Tourisme : les vacanciers sont de retour, pas les saisonniers

Si la situation est un peu meilleure que l’an dernier, les professionnels tricolores éprouvent toujours des difficultés à pourvoir les postes de saisonniers. Les efforts consentis sur les salaires n’ont produit des effets qu’à la marge.

Au sortir de la crise sanitaire, le monde du tourisme a pu apprécier le retour en masse des vacanciers … mais pas de celui des saisonniers. En 2022, selon les chiffres du ministère du Tourisme, 30 % d’entre eux manquaient à l’appel, et seule la moitié des 150.000 postes disponibles ont trouvé preneur. Face au fort rebond de l’activité, « nous avons été pris de court et nous n’avons pas eu le temps de nous adapter aux difficultés de recrutement », résume Pascale Jallet, déléguée générale du Syndicat national des résidences de tourisme (SNRT).

« La tension liée aux saisonniers est structurelle dans l’hôtellerie-restauration. Mais en 2022 et en 2023, le phénomène s’est accentué dans un contexte économique où le niveau d’emploi est au plus haut. L’absence de lisibilité sur la main-d’oeuvre a d’ailleurs conduit cet hiver de nombreuses stations de ski à fermer plus tôt », souligne François Blouin, président-fondateur du cabinet Food Service Vision.

Des candidats « moins motivés »

A l’orée de la saison estivale 2023, la situation s’est un peu améliorée. « On est mieux que l’an dernier, car on s’y est pris beaucoup plus en avance », indique Nicolas Dayot, président de la Fédération nationale de l’hôtellerie de plein air. C’est particulièrement vrai pour les grands groupes de campings, « qui ont mis les moyens et qui disposent de services de ressources humaines », note le dirigeant.

Du côté de l’hôtellerie-restauration, on semble partagé. « On ne sait pas dire s’il manque plus de saisonniers que l’an dernier, car le recensement est trop difficile. Mais on manque toujours de salariés qualifiés, notamment dans la restauration : cuisiniers, serveurs, réceptionnistes, pâtissiers », relève Laurent Barthélémy, président de la branche saisonniers de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih).

Selon des données du groupe Adecco, 24.000 cuisiniers sont ainsi recherchés, tout comme 16.500 plongeurs. Mais, remarque Laurent Barthélémy, « un certain nombre de saisonniers étudiants ont été identifiés qui n’étaient pas là l’an dernier. Et on voit beaucoup de personnes de plus de 55 ans qui avaient quitté leurs métiers pendant la crise ».

Dans les parcs de loisirs, qui fonctionnent beaucoup grâce aux saisonniers, « on ne peut pas parler de pénurie mais nous n’avons pas retrouvé la qualité d’avant-crise, avec des effectifs plus instables, parfois moins motivés », pointe Arnaud Bennet, patron du parc animalier Le Pal et par ailleurs président du Syndicat national des espaces de loisirs, d’attractions et culturels (Snelac). « On a beaucoup de candidats envoyés par Pôle emploi, mais peu sont ceux qui viennent à l’entretien. Sur 15 candidats, 3 seulement se déplacent, et seul un est retenu. Car ce qu’on demande, ce n’est pas du savoir-faire, mais du savoir-être ».

Efforts sur les conditions de travail

Pour attirer une main-d’oeuvre qui se fait désirer, des efforts ont pourtant été consentis par le secteur. Dans l’hôtellerie de plein air, les salaires ont été revalorisés de 6 % l’an dernier, et de 10 à 12 % en deux ans s’agissant des résidences de tourisme. Tandis que la branche hôtellerie-restauration a acté l’an dernier une hausse moyenne de 16 % des salaires. La forte hausse du SMIC depuis un an joue à plein.

D’autres stratégies sont mises en oeuvre. Comme ce restaurateur qui fidélise les saisonniers en leur proposant des postes, l’été, dans l’établissement qu’il possède dans une ville balnéaire et l’hiver, dans celui qu’il gère à la montagne. Comme dans beaucoup d’hôtels ou de restaurants, « tous les exploitants de résidences de tourisme ont fait des efforts sur les conditions de travail, pour faciliter la vie familiale, pour regrouper les congés qui étaient souvent éparpillés dans la semaine, etc. », poursuit Pascale Jallet.

Des formations sont également proposées durant l’intersaison afin de fidéliser les saisonniers. Idem chez Louvre Hotels (Campanile, Kyriad), qui « encourage fortement les établissements hôteliers à proposer aux saisonniers deux jours de repos consécutifs, un week-end complet toutes les 3 à 4 semaines et à leur mettre à disposition s’ils en font la demande un logement ».

Le hic du logement

Malgré tout, les professionnels du tourisme se heurtent toujours à la problématique du manque de logements pour héberger les saisonniers. Certaines villes et régions ont commencé à prendre le problème à bras-le-corps. Les pistes suivies vont des locations de mobile-homes réservés dans le camping municipal au chalet acquis par la mairie à la montagne.

Le gouvernement a lui aussi initié un plan triennal, mais ses effets ne se feront pas sentir avant l’an prochain. Ce ne sera sans doute pas de trop, puisque la saison estivale 2024 pourrait virer au casse-tête. « Les Jeux Olympiques vont beaucoup recruter, et beaucoup de jeunes vont choisir de travailler à Paris au lieu de venir dans les territoires », soupire Laurent Barthélémy.

Par Yann Duvert avec Clotilde Briard – A retrouver en cliquant sur Source

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