en Israël et à Chypre. « C’est un mouvement stratégique », assure le directeur général du groupe Costa, Michael Thamm, et d’évoquer « un mouvement de Venise vers Istanbul, de la Méditerranée occidentale vers la Méditerranée orientale ». Cette nouvelle ligne témoigne aussi, en creux, de la mise en sommeil d’un marché chinois de la croisière sur lequel Costa fondait de grands espoirs avant la crise sanitaire. Le paquebot utilisé, le « Costa Venezia », livré par Fincantieri début 2019, a été le premier de la compagnie italienne dédié à la clientèle chinoise. Il était initialement basé à Shanghai.

Christophe Palierse

Source : Tourisme : la croisière sort de la crise sanitaire | Les Echos